Hunger Games : du film au livre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Oui, je sais, le titre de mon article est bizarre, mais il résume bien comment j’ai découvert les livres dystopiques de Suzanne Collins.

C’est en 2012 que j’ai vu pour la première fois le long-métrage de Gary Ross, que j’avais aimé sans non plus crier au génie. Et puis est venu Hunger Games : l’Embrasement (2013) qui, lui, m’a beaucoup plu comme vous avez pu le constater sur cette critique. Vos commentaires m’ont donné envie de me plonger dans l’oeuvre originale. Après avoir lu le tome 1 en seulement quelques jours, j’ai adopté une résolution pour 2014 : ne plus jamais voir un film avant d’avoir lu le roman.

Pourquoi donc ? 

Hé bien parce que je regrette vraiment d’être passé à côté de cette œuvre, bien plus forte que son adaptation. Dès les premières lignes, j’ai été happé par le récit de Katniss Everdeen, qui raconte sa propre histoire à la première personne. La narration, efficace, est dépourvue d’ellipses : Katniss est un chasseur sans états d’âme, rompue à la survie en milieu hostile, obligée de tuer des animaux afin de nourrir sa famille. Jusqu’au jour où elle se voit contrainte de participer aux Hunger Games : chaque année, le Capitole organise les fameux jeux de la faim, au cours desquels s’affrontent dans l’arène les « tributs », les représentants des 12 districts. Il ne peut rester qu’un seul candidat.

Alors que le premier film est un survival qui va à l’essentiel, le roman est beaucoup plus ambitieux en ce qui concerne la caractérisation de son protagoniste principal. Katniss ne laisse rien au hasard : dès les premières heures des Hungers Games, elle mâche une écorce de sapin pour éviter d’avoir faim, prépare des collets, cherche immédiatement un point d’eau… En l’espace de quelques pages, on se retrouve dans une ambiance à des années-lumières du film, plus politiquement correct, qui esquive les effusions d’hémoglobine (mention spéciale à la scène d’ouverture, quand Katniss loupe un cerf…). Comme bon nombre de critiques, j’avais reproché au long-métrage d’être édulcoré, très loin du cultissime Battle Royale. Dans le roman, Suzanne Collins ne nous épargne rien : un concurrent crache du sang sur Katniss, un autre agonise pendant plusieurs heures, attaqué par des bêtes sauvages… Sans tomber dans le gore, on est vraiment dans une histoire mature, servie par un message subversif.

L’audimat, le nerf de la guerre

Dans les Hunger Games, obtenir des sponsors est crucial car ils permettent de recevoir des cadeaux très coûteux qui sont, en temps normal, inaccessibles à la (miséreuse) population. Des médicaments miraculeux, des armes, de la nourriture… Tout est possible du moment que les tributs attirent la sympathie du public. Katniss le comprend bien, et en joue : dans le roman, elle est beaucoup plus cynique car elle regarde de temps en temps les caméras et sourit aux téléspectateurs… et donc à ses sponsors ! Suzanne Collins imagine ainsi une société du spectacle poussée à son paroxysme : les jeunes sont offerts en sacrifice sur l’autel de la télé-réalité, le gagnant devra incarner pour le restant de ses jours un rôle, celui du vainqueur appelé à assister les futurs candidats. Perversion suprême, le système transforme les anciennes victimes en complices de cette dictature du divertissement. 

Au final, si j’ai regretté que le livre connaisse, fort logiquement, les mêmes travers que le film (quand Katniss est contrainte de tuer, il s’agit uniquement des concurrents psychopathes, les tributs les plus sympathiques ne sont pas exécutés par elle, ce qui est à la longue une ficelle un peu facile), j’ai été agréablement surpris par ce premier tome, moins lisse que le film, clairement orienté grand public. Je suis bien forcé de reconnaître que c’est un roman coup de poing qui donne froid dans le dos et laisse songeur. À l’heure où la télé-réalité est plus que jamais inscrite dans notre paysage audiovisuel, qui peut affirmer que nous n’assisterons pas, un jour, au retour de la gladiature ? On trouvera toujours des raisons convaincantes, notamment dans une démocratie qui pratique la peine de mort comme les Etats-Unis. Les producteurs choisiront une cause humanitaire (le don d’organes ?) comme prétexte à ces jeux, en expliquant que les condamnés à mort seront de toute manière exécutés un jour ou l’autre. On proposera aux détenus de participer à un show télé faisant office de Rédemption : les candidats tués verront leurs organes prélevés pour sauver d’honnêtes citoyens atteints de maladies incurables. Le gagnant aura l’opportunité d’être gracié, et de recommencer une nouvelle vie.

Espérons que ce futur n’arrive jamais…

Hunger Games : L’Embrasement

Traumatisée, Katniss Everdeen est rentrée chez elle après avoir remporté la 74e édition des Hunger Games avec son partenaire Peeta Mellark. Lors d’une tournée dans les districts, Katnis doit entretenir les apparences et faire croire qu’elle est en couple avec Peeta. Mais la révolte gronde…

J’avais plutôt aimé le premier opus, mais pas au point de me plonger dans les célèbres romans de Suzanne Collins. Je suis donc allé voir ce second volet sans attente particulière, persuadé de découvrir un film d’action. Je ne pouvais pas plus me tromper !

Dès les premières minutes, le long métrage impressionne au niveau de la narration car le réalisateur n’a plus besoin de présenter l’univers et ses personnages, aussi torturés qu’attachants. J’ai immédiatement été bluffé par la prestation de Jennifer Lawrence, impressionnante : quel bonheur de voir une femme être le protagoniste principal d’un blockbuster ! Un événement suffisamment rare à Hollywood pour être souligné. J’ai vraiment été touché par son interprétation de Katniss , forte, sensible et authentique, un personnage différent  de celui qu’elle jouait dans l’excellent Happiness Therapy. Les clichés sont détournés avec intelligence, notamment l’archétype du chevalier (Katniss) et de la princesse (Peeta). Il fallait un culot monstre pour inverser ces stéréotypes et pourtant le réalisateur s’en sort admirablement, assumant l’idée que la femme soit le guerrier, tant physiquement (l’arc) que moralement (l’esprit de sacrifice). Mais un guerrier meurtri, piégé par une dystopie cruelle qui gagne considérablement en subtilité depuis le premier volet. Le Capitole est la métaphore d’Hollywood, une mise en abîme de notre société du paraître. Le film appuie là où ça fait mal avec ces jeunes idoles contraints de jouer un rôle, une perversion qui rappelle symboliquement les stars de télé-réalité actuelles aux vies sacrifiées sur l’autel de l’audimat. Mais l’image la plus subversive du long-métrage, c’est assurément celle du président (Donald Sutherland) en train de lire un livre en pleine diffusion des Hunger Games. Une scène aussi courte que puissante, véritable climax du film qui se résume à un message : le pouvoir réside dans la connaissance. En tirant le téléspectateur vers le bas, on l’empêche de réfléchir sur sa propre condition, et on tue dans l’oeuf la rébellion.

Même si ce film reste avant tout un divertissement intelligent, on ne peut que se réjouir du succès d’une telle saga, surtout après le nauséabond puritanisme réactionnaire de TwilightHunger Games : L’Embrasement est une bouffée d’air bienvenue dans le monde formaté des blockbusters, vivement la suite ! En attendant, je compte bien me plonger dans les romans de Suzanne Collins.

D’autres avis : Lorhkan, Zakath-Nat

Published in: on décembre 3, 2013 at 12:33  Comments (17)  
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