Tome 3, surprises et confidences

cartemersturquoises

Le jour J est enfin arrivé. Ironie du sort, je n’ai pas encore la troisième et dernière aventure des Pirates de L’Escroc-Griffe entre les mains, contrairement à certains lecteurs !

Pour marquer le coup, vous trouverez à la fin de ce billet un texte inédit, les yeux du céleuste. Il s’agit d’un chapitre particulièrement sombre de mon bouquin, avec de nouvelles têtes mais aussi de vieilles connaissances… et des bad guys. J’espère que vous les aimerez.

Maintenant que le livre est publié, je peux enfin lever le voile sur le « bonus » dont je vous parlais ces derniers mois : à la fin du roman vous trouverez des appendices. Certains étaient déjà présents sur mon site, mais d’autres sont totalement inédits, et vous permettront de quitter les Mers Turquoises en douceur (snif).

L’autre surprise vient cette fois de mon éditeur. Bragelonne a vendu 2 millions d’e-books. Pour fêter cet événement, 500 titres du catalogue seront vendus à 0.99 €, du lundi 27 juin au vendredi 1er juillet dans le cadre de la #GrosseOP (plus d’infos bientôt sur http://www.grosseop.fr), à raison de 100 titres par jour.

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Vous gardez ça pour vous, hein ? Si l’équipe de Bragelonne apprend que j’ai vendu la mèche je vais périr dans d’atroces sou… (bruit d’explosion).

Les yeux du céleste (à lire après la fin du deuxième tome)

— Nous approchons des côtes, Seigneur Yskander.
Debout sur le pont de sa trirème, le roi de Leucédoine tentait de deviner les rivages, en vain. Aujourd’hui, la vrume était particulièrement épaisse, au point où il distinguait à peine son nécroalchimiste. Yskander se tourna vers l’homme chauve au teint pâle. Le visage glabre, Néoptolomène de Cardia avait remplacé ses yeux par des oculaires en bronze. Il ne semblait pas souffrir du froid car sa toge leucédonienne en cuir noir était ouverte. Six câbles translucides pendaient de son abdomen constellé de cicatrices. Du sang circulait dans ces perfusions qui alimentaient des créatures masquées par le brouillard verdâtre, mais Yskander entendait leurs pattes crisser sur le plancher. Comme tous les nécroalchimistes de Cardia, une des îles de Leucédoine, Néoptolomène se livrait à des expériences morbides auxquelles il valait mieux ne pas trop s’intéresser. Morbides, mais nécessaires. Ses loups en étaient la preuve flagrante.
— Bien.
Yskander s’en alla sur le pont de sa nef en direction de sa cabine. Le seul bruit qu’il percevait était le bourdonnement des antiques mécanismes sous la cale. Il jeta un regard en direction de la fosse à esclaves. Enchaînés, les captifs ramaient en silence au rythme du tambour du céleuste. Enfin, « ramer » était un bien grand mot. Les esclaves, immobiles, n’accomplissaient aucun mouvement. Chacun d’entre eux avait une perfusion plantée dans la colonne vertébrale. Les sondes disparaissaient dans les entrailles du navire et alimentaient en douleur les machines à souffrances qui propulsaient la galère, au rythme du tambour du céleste. Le roi était frappé par le regard des captifs. Jamais il n’avait eu à mater de rébellion, à croire que les esclaves étaient terrorisés par son armée – ce qui n’était pas plus mal, cela lui évitait d’être trop cruel. La violence devait toujours être employée à bon escient, pas seulement pour des raisons d’ordre moral. Se montrer trop brutal était le meilleur moyen de provoquer des insurrections.

Le céleuste arrêta de frapper son tambour et leva la tête vers Yskander. Le roi frissonna. Pendant un bref instant, il eut le sentiment que ses yeux n’étaient que des orbites vides, mais fort heureusement, cette vision ne dura pas. Ce n’était pas la première fois qu’il était victime de ces hallucinations. Les conteurs avaient coutume de dire que dans la vrume, chaque personne révélait sa vraie nature, et il était prêt à parier que le céleuste n’était pas un saint, d’où son apparence monstrueuse qu’il percevait de temps en temps.
Et moi, quelle est ma vraie nature ?
Yskander jeta un dernier regard vers les corps rachitiques des esclaves. Parfois, ces êtres misérables lui faisaient douter du bien-fondé de sa mission, mais au moins avaient-ils la vie sauve. Les Leucédoniens noyés par la fureur de Brôm pouvaient-ils en dire autant ? Le royaume des Mers Turquoises n’avait pas fait preuve d’autant de miséricorde lorsque ses îles avaient été englouties…

Le roi serra le poing. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas remarqué qu’il était devant la porte de sa cabine, gardée par deux légionnaires. Il pénétra dans ses vastes appartements, aussi richement décorés que la cour d’un palais. Il se dirigea vers le dragon d’or disposé au fond de la pièce, un trône massif qui ressemblait à un reptile marin, le symbole de la Leucédoine.
— Majesté ?
Près du lit à baldaquin l’attendait un individu étrange, lourdement maquillé, au sexe indéterminé. Les cheveux rouges dressés comme des piques, l’androgyne se tenait immobile, vêtu d’un harnais en cuir duquel pendaient des chaînes d’acier.
— Qui vous a laissé entrer, Mime ?
Les deux gardes se précipitèrent dans la pièce, mais Yskander leva la main. Penauds, les légionnaires s’immobilisèrent.
— Majesté, vous ne feriez pas appel à mes services si je n’avais pas quelques talents.
— Ils ne vous rendent que plus redoutable.
— Merci du compliment.
Mime fit une lente révérence en signe de remerciement.
— Je voulais juste vous parler en privé.
Le front d’Yskander se plissa. Le pantomime demeurait une énigme. Il était entré en contact avec son armée par le biais du général Akhilleus… qui avait failli le faire exécuter sommairement. Mime avait en effet annoncé qu’il avait tenté de tuer Mange-Sang, avant de prendre la fuite pour rallier les ennemis de la régente. Cela faisait de lui un régicide et un traître, mais curieusement, l’androgyne n’exigeait aucune contrepartie financière pour ses services. Il ne semblait pas non plus haïr la Belle Lili. Quelle était sa motivation ? « Avoir la vie sauve», avait répondu Mime, un sourire aux lèvres. Cette réponse n’était guère convaincante, mais contre toute attente, le pantomime donnait régulièrement des informations fiables.
Yskander fit signe à ses gardes de s’en aller. Ils obéirent de mauvaise grâce, non sans avoir adressé un regard noir à l’androgyne.
— Quelle est cette information si urgente dont vous vouliez me faire part ? demanda le roi.
Le pantomime attrapa un verre rempli d’un liquide de couleur bleue. Du vin de Leucédoine, réalisa Yskander. Il s’est ouvert une bouteille. Les vignes avaient été englouties par le raz-de-marée, ce qui rendait cet alcool rarissime. En temps normal, il aurait fait exécuter sur-le-champ ce voleur, mais le pantomime était une sorte de bouffon qu’il devait tolérer. Un bouffon bien trop précieux pour être mis à mort.
— La Belle Lili s’en va vers le Nord. Le roi crut avoir mal entendu.
— En êtes-vous sûr ?
Mime hocha la tête.
—J’ai encore mes entrées à la cour d’Ombrefort. Certains nobles royalistes n’ont jamais accepté la régence, ils sont nostalgiques de l’ancien régime.
— Je peux le concevoir, mais comment arrivez-vous à communiquer avec vos espions sur d’aussi longues distances ?
L’androgyne sourit.
— Disons que grâce au cardinal Velin, j’ai été à bonne école. Le roi demeura impassible.
—Je ne sais pas si ce que vous m’apprenez est une bonne ou mauvaise nouvelle, répondit Yskander. La Belle Lili est loin d’être stupide.
Les yeux de Mime s’illuminèrent.
—La progression de votre armée est aussi inexorable que la vrume. Plus vous tuez d’ennemis, plus ce brouillard se remplit d’esprits et grandit.
Yskander fronça les sourcils. Comment un simple pantomime savait-il tout cela ? Était-ce grâce au cardinal, féru d’ésotérisme ? Il n’y avait qu’un moyen de l’apprendre : jouer à l’imbécile.
— Je ne vois pas le rapport avec la régente, mentit le roi.
— Réellement ?
Mime feignit la tristesse, avant de reprendre son sérieux.
— Nous savons tous les deux que tôt ou tard la vrume recouvrira l’ensemble des Mers Turquoises. Bientôt, votre armée pourra apparaître à n’importe quel endroit du royaume. La Belle Lili ne pourra pas vous échapper éternellement.
Paradoxalement, pour la première fois depuis bien longtemps, Yskander ressentit de la peur.
— Qui servez-vous au juste ? demanda-t-il.
Les yeux de Mime brillèrent à nouveau.
— Le même maître que vous.
Le roi sentit la colère monter en lui.
— La seule cause que je sers, c’est celle de la vengeance.
L’androgyne leva un sourcil amusé.
— En êtes-vous si sûr, Majesté ?
Yskander repensa aux yeux morts du céleuste, dans la fosse aux esclaves.
Il frémit.

Published in: on juin 22, 2016 at 7:44  Comments (10)  

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10 commentairesLaisser un commentaire

  1. Vraiment réussi, ce passage ! Comme le reste. Savoure bien cette sortie, Amiral !

    • Merci Domi ! 😉 Visiblement il y a eu plus de commandes que prévu car les délais de livraison s’allongent. Je suis content que les lecteurs soient au rendez-vous 🙂

      • Tu en doutais ? 😉 Ts Ts Ts. 🙂

        • C’est un tome 3, mine de rien ce n’est jamais gagné ! 🙂

          • Une trilogie, ça va, surtout quand elle réserve autant de surprises ! On ne s’ennuie pas, c’est une des raisons du succès. 😉

            • Oh merci Domi ❤ C'est malin, je suis tout rouge !

  2. Juste un mot: épique !
    Cela prend fin sur le papier, mais continue de se développer outre conscient, dans l’imagination des lecteurs.

    Un grand homme disait:
    « La fin de toute chose n’est que le commencement de sa suite »
    – Henri BERGSON

    C’est ainsi que tu nous laisse méditer, sur cette folle histoire du Monde Fleur en hommage à la piratrie de notre enfance !

  3. Mais… mais… tu l’as déjà lu ??? Waow ! Merci infiniment Mathieu pour ton retour ❤ , je suis très touché que la fin t'ait inspiré, je suis comblé ! 🙂

  4. (3e essai, je n’arrive pas à commenter ce soir… :()
    Moi je ne risque pas de l’avoir lu, il n’était pas dans mon colis Amazon du jour, je suis dégoûtée !!! 😥
    En tout cas, sympa ton article (j’ai bien ri avec la fin tronquée) et ton extrait… Vivement que je le lise, moi, ce bouquin ! ♥

    • J’ai hâte d’avoir ton avis ! 😉


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