Par souci d’honnêteté, je tiens tout de suite à donner une précision qui a son importance : depuis 1999, je suis un grand fan de M. Night Shyamalan. Je l’ai presque toujours défendu contre vents et marées. On peut dire ce qu’on veut de ses scénarios, toujours est-il qu’il est l’un des rares cinéastes a les avoir quasiment tous écrits lui-même ! À titre comparatif Martin Scorsese, que j’admire, a réalisé des remakes (Les Infiltrés, Silence) et la plupart de ses films récompensés aux Oscars sont des adaptations.
Comme beaucoup j’ai adoré Sixième Sens, Incassable et le Village, bien sûr, mais affirmer que Shyamalan est juste un faiseur de twists, c’est oublier sa faculté à rendre des scènes anodines bouleversantes. Je pense notamment à celle du Sixième Sens, quand Toni Collette sort du supermarché avec Haley Joel Osment assis dans le caddie, les deux acteurs étant filmés en contre-plongée. Pendant ces quelques secondes de complicité, mère et fils oublient le drame terrible qu’ils vivent et profitent du moment présent sous un grand ciel bleu. Pas de suspens dans cette scène, mais un pur instant de grâce digne de Spielberg.
On ne parle jamais de l’élégance de sa photographie, comme celle du Village.
À l’époque, j’avais beau avoir deviné la fin de ce film dès les premières minutes, son éclairage m’avait impressionné et rappelé le naturalisme de certaines peintures flamandes… ou le travail de Kubrick sur Barry Lyndon.
Pour la petite histoire, pendant le tournage du Village, Shyamalan était tellement obsédé par les détails que pour la figuration, il avait fait engager les frères et les soeurs de certains acteurs pour accentuer l’impression de voir à l’écran les membres d’une même famille…
À l’exception d’After Earth, un navet scénarisé par Will Smith sur lequel le réalisateur était bridé, j’ai aimé tous les autres long-métrages, à différent degré. La plupart des critiques estiment que la jeune fille de l’eau est au mieux un beau ratage, mais comme pour le cas Spielberg, un mauvais Shyamalan est presque toujours un bon film. À mon sens, la jeune fille de l’eau est un chef d’oeuvre incompris. Ce n’est pas seulement une relecture du mythe de la sirène avec sa propre mythologie, mais également de l’urban fantasy engagée ayant pour cadre l’Amérique désenchantée des années W. Bush. Tout le film est résumé en un seule plan iconique, celui de la piscine
Si j’ai moi-même détesté le message religieux véhiculé par Signes, le fait que la foi soit subordonnée à des coïncidences censées prouver l’existence de Dieu, le montage de ce film est magistral, Shyamalan se montre encore une fois impressionnant d’un point de vue technique. Une œuvre telle que Phénomènes n’a rien à envier à un Hitchcock, je pense à cette séquence terrifiante, quand la mort se confond avec le vent… N’est-ce pas la preuve que Shyamalan est un grand maître du suspens ?
Alors, oui, le Dernier Maître de l’air est un long-métrage mineur dans cette filmographie, mais en 2015 le très bon The Visit (un petit budget autofinancé pour retrouver une liberté artistique totale !) laissait entrevoir la lumière après une décennie d’échecs commerciaux et critiques. C’était peu dire que j’attendais ce Split au pitch alléchant, qui est lui aussi un film indépendant :
Kevin a déjà révélé 23 personnalités. Poussé à kidnapper trois adolescentes, Kevin devient le foyer d’une guerre que se livrent ses multiples personnalités, alors que les divisions qui régnaient jusqu’alors dans son subconscient volent en éclats.
Un projet dingue, mais un véritable cadeau que fait Shyamalan à son acteur, James McAvoy. Avec finesse, le comédien s’en tire à merveille et parvient à se montrer aussi drôle que terrifiant, sans jamais tomber dans le grotesque. J’ai adoré cette galerie de personnages inquiétants, notamment son interprétation émouvante d’un enfant de 9 ans, Hedwig ! *
On assiste à des échanges passionnants avec une psychiatre fascinée par son – ou plutôt « ses » – patients. La musique, prenante, sert agréablement ce récit fantastique qui pose des questions pertinentes sur ce qui nous définit en tant qu’individu. Récemment, des chercheurs ont fait passer un questionnaire à un groupe de personnes qui avaient déjà répondu dans leur jeunesse… 63 ans plus tôt ! Il s’agit de la plus longue expérience psychologique jamais réalisée. Les réponses étaient si différentes qu’il n’y avait plus de corrélation du tout, comme si ces gens, en l’espace de 63 ans, étaient devenues d’autres personnes. À une échelle moindre, au quotidien ne sommes-nous pas tous des êtres avec des personnalités multiples à mesure que nous nous énervons ou nous angoissons au fil de la journée ? Les esclaves de pensées sans substance, les victimes d’illusions mentales capables de déclencher des maladies malheureusement bien réelles ? L’esprit peut-il influencer la matière ?
Toutes ces réflexions métaphysiques ne doivent pas faire occulter que le film n’est pas exempt de tout reproches. Il y a de petits deus ex machina, mais aussi cette volonté de faire passer à coups de marteau un message dans une confrontation finale qui aurait mérité moins de dialogues, et plus d’émotion.
À cause de ces (petites) réserves, Split manque de peu d’être un chef d’oeuvre, mais il reste un excellent thriller intelligent appelé à devenir un film culte. La fin, magnifique clin d’œil destiné aux fans, donne le sourire pour peu qu’on connaisse l’univers du réalisateur… Quand on sait qu’il n’avait que 29 ans lorsqu’il réalisa le Sixième Sens, et qu’il n’en a aujourd’hui que 46, l’âge moyen d’un jeune cinéaste, tout laisse à penser que le maître de Philadelphie entame désormais une seconde carrière.
Shyamalan is back !
* J’espère cependant que ce long-métrage ne contribuera pas à déshumaniser les vrais malades atteints de trouble dissociatif de l’identité, et qui ne sont bien sûr pas tous des criminels.
Bonsoir JS, je ne connais pas Night Shyamalan…. Alors, quel film me conseilleriez-vous de visionner en premier (la bande annonce de The Visit ne m’a pas accroché)……
A très vite ….
Bonsoir Daniel ! Je vous conseille fortement son premier film, Sixième Sens, qui est vraiment formidable (Oscar du meilleur scénario si je ne dis pas de bêtises), mais aussi le Village… J’espère qu’ils vous plairont, hâte d’avoir votre retour !
Merci. Je vais les regarder. A bientôt.
Bon film ! À bientôt 😉
Je viens de voir ton article et je ne sais pas si tu as vu mais il y a quelqu’un qui te demande un conseil
Envoyé de mon iPad
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Merci Pascaline 😀
Je suis d’accord, Le sixième sens est un chef d’œuvre. En revanche, j’ai détesté La jeune fille de l’eau. Split était vraiment bien fait et James McAvoy époustouflant dans le rôle. Mais, j’avoue que j’ai été un peu déçue par le scénario. Heureusement la chute remonte un peu le niveau.
Split n’est pas son meilleur film, mais ça fait vraiment du bien de revoir ce réalisateur au taquet ! 😊
Oui, il remonte la pente, c’est certain. Et c’est tant mieux!
A reblogué ceci sur Cosmogonie d'une vie.
Merci de m’avoir rappelé, le temps d’un article, à quel point j’aime ce réalisateur. ❤
Nous avons, semblerait-il, des goûts en commun. 😉 Je te rejoins tout à fait sur la jeune fille de l'eau et la photographie de the Village..
Plus qu'à aller voir Split au cinéma, de mon côté. J'ai hâte !^^
« Nous avons, semblerait-il, des goûts en commun »
J’en ai bien l’impression 😉 Je suis ravi que tu sois fan également, c’est vraiment un réalisateur un peu à part… Et moi j’ai hâte d’avoir ton retour 😉 Bises !
A reblogué ceci sur Sylvain JOHNSON.
J’aimerais bien le voir celui-là, même si je me doute bien que le traitement ne sera pas le même que celui de la biographie de Billy Milligan. Reste à trouver un créneau…
Clairement ! Même si la performance de l’acteur principale est hors-norme, il s’agit plus d’un film fantastique que d’un drame réaliste…