La nuit des Cœurs froids

Harald était un vampire psychique heureux jusqu’à ce qu’une pénurie énergétique frappe les cadavres dont il se nourrit, mettant sa santé en péril. Très vite, il constate que ces dépouilles ont des organes aberrants et le mystère s’épaissit encore lorsque ses homologues buveurs de sang tentent, sans raison apparente, de stopper ses recherches. Avec l’aide d’amis, Harald découvre qu’il n’est pas seul victime de phénomènes pour le moins étranges : au même moment, Glasgow subit une vague affolante de suicides et voit l’apparition d’humains mutants. Tous ces événements ont-ils seulement un lien entre eux ? Nicolas Flamel, devenu immortel grâce à la pierre philosophale, observe, conscient de leur gravité. Il décide alors de réunir une équipe pour enrayer cette menace qui se profile à l’horizon.
Mais les enjeux sont-ils aussi évidents qu’ils le croient ? Bien des surprises les attendent…

En matière d’imaginaire, il n’est pas si courant de découvrir un livre-univers : pour un Dune ou un Seigneurs des Anneaux, combien il y a-t-il d’œuvres stéréotypées ? C’est à la lumière de ce constat que je me suis plongé dans le premier roman d’Esther Brassac, la Nuit des Cœurs froids, lu en avant-première avant sa sortie en librairie et chroniqué avec plusieurs mois de retard, la honte. L’auteure a placé la barre très haut en livrant une œuvre extrêmement ambitieuse, un univers profondément baroque grâce à mélange de magie et de technologie servi dans un écrin steampunk. L’action se déroule dans un Glasgow exubérant envahi par la forêt, les elfes, et les loups-garous. Bref, un multivers bien barré que n’aurait pas renié Michael Moorcock ou un scénariste de Doctor Who ! Même si ces références britanniques sont un peu réductrices.

Esther Brassac ne cesse d’inventer des engins aussi improbables que les taxiflores ou les aérobulles, des véhicules qui font rêver. Vous l’avez deviné, j’ai été impressionné par la profondeur de l’univers. Le monde est développé jusque dans les dernières lignes, avec notamment des révélations sur les Karmonstraques, au point où le background du roman pourrait largement inspirer un jeu de rôle. La Nuit est typiquement l’histoire que l’on relit plusieurs fois pour comprendre les multiples intrigues, un livre-univers qui m’a mis, je dois l’avouer, le cerveau en ébullition tant les réflexions ésotériques et cosmologiques se multiplient au milieu du roman. Mais que les amateurs d’action se rassurent, le rythme s’accélère avec une dernière partie riche en suspens. On dit qu’il n’y a pas de bonne histoire sans méchants réussis, et je dois reconnaître que les Coeurs froids sont aussi effrayants que puissants, mention spéciale à la monstruosité hybride qui m’a vraiment mis mal à l’aise.

J’ai apprécié cette galerie de personnages uniques : Harald, un vampire atypique, accompagné de son inséparable Mouscarpion. Sans parler de la géniale Pétunia, une goule (!) journaliste (!!) qui parle un argot désopilant. Chacune de ses répliques fait mouche, je n’ose imaginer la somme de travail réalisé par l’auteure. « Travail » est décidément le maître-mot…

Au final, Esther Brassac nous livre un premier roman débordant d’énergie comme je les aime. Bien que l’auteure aille très loin dans les extrapolations métaphysiques, au point où j’ai parfois eu du mal à suivre, son univers farfelu (dans ma bouche c’est un compliment) vaut le détour, sans parler de cette plume qui force le respect. J’ai hâte de découvrir son prochain livre.

PS : à signaler, une excellente nouvelle d’Esther Brassac qui se déroule dans le même univers que la Nuit des Cœurs froids. Elle est disponible dans l’anthologie des Éditions du Chat Noir intitulée Montres enchantées. Elle est belle, triste et poignante, je l’ai également beaucoup aimée.

Article réalisé dans le cadre du challenge SFFF au féminin.

Published in: on août 1, 2014 at 9:43  Comments (13)  
Tags: , , , ,