Quel singulier destin que celui de Final Fantasy VII, un cas unique dans l’histoire du jeu vidéo ! Sorti à l’origine en 1997 sur PlayStation One, l’épisode le plus célèbre de la franchise de Square Enix a révolutionné les RPG des années 90 avec l’histoire épique de Cloud Strife. Ancien soldat devenu mercenaire d’Avalanche, un groupe éco-terroriste, Cloud et ses compagnons combattent la Shinra, une multinationale qui draine l’énergie vitale de la planète. À l’époque, Final Fantasy VII était le premier volet de la saga à proposer des graphismes en 3D, mais aussi des séquences cinématiques impressionnantes d’une durée totale de 40 minutes, du jamais vu en 1997 ! On avait l’impression de découvrir un nouveau média, gigantesque. Il s’agissait de l’un des premiers titres « open world » avec une carte du monde qu’on pouvait parcourir inlassablement pendant des dizaines d’heures… ce qui explique pourquoi le jeu nécessitait pas moins de trois CD !
Ce fut d’ailleurs la raison du divorce entre l’équipe de Final Fantasy et Nintendo, qui ne voulait pas entendre parler de lecteur CD sur la future Nintendo 64, une décision lourde de conséquences. Je vous parle d’un temps où les disques durs n’avaient pas encore envahi les consoles, il fallait donc acheter une memory card qu’on insérait sous le port manette, de la mémoire flash qui contenait la somme astronomique de… 128 ko de données.
Le scénario n’était pas en reste avec un personnage emblématique qui disparait tragiquement en plein milieu de l’histoire… alors que j’avais massivement investi dans son équipement et ses pouvoirs, les fameuses materia. À l’époque je ne voulais pas croire en cette mort définitive, je traitais mes amis de doux naïfs lorsqu’ils me disaient que ce défunt personnage ne reviendrait pas… jusqu’au moment où j’ai bien été obligé de reconnaître qu’ils avaient raison, snif. Final Fantasy est, avec la saga Baldur’s gate, LE jeu de rôle qui a marqué au fer rouge les joueurs des années 90, au point de rentrer dans la légende. Premier Final Fantasy développé sans Nintendo, le jeu a considérablement popularisé la PlayStation et la technologie du CD-ROM, au point d’éclipser la Nintendo 64… et de signer l’arrêt de mort de la Saturn de la firme Sega, qui ne s’en relèvera jamais.
L’histoire aurait pu en rester là, mais en 2005, la firme Square présente une démo sur PlayStation 3 avec… l’introduction de Final Fantasy VII actualisé, grâce à des graphismes dernier cri. Le monde des gamers entre en fusion ! Malheureusement, c’est la douche froide : Square Enix annonce qu’il n’a jamais été question d’adapter le jeu mythique sur PS3, il s’agit juste d’une démo technique. En réponse, les fans feront circuler une pétition (que j’ai signée à l’époque !).
Pendant des années, la rumeur d’un remake sera un véritable serpent de mer, jusqu’au jour où l’impossible arrive : dix ans après la fameuse démo de la frustration, Square annonce en 2015 la mise en chantier du remake tant espéré par les fans, qui sort enfin en 2020. Ironie du sort, durant le confinement je n’ai pas eu l’occasion de le tester, mais j’ai rattrapé mon retard… et constaté qu’Aeris a bien changé en l’espace de 23 ans.
Ce qui frappe d’entrée, c’est l’audace des graphismes. Square n’a pas menti : il ne s’agit pas d’un simple remake, la console donne tout ce qu’elle a, les combats sont dignes d’un anime et jamais la ville de Midgard n’a été aussi flamboyante.
Se contenter de remettre cet épisode au goût du jour aurait déjà satisfait bon nombre de fans, mais c’était sans compter sur le perfectionnisme névrotique de la firme japonaise : les cinq premières heures du jeu original ont été considérablement approfondies, ce qui donne lieu à 40h00 sur la version 2020 ! Une version tellement dense qu’elle nécessitera plusieurs épisodes et des années de développement, d’où ma crainte initiale : est-ce que Square Enix n’a pas flairé le filon en découpant le jeu original en trois volets, à l’image de ce qu’a fait Peter Jackson au cinéma avec Bilbo le Hobbit ? Je dois avouer que cette peur a été rapidement balayée par un scénario complètement dépoussiéré : là où le jeu original survolait les relations entre les personnages du groupe Avalanche, la version 2020 passe de longues heures à nous montrer en détail le quotidien de ces éco-terroristes qui se battent pour sauver la planète. On découvre ainsi la douloureuse histoire familiale de Jessie, mais aussi les rapports complexes entre Cloud et Tifa, ou bien encore la mère d’Aeris.
De multiples arcs narratifs qui, pour une question d’espace disque, étaient techniquement inconcevables en 1997. Dans ces conditions, impossible de ne pas ressentir une certaine complicité à mesure qu’on redécouvre des personnages attachants, le plus charismatique d’entre eux étant à mes yeux le volcanique Barret, jamais avare de répliques cinglantes. Le guerrier sanguin du jeu original gagne en humanité à mesure qu’on découvre derrière la figure du terroriste un père viscéralement attaché à sa fille. Le jeu est beaucoup moins manichéen, puisque dès le début de l’aventure Cloud est confronté à ses actes : poser des bombes, même pour une cause juste, a un coût moral…
La nouvelle mise en scène de ces anti-héros iconiques surpasse celle du jeu original en faisant vivre au joueur non pas un mais plusieurs moments bouleversants… à condition de privilégier l’incontournable version japonaise sous-titrée. On sent que les acteurs ont accompli un travail incroyable pour donner vie à leurs alter-ego, comme au cinéma. Impression renforcée par une musique sublime dont les thèmes viennent enrichir ceux de 1997.
Le jeu n’est pas loin d’approcher la perfection, même si on retrouve un défaut déjà présent dans l’édition originale : comme en 1997, l’exploration de Midgard reste linéaire. Ce qui ne posait aucun problème majeur dans les années 90 est un peu plus gênant à l’heure de The Witcher 3, surtout quand le jeu propose des quêtes dispensables. C’est le fameux syndrome du couloir qui est apparu à partir de Final Fantasy XIII sur PlayStation 3 : les graphismes sont devenus tellement sophistiqués que les développeurs sont obligés de se montrer plus dirigistes afin d’enfermer les joueurs dans des environnements clos, mais ce défaut est largement compensé par la beauté des images, et par le fait que le joueur gagne vers la fin davantage de liberté de déplacement.
De plus, la suite de Final Fantasy VII devrait à nouveau offrir un monde ouvert semblable au jeu original, puisque l’intrigue se déroulera à l’extérieur de Midgard. Le seul vrai point noir est le mode « classique », beaucoup trop facile, le mode « normal » étant bien plus intéressant.
Du rire, des larmes, et de l’action avec un dernier chapitre aussi épique que le film Final Fantasy VII: Advent Children, Final Fantasy VII Remake est décidément très mal nommé tant il fait oublier l’édition originale et se révèle pour moi le meilleur épisode depuis FF XII. Il s’agit moins d’un remake que d’un Final Fantasy VII qui aurait été créé en 2020, avec un scénario plus riche, même s’il reste fidèle à celui de 1997. Deux versions pour l’un des plus grands titres de l’histoire du jeu vidéo… l’attente de la suite promet d’être longue !
Bonus : une vidéo amusante qui compare les différentes versions de Final Fantasy VII, attention ça pique les yeux…
Très bonne critique JS ! Pour Nintendo, ils pensaient aux temps de chargement et privilégiaient les cartouches, tout comme aujourd’hui pour la Switch. En ce qui concerne la linéarité, tout dépend de ce qu’attendent les joueurs : des titres adulés sont pour moi de véritables couloirs : Last of Us, Uncharted… Je suis comme toi, je préfère l’exploration et quitte à suivre un couloir autant que ce soit avec un bon Beat them Up/All ou Shoot Them Up sinon cela ne revient pas à un jeu vidéo, mais plus à du cinéma interactif sans véritable Gameplay et du coup, je préfère regarder plutôt que jouer.
Hâte d’essayer ce remake !
Merci Fred ! Le côté « couloir » est le seul point faible de ce jeu, mais la version de 1997 commençait également ainsi. « Remake » est plus une longue intro de 40 heures qu’un jeu indépendant, paradoxalement l’aventure commence réellement à la fin… mais je pense que nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! 🙂 J’ai hâte de jouer dans dix ans à la version intégrale 🙂
[…] les séries avec Real humans, Westworld, et même le monde du jeu vidéo avec des titres comme Final Fantasy VII ou Deus […]
Plus qu’une critique, c’est une vraie rétrospective sur FF VII. Je t’en remercie car, par exemple, j’ignorais l’existence de la démo technique de la PS3. Personnellement, je suis assez dérangée par l’étirement de l’intrigue, simplement pour obtenir un remake en trois jeux, où certains niveaux très dirigistes et longs. Je me suis beaucoup plus amusée sur les chapitre un peu plus aérés et ouverts. Cependant, ce remake était un beau jeu, à l’image de ton article.
Merci pour ce gentil commentaire, F-de-Lo ! Je t’avoue que ça a été difficile pour moi de rester objectif tant je suis viscéralement attaché à cette belle histoire qui m’a fait vibrer à la fin des années 90… Aujourd’hui, cette nouvelle version est forcément moins révolutionnaire, techniquement parlant, qu’un jeu tel que The Witcher 3, pour les raisons que tu évoques, notamment le « dirigisme » sur certains niveaux… mais la suite promet d’être palpitante ! Il faudrait un jour refaire ce test en ayant jouer à tous les épisodes au grand complet, je pense que ce serait bien plus agréable 🙂 Quand je pense aux petits veinards qui vont pouvoir découvrir ainsi FFVII dans le futur, j’en suis presque jaloux 😉