Une coupure d’électricité, une Europe plongée dans le noir… Que se passe-t-il dans le Sud ?
Et si cette coupure d’électricité marquait le début de la dictature ?
J’avais découvert il y a quelques années la saveur des figues, une dystopie qui m’avait plu par son humanisme, sa dimension écologique et ses personnages attachants, et je dois avouer que je n’ai pas été déçu par ce nouveau livre de Silène Edgar, que j’ai lu en l’espace d’une soirée !
ATTENTION, SPOILER DE QUATRE LIGNES
Avec beaucoup d’audace, l’auteur fait l’impasse sur les antagonistes habituels (zombies, virus, aliens et autres robots) pour livrer un message fort : et si le pire des monstres était notre économie ?
FIN DU SPOILER
J’ai été agréablement surpris par le discours engagé de ce (court) roman : impossible de ne pas voir dans cette Europe privée d’électricité le triste reflet de notre monde actuel. Une idée originale, qui permet à Silène Edgar d’alterner sa narration entre deux périodes : les jours (post-apocalyptiques) juste après la catastrophe, et la dictature qui s’en suit. Les extraits de la constitution en début de chapitre sont glaçants, et posent des questions sur les limites de la démocratie : qu’est-ce que l’état d’urgence ? Et si la France se retrouvait dans une situation comparable à celle de la Grèce ? Serions-nous prêts à prendre les armes pour défendre nos libertés ? L’auteur tente de répondre à ces questions d’actualité en relatant le parcours de deux personnages à priori opposés : Blanche, une mère de famille fragile à la recherche de son enfant, et Bianca, la pasionaria d’une résistance qui fait écho à celle de la France occupée. J’ai aimé le regard tendre que porte la romancière à ses protagonistes, des êtres torturés qui possèdent des zones d’ombre. Si je regrette que la crise en elle-même ne soit pas plus développée (et plus complexe), ce qui rend les comparaisons avec l’Occupation parfois délicates, j’ai apprécié que les personnages se battent contre un ennemi intangible, une catastrophe silencieuse, sans pouvoir s’informer. Là encore, les passages sur Internet et la télévision remémorent la fermeture de l’ERT en Grèce, mais aussi les révolutions numériques du Printemps arabe et la guerre en Syrie.
Fortune Cookies est un bon livre d’anticipation car Silène Edgar arrive à s’approprier une thématique actuelle, en nous rappelant au passage que la dignité humaine n’a pas de prix. En choisissant un futur (très) proche, l’auteur n’en est que plus subversif, nous posant une terrible question : le moment venu, seriez-vous prêts à résister ?