Memento mori

Parfois, un deuil permet de mûrir à un point qu’on ne soupçonne même pas, de devenir une meilleure personne. C’est ce qui m’arrive en ce moment avec la perte d’un membre de ma famille, une histoire cruelle sur laquelle je ne souhaite absolument pas m’épancher, mais qui m’a conduit à m’intéresser au stoïcisme, une philosophie datant de la Grèce antique. Je trouve cette sagesse très complémentaire du bouddhisme que je suis, et incroyablement positive, car si le stoïcisme enseigne qu’on ne peut pas changer les autres, et encore moins éviter les drames de l’existence, on peut néanmoins changer soi-même. D’où cette idée fascinante du stoïcisme, « l’obstacle est le chemin », qui me fait beaucoup penser au « sans la boue pas de lotus » du zen : ce sont les épreuves qui nous forment. 

Le stoïcisme rejoint en fait le concept de karma positif et négatif, déterminé par son propre mental : si en allant à mon travail je suis surpris par la pluie, je peux me mettre en colère et me gâcher tout seul la journée… ou bien éclater de rire. C’est le regard qu’on porte sur l’existence qui lui donne tout son sens.

Cet état d’esprit ne concerne pas que le deuil, il permet également d’accepter qu’au cours de la vie des proches s’éloignent et, dans le même temps, faire de nouvelles rencontres, laisser la porte ouverte à des retrouvaille, écouter des amis à l’apparence joviale raconter des difficultés dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Loin d’être déprimante, cette période de ma vie est extrêmement  riche, pleine de sens : j’ai en effet compris que le stoïcisme n’était pas le savoir théorique que j’ai étudié à l’université, mais bien une philosophie pratique qu’il faut appliquer au quotidien, comme une spiritualité orientale.

C’est dans cette optique que je me lève avant le réveil pour effectuer ma méditation quotidienne, faire du sport et suivre des pratiques stoïciennes totalement en phase avec le bouddhisme que je suis : le principe memento mori, en français « souviens-toi que tu vas mourir », qui consiste à vivre comme si ce jour était le dernier et donc se concentrer sur le positif. Loin d’être morbide, cette sagesse est libératrice : l’Hagakure, le code des samouraïs, ne dit pas autre chose.

Memento mori, c’est aussi se sentir reconnaissant d’être vivant, et le soir penser à trois moments qu’on a apprécié dans la journée, faire un bilan de ce qui a été réussi et de ce qui peut être amélioré… Memento mori, c’est également ne plus perdre de temps et travailler tous les jours sur mes futurs romans.

Je réalise que j’arrive à un stade de ma vie où je suis satisfait de ce que j’ai, sans attentes : j’ai renoué avec le petit enfant au fond de moi qui a manqué d’affection durant ses jeunes années. En veillant sur lui, je grandis. J’aime passer du temps seul à prendre soin de moi, à davantage me faire plaisir, à m’affirmer aussi, poser des limites et ne plus être « trop gentil ». Cultiver l’amour de soi n’est pas du narcissisme, car on ne peut pas véritablement s’occuper des autres si on ne sait pas s’occuper de soi.

Que ce soit pour un ami, une relation sentimentale ou pour un deuil, on ne craint plus de perdre l’Autre quand on sait qu’en étant soi-même son meilleur ami, on est jamais vraiment seul. Aimer l’Autre, c’est paradoxalement être moins dépendant de lui et accepter qu’il soit libre, accepter l’impermanence de l’existence.

Accepter d’être serein.

Pour aller plus loin :

  • Les Pensées de Marc Aurèle, un petit livre passionnant et émouvant
  • un livre tout aussi passionnant, Comment devenir un philosophe grec
Published in: on août 22, 2024 at 10:38  Comments (4)  

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4 commentairesLaisser un commentaire

  1. Avatar de Solessor

    C’est un article qui me touche beaucoup et résonne particulièrement en moi. Merci pour ça. Je vais me pencher sur ces références, et modestement m’atteler à prendre un chemin plus à l’écoute de moi-même, en suivant cet exemple. Superbe partage 🙏🏻

    • Avatar de Escrocgriffe

      Merci Solessor, je suis ravi si ce partage peut servir d’une manière ou d’une autre…

  2. Avatar de nathaliebagadey

    Merci pour ce beau partage, mon cher Jean-Sébastien.
    Et pour les liens, notamment celui de cette chaîne YouTube qui m’a l’air pleine de richesses. 🙏

    Je t’embrasse très fort car un câlin, même à distance, cela fait toujours du bien dans ces moments de deuil. 💙😘🤗

    • Avatar de Escrocgriffe

      Tu es adorable, Nathalie, merci ❤️ Je pense que ça va vraiment te plaire, connaissant ta nature profondément positive… La grande force du stoïcisme, c’est aussi le fait que cette philosophie parle énormément à notre pragmatisme, à nous Occidentaux… et c’est en cela que cette philosophie est extrêmement complémentaire du bouddhisme, dont le mysticisme peut rebuter les plus matérialistes d’entre nous (même si ce n’est absolument pas mon cas). Je te souhaite une bonne découverte, en espérant que tu trouveras dans cette sagesse ce que tu cherches…. Gros bisous 😘


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