La semaine dernière, j’enseignais un cours à mes étudiants lorsque l’un d’entre eux osa m’interrompre pour me poser une question stupide :
— Professeur Van Stoorwan, pourquoi fabrique-t-on des pistorapières, alors que forger des rapières serait plus facile ?
J’ai tellement ri que j’ai cru que j’allais m’étouffer ! Aussi incongrue soit-elle, cette question présente au moins le mérite de nous faire réfléchir sur une problématique intéressante : pour quelle raison la pistorapière a-t-elle été inventée ?
L’histoire de cette arme est étroitement liée à celle des batailles navales. Lorsque les premiers abordages ont eu lieu, les pirates ont été confrontés à des problèmes de taille : comment sauter sur un pont adverse armé d’un revolver et d’un sabre ? Changer rapidement d’arme lorsqu’on est à court de munitions ? La pistorapière était née.
Les modèles archaïques
Les premiers modèles étaient sommaires. On raconte que le célèbre flibustier Chat de navire, surnommé ainsi car il mangeait les rats de sa cale, utilisait cette arme. Elle n’était guère plus qu’une poivrière munie d’une lame.
Très vite ces mécanismes s’allongent, comme vous pouvez le constater ici avec la pistorapière archaïque, une lame contre laquelle un canon a été fixé.
La pistorapière moderne
L’avénement de la pistorapière telle qu’on la connait est tardif et survient seulement avec l’âge d’or de la piraterie ( Troisième siècle après la Création du Royaume). Les pirates capturaient des chants-forgeurs qu’ils torturaient, ces pauvres artisans en étaient réduits à sculpter dans le corymbiote* des armes vivantes, plus résistantes que le plus pur des aciers. Dès lors, les pistorapières deviennent extrêmement robustes. La lame, creuse, sert de canon. Lorsque le bretteur actionne la détente, la balle jaillit par la pointe qui s’ouvre, puis se referme après le passage du projectile. Les pistorapières les plus prisées étaient celles dont les pointes organiques se révélaient particulièrement réactives. A l’inverse, certaines armes défectueuses pouvaient exploser.
Très rapidement, les mousquetaires noirs de l’Eglise de Brôm ont été contraints d’employer le même équipement que l’ennemi. Leurs armes étaient aussi efficaces, mais beaucoup moins belles que les pistorapières des pirates. Les flibustiers n’hésitaient pas à faire décorer les gardes avec notamment des coquillages qui protégeaient leurs mains lors des duels.

« Palourde », la mythique pistorapière de Lorick-un-Poing. L’arme était surnommée ainsi à cause de sa garde. Un surnom affectueux pour une lame qui a tué un grand nombre de mousquetaires noirs…
Les gardes les plus recherchées étaient les gardes dites « à piques », dont les formes évoquaient vaguement les pointes du Solennel, le navire de l’Amiral-Fantôme. Elles étaient très difficiles à obtenir, car les chants-forgeurs devaient sculpter avec une extrême finesse le corymbiote. Suite aux affres de la guerre civile, cette technique est malheureusement perdue à tout jamais.
*Corymbiote : carapace d’un coquillage géant plus résistant que le plus pur des aciers. Le corymbiote est considéré comme sacré, il est sculpté par les chant-forgeurs, des artisans capables de modeler cette matière vivante grâce à des prières et un rituel ésotérique. Ce savoir secret se transmet uniquement de maître à disciple.
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