Il y a quelques jours, j’ai écrit un article incendiaire sur le dernier film de Peter Jackson. Adapter, est-ce forcément trahir ? J’avais envie de vous livrer un billet un peu plus constructif sur ce qu’on appelle les adaptations libres, celles qui prennent des libertés sans pour autant desservir l’oeuvre originale. Voici ma liste, forcément subjective :
Apocalypse Now
Palme d’Or au Festival de Cannes en 1979, Apocalypse Now a mis d’accord les spectateurs et la critique. Je pourrais consacrer un article entier sur ce film qui me hante depuis une quinzaine d’années. Odyssée hallucinée sur fond de Vietnâm, Apocalypse Now est inspiré d’une nouvelle de Joseph Conrad, Au coeur des ténèbres, l’histoire d’un officier qui remonte le cours d’un fleuve africain à la fin du XIXe siècle. Autant dire que les deux contextes historiques n’ont rien à voir. Impression renforcée en 2001 avec la déclaration d’intention de Coppola, à l’occasion du nouveau montage du film :
« Mon but avec Apocalypse Now Redux est de présenter une expérience plus riche, plus ample, plus texturée du film, qui comme l’original à l’époque donne aux spectateurs la sensation de ce que fut le Viêt Nam ; l’immédiateté, l’insanité, la griserie, l’horreur, la sensualité et le dilemme moral de la guerre la plus surréaliste et la plus cauchemardesque de l’Amérique. Qu’une culture puisse mentir sur ce qui se passe en temps de guerre, que des êtres humains soient brutalisés, torturés, mutilés et tués et que tout cela soit présenté comme moral, voilà ce qui m’horrifie.»
Anecdote amusante, le livre a donné lieu à une adaptation beaucoup plus fidèle très peu connue, Heart of darkness, avec Tim Roth et John Malkovich !
La Communauté de l’Anneau
Succès critique et populaire, le Seigneur des Anneaux est devenu durant les années 2000 le mètre-étalon en matière d’Heroic-Fantasy. À l’époque, Peter Jackson a le feu sacré et réussit l’impossible : porter à l’écran un roman réputé inadaptable sur lequel des générations de scénaristes se sont cassés les dents. L’exploit aura un prix : l’introduction qui se déroule sur près de 17 ans dans le tome 1 est réduite à quelques mois dans le long-métrage, les personnages de Tom Bombadil et Glorfindel sont sacrifiés (argh). À la sortie du film, le public est sous le choc : jamais on avait vu une telle épopée au cinéma.
Le Parrain II
Le Parrain II signe les retrouvailles de l’écrivain Mario Puzzo avec Francis Ford Coppola. Un très grand auteur, un immense réalisateur… la réunion ne pouvait donner que des étincelles ! L’écriture du scénario fut ainsi la source d’une énorme tension, à cause d’une grosse divergence. (ATTENTION, TROIS LIGNES DE SPOILER).
DÉBUT DU SPOILER
Coppola veut que Michael Corleone tue son frère, Puzzo estime que jamais le parrain ne ferait une chose pareille. Coppola finit par avoir le dernier mot.
FIN DU SPOILER
Au final, le Parrain II est l’une des plus belles suites de l’histoire du cinéma, au même titre que l’Empire Contre Attaque.
Shining
L’exemple type de la libre adaptation « extrême » : fou de rage, Stephen King refuse que son nom apparaisse au générique. Pour le romancier, l’alcool est la cause de la folie du personnage joué par Jack Nicholson, alors dans le film de Kubrick, il est évident que Jack Torrance est instable avant son arrivée à l’hôtel. Le labyrinthe, la hache de Nicholson, l’ascenseur sanguinolent… autant d’images fortes qui ont marqué des générations de spectateurs, des images pourtant absentes du roman, celui-ci présentant même une fin totalement différente. La réaction du King est d’autant plus amusante quand on sait combien Shining est adulé par nombre de cinéphiles que le considèrent comme l’un des films les plus effrayants de tous les temps.
Dune
Prenez un livre de science-fiction aussi complexe que celui de Franck Herbert, choisissez un cinéaste bizarre. Tiens, David Lynch. Remuez le tout et vous obtenez la plus étrange des adaptations… et probablement la plus controversée de cette liste. Bien que le film n’ait pas connu le succès commercial escompté lors de sa sortie au cinéma, il a rapidement obtenu le statut d’oeuvre culte pour son ambiance baroque particulièrement sombre. Le réalisateur ajoute dans le long-métrage des objets technologiques absents du roman : le module étrange, la ventouse cardiaque (berk)… autant d’idées qui ont marqué les esprits. Fait incroyable, le film a été renié par son réalisateur, qui le considère comme un échec artistique, alors que Franck Herbert l’a apprécié ! L’écrivain regrettera toutefois que certaines scènes aient été coupées au montages, scènes que l’on retrouve dans la (passionnante) version longue de Dune.
Total Recall (la vraie version de Paul Verhoeven, l’autre est une bouse)
Thriller SF, le film s’écarte sensiblement de l’oeuvre de Philip K Dick, qui se déroule uniquement sur Terre. Les deux histoires sont pourtant, au départ, similaires : pour échapper à son train-train quotidien , Douglas Quaid décide de se faire implanter des souvenirs chez l’agence Rekall. Mais au bout d’une demi-heure de film, Paul Verohen expédie Arnold Schwartzeneger sur Mars et nous livre un blockbuster intelligent, avec une fin ouverte qui continue à faire couler beaucoup d’encre…
Le Prestige
La fin du film est différente de celle du livre de Christopher Priest, qui avoue préférer la sienne ! Qu’importe : Christopher Nolan nous offre un chef d’oeuvre crépusculaire avec ces deux prestidigitateurs prêts à tout pour connaître la gloire. Réflexion sur le réel, l’illusion, la manipulation, fable cruelle, le Prestige est immense.
Adaptation
Le film le moins connu de cette liste, mais aussi celui qui a probablement le meilleur scénario. À la base, le Voleur d’orchidées est un (vrai) roman auto-biographique de Susan Orlean. Le scénariste, Charlie Kaufman, va écrire à partir de ce livre une mise en abîme vertigineuse : le film raconte l’histoire du scénariste Charlie Kaufman (Nicolas Cage, magistral) qui tente d’adapter le Voleur d’orchidées… Si ce n’est pas déjà fait, regardez vite ce film aussi hilarant que poignant, qui a enchanté la vraie Susan Orlean.
Blade Runner
On ne présente plus Blade Runner, inspiré par Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Philip K. Dick estimait que le film était fidèle au roman, tandis que Ridley Scott, qui n’avait pas lu le livre (!), pensait pour sa part que long-métrage était complémentaire… Une situation schizophrénique, mais pouvait-il en être autrement avec une oeuvre de Philipp K. Dick ?
Fight Club
Chaos, confusion, savon. Lorsque j’ai vu la bande-annonce en 1999, je n’ai strictement rien compris ! Je me suis dit que c’était bon signe et j’ai eu raison : Fight Club n’est pas seulement un excellent roman déjanté de Chuck Palhaniuk, c’est aussi mon film préféré. Drôle, dramatique, profond, ce long-métrage incroyable est doté d’un début et d’une fin très différents de ceux du livre, sans parler de la narration. Pourtant, c’est peut-être le seul long-métrage qui ait réussi à transcendé sa propre adaptation, comme l’expliquait avec humilité Chuck Palahniuk lui-même, très impressionné par le film de David Fincher.
Là encore, Fight Club est la preuve qu’une adaptation libre peut fortement s’éloigner du livre sans trahir son esprit. Il ne reste donc plus à Hollywwood qu’à s’intéresser à l’autre roman de Palahniuk, Survivant, qui est à mon humble avis ce qu’il a écrit de mieux. Une oeuvre à priori… inadaptable.
Et vous, quelle est votre adaptation libre préférée ?
Ahaha, les adaptations. Je suis très frileuse quand il s’agit de livre que j’ai aimé. Par exemple je n’ai pas aimé Shinning pour les mêmes raisons que le King (tu noteras que je n’ai pas aimé la version qu’il a produit non plus.) D’ailleurs les seuls adaptations que j’ai apprécié sont celles que j’ai vu avant d’avoir lu: Harry Potter, La Communauté, Dune (il m’a traumatisé ce film),
Si, il y a bien un film que j’ai préféré au livre: Harry Potter et la Chambre des Secrets, au temps le livre est ennuyeux, autant le film est riche en décors (en plus les acteurs jouent un peu mieux que dans le un ^^). Dans un tout autre registre, une adaptation qui m’a beaucoup marqué et celle du nouvel évangile: La Passion du Christ. Il m’a bouleversé.
Par contre il y a un film… ce n’est pas une adaptation d’un livre, mais d’un jeux vidéo. Et j’ai autant frissonné pour l’un que pour l’autre… non ce n’est pas Resident Evil, mais Silent Hill. J’adore l’ambiance papier brûlé, catastrophe minière, secte diabolique. A quand le billet sur les adaptations des jeux vidéos? Il y en a pas mal maintenant;;;
C’est vrai que Dune était par moments vraiment gore ! 😀 Comme tu as raison pour Silent Hill ! J’en ai encore des frissons… En ce moment, je lis Hunger Games, et j’ai décidé de ne plus jamais voir un film sans avoir lu le livre avant, l’expérience n’a rien à voir ! Enfin à mon humble avis…
Merci pour ta visite ! 😉
j’en ai lu une partie, mais je suis entièrement d’accord pour ceux que j’ai vu à savoir La communauté de l’anneau, Le Prestige (que j’ai pas lu, mais le film est top) et Fight Club qui est excellent aussi bien dans sa version papier que portée à l’écran…
A ma grande honte, j’ai jamais vu Apocalypse Now (qui repassait à l’UGC la Défense y’a pas longtemps, mais à 20h donc finir tard + travaux erg…. -_-), les Parrains, Total Recall et Blade Runner… :p
Il n’y a pas de honte à avoir, les journées durent seulement 24h00… Moi j’ai encore plus honte quand je pense aux romans que je n’ai pas encore lus… ^^
Merci pour ton passage 😉
Très intéressante mise en perspective ! Je dois avouer que je n’ai ni tout lu ni tout vu de ta liste. Je n’ai pas aimé du tout Dune, l’adaptation pour la télévision qui a suivi quelques années plus tard était à mon sens bien meilleure. Les pires loupés sont à mon avis l’adaptation de BD en films : au secours, à de très rares exceptions…
Merci ! C’est vrai que la série TV de Dune était plus fidèle au roman que le film. Dommage qu’elle ait manqué de moyens !
En ce qui concerne la BD, tu as un exemple en tête en particulier ?
Le Seigneur des Anneaux sans doute. Fight Club est un de mes films préférés mais je n’ai pas lu le bouquin :p
Ah ! Heureux que toi aussi tu adores le film de David Fincher ! 😀 Alors je ne saurais trop te conseiller de lire « Survivant », mon livre de chevet 😉
A ta liste j’ajouterai « Shutter Island » (livre de Dennis Lehane, que j’ai prêté et que l’on ne m’a jamais rendu :/) adapté par le maître Martin Scorsese!
Très bonne adaptation, Scorsese est resté très fidèle au livre (ce qui n’était pas évident au départ).
J’avais lu le livre 2 ans avant que MS l’adapte.au cinéma Dés le début du film je savais qui était qui et les regards, toute la communication non verbale des personnages secondaires prend un tout autre sens 🙂
Content de te retrouver ici, Carole, ça fait plaisir ! 😀
« A ta liste j’ajouterai « Shutter Island » (livre de Dennis Lehane, que j’ai prêté et que l’on ne m’a jamais rendu :/) adapté par le maître Martin Scorsese!
Très bonne adaptation, Scorsese est resté très fidèle au livre (ce qui n’était pas évident au départ) »
Je suis d’accord sur la qualité du film, mais en fait ma liste concernait uniquement les adaptations « libres » réussies, donc pas très fidèles 😉