J’ai vu il y a quelques jours Maléfique, le dernier long-métrage de Disney, et je suis ressorti de la salle impressionné. Quel film ! Une relecture postmoderne du conte de fée, extrêmement audacieuse : faire de l’archétypale sorcière l’héroïne du récit, confier aux femmes les rôles principaux sans pour autant tomber dans la caricature, éviter le manichéisme et les clichés, sans parler de la musique de Lana Del Rey… Il fallait un courage inouï pour produire un tel projet, et pourtant Walt Disney Pictures l’a fait. Le célèbre studio s’est en fait modernisé avec Alice au pays des merveilles de Tim Burton, un film assez convenu, mais doté d’un personnage fort. L’année dernière, Sam Raimi montrait plus d’audace pour Le Monde fantastique d’Oz, avec James Franco dans le rôle titre.
Dans ce long-métrage, Oz est un coureur de jupon invétéré, un bourreau des cœurs mythomane, un salaud qui transforme littéralement les femmes qu’il séduit en sorcières… et en devient la victime. Oz se lie d’amitié avec une poupée de porcelaine (belle métaphore !), et apprend à respecter les femmes. J’ai beaucoup aimé ce long-métrage drôle et intriguant, à plusieurs niveaux de lecture, qui en a précédé un autre, encore plus ambitieux : Dans l’ombre de Mary, La Promesse de Walt Disney (le titre original est bien meilleur : Saving Mr. Banks). Dans cette mise en abyme réaliste, le film raconte comment Walt Disney a invité à Hollywood l’écrivain Pamela Lyndon Travers pour adapter au cinéma son célèbre livre pour enfants, Mary Poppins. Problème : Travers est une vieille fille aigrie qui méprise ses dessins-animés !
Dans l’ombre de Mary évite l’écueil du projet familial orienté grand public, consensuel : la comédie glisse doucement vers le drame, avec un ton adulte pour le moins douloureux. Travers a donné vie à Mary Poppins parce que son enfance misérable n’avait rien d’un conte de fée. Entre rires et larmes, la scène « Laissons-le s’envoler » (« Let’s Go Fly A Kite ») fait déjà partie des plus belles scènes de l’histoire du Cinéma : l’espace d’une chanson, Travers abandonne son masque d’adulte pour retrouver son âme d’enfant…
Dans l’ombre de Mary est un film mélancolique qui refuse la facilité avec un personnage féminin odieux, à la fois fort et fragile, extrêmement moderne pour son époque.
Maléfique confirme l’impression que Disney s’intéresse de plus en plus aux zones d’ombre de ses héroïnes, en s’abstenant de les juger. Relecture sombre de la Belle au bois dormant, le protagoniste principal est une créature mi-ange mi-démon qui vit en symbiose avec un univers panthéiste éloigné de nos valeurs judéo-chrétiennes : lorsque le temps de la guerre a sonné, toutes les créatures de Maléfique deviennent, à regret, des ennemis farouches de l’Humanité. La Nature, féminine et sensuelle, affronte un roi obsédé par les armes en métal dans une lutte aux accents écologiques. La symbolique sexuelle, inhérente aux contes de fée, est ici particulièrement forte : passer la nuit avec un mortel et se retrouver au matin seule, les ailes brisées… On ne pouvait faire plus explicite !
En l’espace de quelques années on a assisté à un changement de paradigme : qu’elle est loin l’époque où Walt Disney interdisait aux femmes de dessiner ! Qu’elles soient des personnages imaginaires (Alice, Maléfique), ou historiques (Pamela Lyndon Travers), les femmes constituent désormais un vrai sujet de réflexion chez Disney. Plus qu’une évolution, il s’agit d’une révolution bienvenue dans un Hollywood obsédé par les remakes, reboots et autres séquelles de blockbusters testosteronés. Un triomphe de la créativité qui fera date : Walt Disney Pictures est la preuve qu’un grand studio peut donner le pouvoir à l’imagination dans ce qu’elle a de plus noble. Après un premier putsch manqué dans les années 80 avec le trou noir, le Dragon du lac de feu et Tron, les scénaristes anticonformistes sont à nouveau aux commandes chez Disney. Pourvu que ça dure* !
* Espérons que ça porte chance à Star Wars VII…
Disney a toujours eu du mal avec les femmes et la féminité. Il était temps que cela change ! D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été étonné de ne voir que des oncles, des tantes et des nerveux dans les histoires de Disney ! 😉
Bon, cette foutu correction automatique de Os X a encore frappé ! Neveux c’est transformé en nerveux ! pff !
C’est clair que ce changement a du bon ! Et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde, car cela signifie que le spectateur va avoir droit à des histoires beaucoup plus originales…
Yaaay, je ne puis qu’acquiescer (quel synchronisme en plus, j’ai posté ma chronique hier… Copaiiiin !) ! Maléfique m’a laissée sous le charme, quelle puissance et quel rôle de femme ! Bon, je n’ai pas du tout aimé cette petite niaise d’Aurore (mon Dieu, ce sourire impérissable, j’ai cru que j’allais la gifler), mais la grande fée porte le film à elle toute seule.
Eh ouais, comme quoi, un film peut tenir uniquement sur des gonzesses… Disney s’y est mis un peu tard, mais il a l’air bien parti pour faire son mea culpa, avec La Reine des Neiges puis Maléfique. Tant mieux !
Je ne connaissais pas du tout le film Dans l’ombre de Mary, mais ça m’intrigue beaucoup, je vais aller y jeter un oeil… 🙂
En effet quelle heureuse coïncidence ! ^^ C’est vrai qu’Aurore était plutôt… naïve, mais il faut dire qu’elle a eu une éducation assez spéciale ! ^^ J’ai hâte d’avoir ton avis pour « Dans l’ombre de Mary », en attendant je vais aller lire ta chronique qui m’intéresse 😉
Très intéressant article ! Je ne pensais pas aller voir Maléfique, mais tu m’as convaincue. Enfin… ne reste plus qu’à trouver le temps, maintenant !!! 😦
Merci ! Oui, franchement, il en vaut vraiment la peine.
Merci pour cet article. J’avais déjà bien envie de voir Maléfique, mais maintenant je me retrouve avec l’envie dévorante de regarder aussi Dans l’ombre de Mary 😉 (et la Reine de neiges, mais ça c’est la faute à tes commentateurs, pas la tienne)…
De rien ! Heureux que tu aies envie de le voir, c’est vraiment un film devant lequel je suis en admiration, je ne m’attendais pas du tout à une oeuvre de ce type de la part de Disney… Tu m’en diras des nouvelles 😉
Oh tu me donne envie de le voir « Maléfique »
Mais Disney avait commencé à boulversé le rôle de la femme avec Mulan, Pocahontas, la princesse et la grenouille…
C’est vrai, mais sans vouloir critiquer ces oeuvres, je trouve que depuis quelques temps Disney va beaucoup plus loin. Dans ces films récents, il y a clairement une volonté de mettre à l’honneur des femmes à priori « mauvaises », tout en brisant le traditionnel manichéisme made in disney. Pamela Lyndon Travers est par certains côtés une femme odieuse, incapable d’empathie… Et pourtant, le film ne tombe pas dans la caricature bonne enfant, « Dans l’ombre de Mary » est un magnifique portrait de femme, douloureux. Dans un registre moins réaliste c’est aussi le cas avec « Maléfique », je n’en dis pas plus…
Pas l’aspect féministe, y’a qu’à voir le dernier dessin animé Disney aussi, Frozen, qui en termine avec les standards « on épouse le premier venu » quand Elsa balance à sa soeur qu’on épouse pas le premier venu, que l’on connait d’ailleurs à peine. Pan, dans les dents et ça fait du bien !
Oui, c’est vrai que c’était un aspect intéressant !
J’ai beaucoup aimé Maléfique aussi (malgré quelques petits trucs « chiffonnants »). Je ne suis pas très Disney à la base mais celui-ci est vraiment pas mal du tout, j’ai été agréablement surprise par cette relecture du conte et par le le jeu d’A. Jolie (tout dans le regard…)
En temps normal, Angelina Jolie a tendance à m’horripiler, et là, c’est vraiment le premier film dans lequel elle arrive à me toucher ! Ca fait plaisir de la voir dans un rôle intéressant…
Je suis bien d’accord (bien que je ne suive qu’assez peu la filmographie d’A.J au final) !
Le personnage de Maleficent est très intéressant.
Oui, une belle surprise 🙂
Hé bien tout ceci semble fort alléchant ! Il faudra que je trouve un moment pour voir ce long métrage.
J’espère qu’il te plaira 😉
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[…] le travail de ce doubleur, qu’on retrouve aussi bien au cinéma (le Hobbit, Maléfique) que dans les séries télévisées (Nip/Tuck, Prison Break, House of Cards, How I Met Your […]
Honte à Disney honte à Hollywood il oublie que des petits garçons oublient cela .
[…] qui vous donnent l’impression d’être dans l’esprit d’un artiste. Après Dans l’ombre de Mary (la genèse de Marry Poppins) et Neverland (l’histoire de l’auteur de Peter Pan), il […]