The Boys

Les super-héros existent, et l’envers du décor est loin d’être reluisant. Liés contractuellement à Vought International, une multinationale qui exploitent leurs images, les « supers » sont obligés de communiquer sur les réseaux sociaux afin de vendre un maximum de produits dérivés, et peuvent être licenciés s’ils perdent de leur popularité ou commettent des crimes… Mais existe-t-il encore une justice quand de riches stars immatures dotées de super-pouvoirs disposent d’une telle influence sur le monde ?

Nous sommes en train de vivre un nouvel âge d’or, celui des séries ! Alors que je viens à peine de terminer l’incroyable saison 2 de Mindhunter, réalisée par David Fincher en personne, voici que je découvre* avec stupéfaction The Boys, un monument de subversion drôle et angoissant, à faire passer Watchmen pour un inoffensif divertissement familial !

Inspiré d’un comics écrit par l’auteur de Preacher, Garth Ennis, The Boys n’est rien de moins qu’une attaque frontale de la machine Disney, avec cette idée absolument géniale : quel serait le business généré autour de vrais super-héros ? Loin de nous dépeindre une société plus sûre, les scénaristes nous propulsent dans une dystopie avec des divas plus préoccupées par leurs images médiatiques que par la lutte contre les injustices : la moindre déclaration, bagarre ou photo balancée sur Twitter est analysée par les conseillers en communication de Vought International, la multinationale qui gère les carrières de ces vedettes. En échange de contrats de plusieurs centaines de millions de dollars, les super-héros sont obligés de participer à des galas de charité, faire de la pub télévisée pour leurs produits dérivés, animer des émissions de télé-réalité ou porter des costumes sexy, enfin, surtout les femmes… Dans un système aussi pervers où les sondages décident de tout, pas étonnant que ces célébrités se comportent au mieux comme des enfants gâtées, au pire comme de violents criminels irresponsables au-dessus des lois !

Aux antipodes de l’univers Marvel, The Boys est une satire au vitriol d’une industrie hollywoodienne obsédée par son image, mais également une réflexion sur le populisme qui touche de plein fouet les Etats-Unis et le reste du monde. Le Protecteur, synthèse effrayante de Super-Man, Captain America et Donald Trump, est l’incarnation de cette dérive médiatique inquiétante, un homme aussi populaire que psychopathe qui ne cesse de répéter à ses admirateurs « c’est vous qu’on devrait applaudir », mais qui n’en pense pas un traître mot…

Quand on ne sait plus faire la différence entre politique, divertissement et démagogie, le totalitarisme n’est jamais très loin. Le star system n’est-il pas l’ultime déclinaison d’une propagande de plus en plus sophistiquée qui dépasse les frontières ? Un jour, un spécialiste de la manipulation des masses a écrit : « je suis convaincu que dans cinquante ans, les gens ne penseront plus en terme de pays ». Il s’agissait de Joseph Goebels…

*Merci à Cédric pour cette belle découverte.

Published in: on octobre 8, 2019 at 12:00  Comments (4)  
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Silicon Valley

 

Attention, HBO nous livre une nouvelle pépite !

Après la somptueuse saison 4 de Game of thrones, voici une comédie corrosive qui s’attaque avec brio au mythe de la Silicon Valley. Mais au lieu de nous proposer une énième success story sur ce pôle high-tech, Mike Judge (l’auteur de Beavis et Butt-Head) nous montre l’envers du décors à travers la (sur)vie d’une startup appelée Pied Piper : des programmeurs asociaux inventent une web application dotée d’un algorithme révolutionnaire permettant des taux de compression jamais atteints dans l’histoire de l’informatique.

Il n’en faut pas plus pour attirer la convoitise de multinationales telle que Hooli, caricature à peine voilée de Google. Tout irait pour le mieux si les membres de Pied Pipper n’étaient pas des développeurs déjantés plus vrais que nature : un drogué aux champignons hallucinogènes qui se prend pour le nouveau Steve Jobs, un sataniste canadien sans-papiers qui ne supporte pas le logo et le nom « Pied Pieper », un leader angoissé incapable d’expliquer son business plan à qui que ce soit…

Silicon Valley est-il un clone de The Big Bang Theory ?

Pas vraiment : les scénaristes, extrêmement documentés, s’attaquent à la culture geek dans toute sa vacuité : lors du fameux concours Tech Crunch qui récompense l’innovation technologique, tous les candidats parlent de rendre « le monde meilleur » en présentant des applications pour le moins… discutables. Les PDG qui s’affrontent à coups de millions de dollars pour racheter Pied Piper sont moins des technophiles que des milliardaires bouffis d’orgueil, prêts à tout pour humilier la concurrence. Dans cet univers virtuel, impossible de savoir quel camp choisir tant les discours pseudo-humanistes façon Apple se heurtent au cynisme ambiant : une entreprise peut être valorisée du jour au lendemain plusieurs centaines de millions de dollars, avant de sombrer comme Chatroulette ou My Space dans l’oubli. « C’est tellement 2009 ! » s’exclame un développeur de la série lorsqu’il découvre un site Internet ringard…

À travers une critique au vitriole du monde de l’informatique et de sa présupposée cool attitude, Mike Judge nous renvoie à l’absurdité de notre société, mais aussi à la gentrification de San Francisco que j’évoquais dans cet article. La jungle du numérique qu’est la Silicon Valley est tournée en dérision avec des scènes à pleurer de rire, à tel point que j’ai regardé deux fois cette série en l’espace de 48h00 ! Certes, il n’y a pour l’instant qu’une saison de 8 épisodes, mais Silicon Valley est promise à un grand avenir. En attendant la saison 2, voici le vrai-faux site conçu par HBO. Et s’il ne suffit pas à vous convaincre, voici un petit extrait d’une scène que j’ai appelée « la séquence qui tue », uploadée rien que pour vous ! (merci de ne pas me dénoncer à l’HADOPI).

PS : pour avoir tous les sous-titres, ne laissez pas le pointeur de la souris sur la fenêtre.

Published in: on juillet 18, 2014 at 6:22  Comments (19)  
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