Le général Dun-Cadal fut le plus grand héros de l’Empire, mais il n’est plus aujourd’hui qu’un ivrogne échoué au fond d’une taverne. Alors qu’il raconte à une historienne ses exploits, un assassin sans visage se met à frapper au cœur de la République.
Le roman d’Antoine Rouaud est un véritable événement dans la Fantasy francophone et pour cause : il s’agit du premier livre de ce genre à bénéficier d’une sortie mondiale ! Stéphane Marsan a dit « c’est la plus grande découverte que j’ai faite depuis dix ans ». « La Voie de la Colère » est-il ce grand roman dont tout le monde parle ?
L’histoire commence dans une taverne de Masalia au temps d’une république balbutiante : une historienne retrouve l’ancien général Dun-Cadal. Le vieux guerrier aurait caché l’épée de l’Empereur peu avant sa chute. Alors qu’un assassin rôde dans la cité, Dun-Cadal raconte ses aventures passées avec un orphelin du nom de Grenouille, un jeune garçon qui n’avait qu’une ambition : devenir le plus grand des chevaliers.
Il est toujours très risqué pour un auteur d’alterner entre deux histoires, une au présent et l’autre via des flashbacks, car il y a un risque que le lecteur préfère l’une des deux. Antoine Rouaud ne tombe pas dans ce piège car on est rapidement happé par les deux intrigues, intimement liées : comment l’Empire a-t-il sombré ? Qui est ce mystérieux assassin qui rôde ? Ces questions n’en finissent pas de hanter le lecteur, qui enchaîne les chapitres. Lors de la première partie, Dun-Cadal a clairement eu ma préférence, au détriment de l’impétueux Grenouille. J’attendais avec impatience le milieu du roman pour savoir comment l’intrigue allait évoluer, car généralement la dynamique s’essouffle. Et j’avoue avoir été bluffé :
ATTENTION, CE PASSAGE RÉVÈLE DES MOMENTS-CLEFS DU LIVRE
avec un culot monstre, l’auteur dévoile l’identité de l’assassin (!) et change de point de vue (dans les flashbacks) pour adopter celui de Grenouille. La prise de risque ne s’arrête pas là : Antoine Rouaud se permet de revenir sur les événements de la première partie sans se répéter. L’émotion est au rendez-vous, car on comprend mieux certaines zones d’ombre.
Au-delà de cette (poignante) histoire de vengeance (les adieux entre Laerte et Esyld sont déchirants), j’ai adoré la structure adoptée, qui rappelle dans une certaine mesure le film Rashōmon d’Akira Kurosawa : deux points de vue différents battent en brèche la notion même de vérité. L’Empereur était-il un despote ? Un révolté qui change d’identité au point de combattre ses propres alliés ne devient-il pas un traître à sa cause ? Le fait que le protagoniste principal s’appelle « Laerte » est tout sauf un hasard. On pense au « Laërte » d’Hamlet, personnage tragique obsédé par la vengeance, mais aussi à Lorenzaccio : le héros romantique qui joue un double jeu, la lâcheté hypocrite de certains « républicains », la question du pouvoir… Antoine Rouaud revisite avec brio Musset, la Renaissance italienne et le mysticisme de la Guerre des Étoiles pour nous livrer un drame épique dans lequel les questions morales prédominent.
FIN DES RÉVÉLATIONS
Si l’univers de cette œuvre demeure très classique (le seul point faible selon moi), il n’en demeure pas moins qu’à la fin de ma lecture, j’ai eu envie de relire immédiatement ce livre pour mieux apprécier l’intrigue. En ce qui me concerne, c’est un signe qui ne trompe pas, « la Voie de la Colère » est un grand (premier) roman. Il restera dans les mémoires, qu’on se le dise !
pffiou, dis donc, ça fait envie… C’est ma PAL qui va encore frémir.
ça fait enviiiie ! 😀
😀
[…] La voie de la colère […]
« Deux points de vue différents battent en brèche la notion même de vérité ». Tout à fait vrai et joliment formulé. Très bonne critique en tout cas. La référence à Star Wars m’a aussi semblé évidente. Et une des phrases du livre » Sa place est dans un musée » m’a rappelé une autre franchise de Lucas :-p
Merci ! Oui, l’ombre de Lucas plane sur cet excellent le roman 😀 J’ai adoré cet (harmonieux) mélange des genres !
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