Blade Runner 2049

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Avec 2001 Odyssée de l’Espace, Blade Runner est l’un des rares longs métrages de Science-Fiction à être respecté par les critiques hostiles à l’Imaginaire, au point d’être considéré comme un chef d’oeuvre du Septième Art. Film d’auteur visionnaire, Blade Runner est le mètre-étalon de la SF dystopique de ces 35 dernières années : Terminator, Robocop, Total Recall, Akira, Ghost in the shell, Strange Days, Dark City, le Cinquième Élément, Matrix, A.I., Avalon, l’Attaque des Clones, Minority Report, Ex Machina, Arès… difficile de citer tous les films qui ont, de près ou de loin, une filiation avec le long-métrage mythique de Ridley Scott, qui avait déjà sévi en 1979 avec l’iconique Alien. L’héritage de Blade Runner est tel qu’il déborde largement la sphère du cinéma pour toucher aussi les séries avec Real humansWestworld, et même le monde du jeu vidéo avec des titres comme Final Fantasy VII ou Deus Ex.

C’est peu dire que Blade Runner possède une aura de film indépassable.

Et puis, il y a quelques années, j’ai appris qu’une suite allait voir le jour… J’ai alors ressenti une immense méfiance en réalisant qu’Hollywood allait (encore) exploiter une oeuvre culte. Comment pouvait-on agir ainsi avec un film si proche de la perfection ? Il est vrai que la fin était ouverte, mais à la manière d’Inception, cette fin faisait tout l’intérêt de l’intrigue, notamment sur la question de savoir si Deckard est un réplicant ou pas. De plus, Ridley Scott n’est plus au mieux de sa forme : pour un Seul sur Mars réussi, il a fallu subir les infâmes Prometheus, Cartel et Alien Covenant…

Dans ces conditions, j’étais peu intéressé par ce sacrilège projet de suite, jusqu’au jour où Denis Villeneuve est arrivé et a livré le fabuleux Premier Contact, véritable « film d’auteur de SF ». Lorsque j’ai découvert que le réalisateur canadien allait réaliser Blade Runner 2049, j’ai repris espoir. Je ne m’attendais pas à un chef d’oeuvre, mais je savais que Villeneuve était l’un des rares cinéastes à pouvoir supporter une telle pression, parce qu’il s’agit d’un vrai artiste, intègre et sincère dans sa démarche.

Cette sincérité éclate dès les premières secondes du film à mesure qu’on découvre un univers hallucinant de beauté, qui a évolué dans sa propre ligne temporelle puisque l’action ne se situe plus en 2019, mais en 2049, trente ans plus tard. Bien que très perfectionnée, la technologie garde une touche rétro « années 80 » du précédent film, surtout quand les personnages sont obligés de consulter les « vieilles » archives de 2019… ce qui ne manque pas de donner aux deux films une délicieuse saveur uchronique, la science de ce monde parallèle évoluant beaucoup plus rapidement que la nôtre !

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Pendant tout le film, Villeneuve se livre à un incroyable numéro d’équilibriste : respecter l’oeuvre de Ridley Scott, tout en proposant une nouvelle histoire, avec sa propre identité. Ce souci de cohérence se retrouve particulièrement dans la musique de Hans Zimmer, qui rappelle fortement celle de Vangelis, les chants orientaux en moins. Doucement, on oublie le premier Blade Runner pour s’immerger dans un monde fascinant de vacuité, dans lequel un robot peut entretenir une histoire d’amour avec une I.A. Là où Ridley Scott révolutionnait la SF en remettant en question la nature de son protagoniste principal, Villeneuve a une démarche plus transhumaniste en donnant à un réplicant assumé le rôle le plus important ! Comme dans l’adaptation de Ghost in the shell, on observe une humanité désenchantée qui a de plus en plus de mal à se différencier des machines, preuve en est avec le personnage de Jared Letto, effrayant.

Aussi lent que le premier opus, Blade Runner 2049 est l’antithèse du blockbuster, un film d’auteur qui tourne en ridicule la notion d’action, notamment avec la scène de la « non-bagarre » dans le casino, sur fond d’Elvis Presley… Une façon pour Denis Villeneuve de dire qu’il ne sera pas question d’aller dans la facilité. Pour cette raison, Blade Runner 2049 va forcément diviser car il s’agit avant tout d’un film expérimental, une suite qui se termine, elle aussi, sur une fin ouverte, mais avec un dénouement très émouvant qui donnera le frisson aux fans de la première heure. J’avoue que le scénario m’a bluffé, on sent qu’il a été travaillé. Ryan Gosling, monolithique à souhait, est parfaitement à l’aise dans son rôle, de même que l’ensemble du casting.

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Film sincère, authentique, intègre, respectueux mais audacieux, Blade Runner 2049 n’a probablement pas la force visionnaire du premier film, mais sa réussite incontestable est un vrai miracle. Comme toujours, on regrettera amèrement ces satanées bandes-annonces qui en montrent beaucoup trop… mais peu importe, car comme le dit Roy Batty

tous ces moments se perdront dans l’oubli comme les larmes dans la pluie.

Published in: on octobre 4, 2017 at 6:34  Comments (29)  
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29 commentairesLaisser un commentaire

  1. Je n’ai pas regardé les bandes-annonces exprès ! 🙂 Je me rejouis de le voir.

    • Comme tu as bien fait ! 🙂 J’espère que le film te plaira 😉

  2. Ta critique est très intéressante. Je ne partage pas du tout ton estime et le respect général vis-à-vis du film original, pour différentes raisons, mais cela ne fait que m’intéresser davantage à une suite.

    • Merci ! Pour quelle(s) raison(s) n’aimes-tu pas le film original ? Tu le trouves surévalué ?

      • Non, c’est un film superbe, très bien réalisé, qui a influencé l’histoire du cinéma du point de vue formel pour d’excellentes raisons.
        Mes réserves sont d’un autre ordre. Déjà, il me semble que tout ce qu’il y avait d’intéressant visuellement dans Blade Runner a été piqué à l’équipe de Métal Hurlant de l’époque, ce qui, pour moi, a tendance à rétrograder l’importance du film.
        Par ailleurs, j’ai lu le roman de Dick avant de voir le long-métrage. Moi, à la base, je m’en fiche, que les adaptations ne soient pas fidèles à l’original. Par contre, là, j’ai l’impression d’avoir affaire à un contrepied total. Là où Dick voit les répliquants comme des sous-humains, Scott les voit comme des surhommes (ce qui est, selon moi, la marque du cinéma de Ridley Scott: dans ses films, les personnages froids et analytiques sont toujours préférés aux personnages intuitifs et émotionnels.) Les brèches sont colmatées avec des clichés hérités du film noir, pour produire un mélange que je trouve peu convaincant, voire indigeste.

  3. Allez, je répond là du coup 🙂

    Comme toi j’aime bien Villeneuve et je suis prompt à lui faire confiance. J’espère que je ne serais pas déçu. Disons que j’attends surtout son prochain film, celui qui se passe dans le désert avec les gros vers :oP (c’est là où tout se décidera, soit je le hisserais là haut, soit je le descendrais dans les limbes de mon classement des réalisateurs…

    En attendant, j’irais voir Blade Runner !

  4. Hahaha 😀
    Tu sais, je pense que même si Dune est un échec artistique, ça sera un échec flamboyant car visuellement ce réalisateur ne m’a jamais déçu. Exemple type : son film intitulé Sicario. Je n’ai pas aimé la protagoniste principale, trop passive, mais les images sont bluffantes… Pour moi, un mauvais Villeneuve, ça reste un bon film 🙂

    Hâte d’avoir ton avis sur Blade Runner 2049 😉

  5. Ça donne envie d’aller le voir ! ^^

  6. Chronique aux p’tits oignons… Superbe !
    De fait, l’humanité de notre début du XXIe siècle est effectivement désenchantée (je trouve), il n’est donc pas surprenant que cet état d’esprit s’insinue dans l’art (quelle que soit sa forme)
    Tellement déçue de Prometheus, que je n’ai même pas tourné les yeux vers : Seul sur Mars… Et le Alien Covenant, mais quelle pitié, que de voir de l’argent ainsi dilapidé pour réaliser une telle médiocrité !

  7. […] La question ne cessait de me hanter ces derniers mois : était-ce le Ridley Scott inspiré de Blade Runner, Alien et Gladiator qu’on allait retrouver aux commandes de cette adaptation, ou bien le […]

  8. Il est clair que cela aurait pu être bien pire. Pire que je craignais aussi en apprenant la mise en route du projet. En l’état, Blade Runner 2049 n’est à mon avis ni un grand film, ni une suite indigne, un film qui a des qualités (la relation entre K et Joi est réussite), mais sur lequel j’ai aussi des réserves. Davantage qu’un prolongement du chef-d’oeuvre de Ridley Scott, Blade Runner 2049 aborde les thèmes habituels de Villeneuve et raconte une quête des origines, la quête par K de ses géniteurs, problématique chère à Villeneuve (voir Incendies). C’est un film angoissant livrant une vision sombre de notre futur, et parfois impressionnant, à défaut d’être toujours à la hauteur – mais était-ce envisageable ? – du premier film. J’ai chroniqué moi aussi le film sur mon blog. 🙂

  9. Il me tarde d’aller le voir celui-là!

    • Tu me diras ton ressenti !

  10. Pas mal ta chronique ! Je trouve blade runner premier du nom est essentiel surtout pour son héritage qu’on lui doit dans la sf. Ça a marqué le cinéma et dans le bon sens. J’avoue avoir été très perplexe d’apprendre qu’une suite était mise en chantier et rassuré et très intrigué de voir villeneuve s’occuper du projet. Il me reste plus qu’à trouver le temps pour aller le voir. Le fait que tu soulèves le point que ce film va diviser les opinions est assez intéressant car je vois autant d’adorateur que de détracteur aujourd’hui du premier long métrage. Alors qu’il y a pas si longtemps j’avais cette impression que ce film avait une image d’intouchable et qu’il valait mieux ne pas dire que tu ne l’aimais pas. Peut être que ce nouvel opus déliera encore davantage les langues.

    • Merci pour ton retour 😉 Pour ce qui est de la valeur du Blade Runner original, je ne sais pas si la suite amènera de l’eau dans le moulin car dans l’absolu elle ne remet pas en cause les événements précédents, à la différence des nouveaux films « Star Wars » (tant Lucas que Abrams). Je partage l’avis de certaines critiques qui affirment que c’est presque dommage que Villeneuve n’ait pas réalisé son propre film de SF plutôt qu’une suite à Blade Runner : j’ai rarement vu un cinéaste aussi talentueux mettre son ego de côté afin de se montrer très respectueux… Pour moi, Blade Runner 2049 est comparable à un Alien II : une suite à la fois respectueuse, mais en même temps une vraie proposition artistique très risquée qui n’est pas un simple remake… ce que, malheureusement, n’a pas été Star Wars VII, un produit marketing qui n’a jamais su s’affranchir de ses contraintes commerciales.

  11. Bonne surprise pour ma part, j’avais un peu peur de m’ennuyer vu la durée mais le film prend son temps dans le bon sens du terme, les images sont très belles et l’intrigue très bien tournée. J’espère que ça sera une réussite commerciale par contre car ça n’a pas l’air de déplacer les foules hélas…

  12. C’est clair, on ne voit pas ce genre de film en SF. J’ai pensé à « Monsters », très contemplatif, mais aussi « Interstellar » et, bien sûr, le « Premier Contact » de Villeneuve. J’irai voir son « Dune » les yeux fermés 🙂

  13. Ayé, je l’ai vu ! 🙂 J’avais adoré Premier contact donc je partais avec un a priori positif… et bien quand la lumière s’est rallumée, bon sang, je n’étais pas déçue ! Blade Runner 2049 m’a autant ravie que chamboulée. Et la musique ! *frissonne* C’est vraiment une suite et un film magistral, franchement, Denis Villeneuve s’en est très très bien tiré ! (et j’ai beaucoup aimé le fait que la question de Deckard est-il ou pas… soit restée dans le flou, merci monsieur Villeneuve !).
    J’attends donc avec confiance sa vision de Dune 🙂

  14. Ah ! 😀 Je suis heureux que tu aies adhéré à ce film hors-normes ! 🙂 C’est clair qu’il s’agit d’une réussite totale, à mon sens on pouvait très difficilement faire mieux. J’ai même eu envie de le revoir… J’espère juste qu’il cartonne suffisamment pour que Villeneuve obtienne le feu vert des studios et puisse lancer la production de Dune, croisons les doigts…

  15. Je ne lis ta critique que maintenant, car j’ai eu un peu de retard pour aller le voir. Je suis comme toi, j’ai trouvé cette suite magnifique, mais moins puissante que le premier. Gros coup de cœur pour le personnage de Joi, ceci dit, qui illumine le film d’humanité. Ironique, n’est-ce pas ?

  16. C’est clair ! Une belle mise en abyme…

  17. Ce film est vraiment extra.
    C’est une suite digne du premier Blade Runner et je trouve beaucoup plus proche de la nouvelle/ Roman de Dick.

    Puisque ce film explore plus l’expression « Est ce que les androides rêvent… ».

    En plus la fin est assez ouverte, je trouve et des choses ne sont pas explorées… future suite ?

    Le décors et dingue 🙂

    Enfin bref les 3heures on ne les voit pas passé.

    Quand je suis allé le voir, on était peu dans la salle et il y avait un groupe de jeune qui était deg de ce film. A un point qu’ils ont dit « j’ai perdu 9euros et 3h de ma vie »….

    Ils n’ont rien compris.

    • Oui, c’est triste que le film n’ait pas marché commercialement, alors qu’il appelait clairement une suite… Je ne pense pas que Denis Villeneuve pouvait faire mieux ! Bien des réalisateurs se seraient cassé les dents à essayer de concevoir une suite sans saveur, l’auteur de « Premier Contact » s’en est tiré honorablement. Je crois aussi que Denis Villeneuve est une exception dans le cinéma d’aujourd’hui, un peu comme les grands réalisateurs des années 80-90 qui travaillaient à Hollywood sans pour autant se renier, à la façon de Paul Verhoeven… Villeneuve est un vrai auteur qui ne cède pas à la facilité, c’est ce que j’avais déjà aimé dans « Premier Contact », un film à gros budget quasiment sans action…

      • Triste oui ou non,
        Car le premier quand il est sorti en salle, il a peu marché.
        Il est devenu culte bien après.

        Donc peut être que ça fera pareil avec celui ci.

        Pareil je pense que Villeneuve a respecté l’oeuvre original et l’esprit du premier film.
        Donc il aurait pu faire bien pire avec plein de fin de service, mais de faire mieux pas sûr.

        Car il est trop bien, faut que je le revois.
        Pour moi tout comme le Blade Runner, à mon avis il a surement plusieurs sens de lecture.

        C’est une oeuvre à découvrir et à redécouvrir.

        Contact est vraiment chouette aussi par tout ce qu’il représente, par rapport aux plans et aux dev de certain personnage.

        Du coup je suis pressée de savoir s’il va vraiment Dune.
        Car je lui fais entièrement confiance, car il est fan des oeuvres d’origine idem pour Blade Runner.

  18. […] Plus on avance dans le roman et plus la régression devient jouissive : dans cet univers sans limites il est tout à fait possible de piloter le Faucon Millenium ou même de visiter l’immeuble de la Tyrell Corporation, bien connu des fans de Blade Runner… […]

  19. […] pensé écrire cela, mais pour la toute première fois j’envisage la possibilité que la suite de Blade Runner, la future œuvre de Villeneuve, ne soit pas la catastrophe annoncée. Si le canadien […]

  20. […] Ainsi, dans Cowboy Bebop, le solitaire Spike rappelle autant le Clint Eastwood des films de Sergio Leone, que l’œuvre de Jean-Luc Godard (un épisode est intitulé en français Pierrot le fou) ou la mélancolie du tueur interprété par Alain Delon dans… le Samouraï, de Jean-Pierre Melville. Il n’est guère étonnant qu’un cinéaste tel que Denis Villeneuve ait choisi Watanabe pour réaliser le sublime Black Out 2022, l’un des anime qui introduit Blade Runner 2049. […]


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