Un agriculteur est envoyé dans l’espace afin de sauver l’Humanité.
Parfois, la bande-annonce d’un long-métrage génère une telle attente qu’on guette avec impatience la sortie du film, surtout quand on sait qu’il est réalisé par Christopher Nolan, un cinéaste qui a marqué les années 2000. (Mémento, le Prestige, The Dark Night, Inception). Cette bande-annonce m’avait vraiment touché :
Est-ce à cause de cette attente que je suis si déçu ? J’aurais aimé livrer sur ce blog une critique dithyrambique, vous dire combien cette épopée spatiale m’a transporté, et je comprends qu’on puisse l’être. Les images, magnifiques, sont accompagnées par l’orgue hypnotique d’Hans Zimmer qui n’est pas sans rappeler la musique de Philip Glass sur Watchmen. À l’exception d’Anne Hataway, les acteurs sont bons.
C’est malheureusement à peu près tout ce que je peux dire de positif… La rencontre ne s’est pas faite et il m’a été impossible de rentrer dans le film, à mon grand regret. Pour tout vous dire, j’ai tellement été frustré de ne pas partager l’enthousiasme de mes proches que j’ai hésité plusieurs semaines avant de publier ce billet amer. Je n’avais plus été déçu à ce point depuis la Désolation de Smaug.
Après une longue introduction se déroulant sur Terre dans un futur proche, ce mélo se perd dans les invraisemblances, épinglées par l’Odieux Connard. Si l’ancien pilote d’essai est le sauveur de l’Humanité, pourquoi n’a-t-il pas été contacté plus tôt par la NASA ? On ne le saura jamais. Toujours est-il que sa mission, je le répète, préparée par la NASA ! n’a de spatiale que le nom : les scientifiques qui pleurent tous les quarts d’heure ne sont absolument pas préparés au voyage et prennent, tout au long du film, des décisions improvisées avec un robot, des vaisseaux et des dialogues qui n’ont rien de crédibles, surtout dans un projet de cette ampleur. Je ne parle même pas d’une mort particulièrement stupide qui aurait pu être évitée avec le robot tout-terrain, dans une séquence dramatique qui m’a fait éclater de rire…
Bref, un festival d’incohérences qui ferait passer Prometheus pour un documentaire de la BBC.
Avec une technologie si surréaliste sophistiquée, pourquoi les frères Nolan n’ont-ils pas opté pour une époque plus lointaine dans le futur ? Tout au long du métrage règne un flottement, comme si les scénaristes n’avaient pas su choisir entre le ton réaliste de Contact et l’action space opera de Perdus dans l’espace (j’y reviendrai). Ce flottement high-tech low-tech est l’une des raisons qui m’a empêché d’embarquer dans cette odyssée aussi somptueuse que frustrante. Les (bonnes) idées partent dans tous les sens sans qu’elles ne soient véritablement exploitées.
Vous allez me dire que le réalisme n’est pas le sujet du film, mais ces incohérences parasitent l’émotion, on navigue en permanence entre le larmoyant et le glacial. Alors que la bande-annonce promettait une séquence poignante avec un héros bouleversé laissant ses enfants sur Terre, le passage est brutalement bâclé expédié : comment un père peut-il abandonner si rapidement une fillette aussi attachante, qui plus est en pleurs, pour une mission extrêmement dangereuse ?
Difficile d’y croire. Je trouve que Nolan se repose de plus en plus sur des ellipses au lieu de traiter en profondeur les scènes importantes. Il s’agissait d’un des défauts de The Dark Night Rises (comment Batman arrive-t-il à s’en sortir à la fin ? La solution est à peine suggérée dans le film), et c’est encore plus flagrant dans Interstellar. À la différence de l’immersif Gravity, le spectateur est souvent tenu à l’écart du point de vue du protagoniste principal. Qu’on adore ou qu’on déteste l’œuvre d’Alfonso Cuaron, il faut bien reconnaître au cinéaste mexicain un talent pour se focaliser sur une histoire simple en donnant l’illusion du réalisme. Dans Interstellar, l’émotion promise par la bande-annonce est noyée dans de soporifiques dialogues scientifico-philosophiques abordant des thèmes (l’écologie, les aliens, la paternité, l’amour, la mort…) déjà traitées, en mieux, dans 2001, Contact, The Fountain, Solaris ou Tree of life. Jamais Interstellar n’arrive à se hisser à la cheville de ces classiques, à cause d’un scénario extrêmement brouillon bouffi de bons sentiments qui part dans tous les sens, au lieu de se concentrer sur l’un des thèmes en question. Un scénario brouillon ? Un comble quand on sait de quoi est capable l’auteur de Memento et du Prestige... Dans cette interview, Christopher Nolan donne une information intéressante :
Mon frère a travaillé sur ce projet pendant plusieurs années ; il écrivait avec un physicien, Kip Thorne. Au coeur de son projet, il y avait cette idée d’un film SF où la science serait réaliste.
Il semble que Christopher Nolan ait sabordé tout le travail accompli en amont par son frère, surtout à la lecture de la première version du scénario, rendue publique sur le Net. C’est d’autant plus regrettable quand on possède des acteurs aussi talentueux que Michael Caine et Matthew McConaughey, qui s’était déjà illustré dans… Contact.
Ajoutez à cela un message niais (« l’Amour est ce qui permet aux hommes d’explorer d’autres mondes », les Amérindiens apprécieront…), une scientifique illuminée moins dégourdie que le personnage de Sandra Bullock dans Gravity, beaucoup de prétention (dans la dernière demi-heure Nolan se prend pour Stanley Kubrick, il l’avoue à moitié dans cette interview), de nombreuses séquences involontairement comiques qui ont fait sourire la salle (mention spéciale au Minipouce caché dans la bibliothèque 1.), un robot ridicule et vous obtenez, hélas, le plus beau ratage de 2014 . Pour moi, le pire film de Nolan. Reste une magnifique bande-annonce. Dommage…
1. pour les moins de trente ans, voici le générique des Minipouces, le dessin-animé culte des années 80.
D’autres critiques : Les Murmures d’A.C. de Haenne