Oui, merci pour ce cadeau incroyable. La version numérique des Pirates de l’Escroc-Griffe était mercredi matin la 104.535 meilleure vente Amazon, et puis le soir, le roman se retrouvait à la 41e place du classement Fantasy aux côtés du Trône de fer (42e), du Fou et l’Assassin (43e) et de la Roue du Temps (44e). Je vous avoue que sur le coup, j’ai eu du mal à y croire.
Les meilleures ventes en Fantasy, top 100, mercredi 18 au soir
Jeudi matin, le bouquin était 17e dans le classement Fantasy, non loin de la Huitième couleur du regretté Terry Pratchett (7e), et 337e au niveau du classement général.
Les meilleures ventes en Fantasy, top 100, jeudi 19 mars au matin
Et la version papier ? Bien qu’elle soit provisoirement en rupture de stock, elle était jeudi matin 1690e chez Amazon. Et là vous êtes en train de penser » comment de l’impression à la demande peut être en rupture de stock » ? En fait, Amazon doit toujours avoir des livres en réserve, mais depuis la sortie des Pirates, la demande est très forte. Même constat à la FNAC, depuis ce matin l’édition papier fait partie des 100 meilleures ventes Fantasy.
Le soir du samedi 21 mars, mes Pirates se retrouvent 17e meilleure vente papier FNAC en Fantasy derrière les différents tomes de Game of Thrones et de l’Assassin Royal, et devant le dernier Stephen King, que j’adore. Je n’ai pas honte de dire que j’ai versé une petite larme…
Vous l’aurez compris, ça va être plus que compliqué de rester en haut de ce top en si bonne compagnie ! Tout va maintenant dépendre des critiques, bonnes ou mauvaises. En attendant l’inévitable retour dans le monde réel, j’essaie de savourer chaque seconde de ce rêve éveillé… Merci infiniment !
7e au classement FNAC Fantasy dimanche soir, yata !
La dramaturgie d’Yves Lavandier, vendu il y a un mois
Vous trouvez le titre de cet article provocateur ? Et pourtant c’est désormais la triste réalité. Je ne parle pas de grimoires du XVe siècle recherchés par des bibliophiles fortunés, mais bien de bouquins récents. Dans cet article, je m’indignais avec naïveté qu’Amazon permette de vendre une petite fortune des ouvrages d’occasion et/ou épuisés. Pour info, la toute dernière édition de la dramaturgie d’Yves Lavandier est disponible sur le site de l’auteur ici, pour 36 euros. Un livre neuf, à comparer avec les 350 euros demandés sur Price Minister… En cherchant d’autres « vieux » titres, je me suis rendu compte que cette pratique est banale sur le Net, que ce soit sur Price Minister ou la Fnac, « agitateur culturel »…
Le même titre sur Google books il y a quelques semaines…
De nombreux livres sont concernés par ce phénomène, et ne sont même pas disponibles en numérique. « Rien de neuf sous le soleil, c’est la loi du marché, la rareté a un prix » diront certains. Certes. Mais on parle quand même de culture, d’un bien qui devrait être accessible au plus grand nombre. Vous allez me répondre que je peux très bien obtenir des livres indisponibles à la bibliothèque et c’est précisément ce que je fais lorsque j’effectue des recherches pour mon futur roman. Je me rends à la bibliothèque à pied, j’emprunte pour un mois deux ouvrages, je photographie avec mon smartphone certains chapitres pour les relire plus tard. J’avoue que c’est un travail agréable : au fil de mes recherches, j’ai découvert des trésors. Mais jusqu’à quand cela sera-t-il possible ? En Angleterre, les bibliothèques ferment par centaines. Les habitués du blog A l’ombre des nénufars savent que la situation des libraires en France n’est pas plus réjouissante. Il faut dépenser beaucoup de temps et d’argent pour accéder à certains livres « rares », alors que nous vivons dans un pays riche qui a donné naissance à la philosophie des Lumières ! Notre société ne devient-elle pas de plus en plus dystopique ? Dans son plaidoyer, Neil Jomunsi défend une autre conception de la rareté, plus humaniste, que je partage sans réserve (l’article et les commentaires sont passionnants). Les artistes, les libraires et les bibliothécaires sont, elles aussi, des personnes rares, les précieuses cellules d’un écosystème fragile qu’il faut à tout prix préserver. S’il disparait, les multinationales comme Amazon auront le champ libre pour nous imposer leur logique commerciale, avec toutes les dérives que cela implique.
PS : Je ne saurais trop recommander aux amoureux du livre le site Abebooks. Pour 350 euros, vous pouvez obtenir non pas un livre récent comme sur Amazon ou Price Minister, mais le Phraseologia generalis, un bel ouvrage datant de 1681. On trouve même sur ce site d’autres livres du XVIIe siècle à moins de 100 euros. De vraies raretés…
J’ai lu en deux heures l’excellent bouquin d’Andrew Richard Albanese : 9,99$, La Guerre du livre numérique. Il faut dire que le geek que je suis était particulièrement concerné par le sujet : j’ai acheté l’iPad dès sa sortie en 2010, et plus tard j’ai basculé du côté obscur de la Force avec un Kindle, sans pour autant renier l’iPad, qui me sert à lire des comics en couleurs. Andrew Richard Albanese a parfaitement résumé la courte (mais tumultueuse) histoire de l’ebook. Depuis 2010, ce ne sont pas quatre années, mais plutôt quatre siècles qui se sont écoulés ! Les liseuses, les tablettes et les smartphones sont partout. Et pourtant en France, le marché des livres numérique se développe lentement. La technologie a beau être mature, le monde de l’édition n’a pas forcément pris la mesure de cette révolution qu’est la dématérialisation, une lame de fond qui a failli emporter l’industrie musicale à la fin des années 90. Le livre d’Albanese se résume à une seule problématique.
Le prix d’un ebook est le nerf de l’éditeur, euh, de la guerre
Alors que le monde du livre connait une crise sans précédent, quel prix faut-il fixer à un ouvrage numérique ? Cette question a priori toute simple a fait couler beaucoup d’encre (et usé pas mal de touches). Je me rappelle encore de ma réaction ahurie lorsque j’ai voulu acheter mon premier ebook.
À la sortie de l’iPad, un Stephen King valait au moins 15 euros ! Les ebooks étaient vendus non pas au prix des livres de poche, mais comme des grands formats… Aujourd’hui la situation a évolué : on peut acquérir sur son iPad ou son Kindle le premier tome du Trône de Fer pour 8,99 euros. C’est un peu plus cher que la version poche (7,70 euros), mais bien moins qu’un grand format (21,19 euros). Alors, quel est le prix idéal d’un ebook ? La question est plus complexe qu’elle en a l’air, car elle concerne la valeur qu’on attribue à un livre. Je reconnais que si les éditeurs s’amusaient à vendre leurs romans 99 centimes, ces ouvrages perdraient beaucoup de valeur. D’ailleurs, combien de gens ont téléchargé gratuitement des livres numériques qu’ils n’ont ensuite jamais lus ?
Le problème, c’est que le lecteur est face à un nouveau paradigme, un peu comme nos ancêtres lorsque l’imprimerie est apparue à la fin du Moyen-Âge. Avant cette invention, chaque livre était un objet d’art unique, mais sa lente conception coûtait horriblement cher. Lorsque Gutenberg a inventé ses célèbres caractères mobiles en plomb, une partie de l’élite intellectuelle a regretté que la culture du manuscrit ait été terrassée par des artisans équipés de presses à imprimer. Avec la désacralisation du livre, l’impensable était pourtant arrivé : acheter un ouvrage n’était plus un luxe réservé à une minorité. Le bénéfice était si immense, qu’à l’exception des moines-copistes, tout le monde était d’accord sur l’idée que cette industrialisation était une évolution nécessaire. Je ne vais pas être hypocrite : si j’avais la possibilité de choisir entre l’ebook de laVie des douze Césars de Suétone, et une version médiévale écrite sur du parchemin, j’opterais bien évidemment pour le magnifique ouvrage de n’importe quel moine-copiste. Mais qui oserait aujourd’hui soutenir que l’imprimerie de Gutenberg n’a pas été un progrès fondamental pour l’Humanité ? Au fil des siècles, cette désacralisation du livre, qui est avant tout une démocratisation de la culture, n’a cessé de s’accentuer avec, par exemple, la reliure industrielle au XIXe siècle, la naissance du pulp, l’édition de poche au XXe siècle et… l’ebook.
Mais en France, les lecteurs considèrent que cette dématérialisation devrait permettre une baisse de prix beaucoup plus conséquente, c’est d’ailleurs l’un des facteurs qui explique pourquoi le livre numérique s’implante plus lentement dans notre pays.
Un facteur culturel
Le débat fait rage entre les défenseurs du noble objet-livre et les partisans du numérique, accusés de le désacraliser. Ironie du sort, on pourrait intenter le même procès à nos imprimeurs car l’encre de nos livres actuels aura bien du mal à traverser les siècles… contrairement à celle utilisée par les moines-copistes ! Certains rétorqueront, avec raison, qu’il n’est pas impossible qu’au fil des décennies ces fichiers deviennent obsolètes. Pour ces allergiques au numérique, un ebook à 99 centimes sera toujours trop cher, étant donné qu’il n’est pas « garanti à vie ». En y réfléchissant bien, l’argument du manque de fiabilité qui a été reproché au numérique peut se retourner contre le papier, avec des livres susceptibles d’être perdus lors d’une inondation ou durant un déménagement (j’en sais quelque chose, snif). Avec la dématérialisation, et de nouveaux modèles économiques, une telle perte devient virtuellement impossible. C’est là où, à mon humble avis, la polémique du numérique est à côté de la plaque : beaucoup de gens redoutent que ce format ne se substitue au papier, comme jadis l’imprimerie le fit pour le manuscrit. Mais c’est oublier que les deux supports sont complémentaires, et vont encore cohabiter très longtemps. Pourquoi faudrait-il choisir ? On ne le répétera jamais assez, rien ne remplacera un livre papier. Mais à côté de ça, quel bonheur de transporter dans la poche sa bibliothèque idéale à l’autre bout du monde ! De lire durant la nuit dans son lit sans déranger sa moitié ! Et de savoir que même si votre liseuse rend l’âme, tout votre collection est sauvegardée dans le cloud.
Le numérique amène de nouveaux paradigmes comme Youbox, le « Spotify » de l’ebook. Un autre modèle économique est encore plus révolutionnaire : le projet Bradbury. L’auteur Neil Jomunsi, alias Julien Simon, s’est fixé le pari fou d’écrire 52 nouvelles en un an, soit une par semaine. On peut acheter une nouvelle en numérique à l’unité pour 1 euro, ou bien s’abonner pour soutenir sa démarche créative. Pour moi, ce sont des innovations de ce genre qui imposeront le livre numérique, en donnant la possibilité au lecteur de découvrir autrement des univers… et des écrivains.
Dernier paradoxe, et non des moindres : pendant qu’on débat du juste prix d’un ebook, le livre papier continue d’évoluer ! L’impression à la demande permet désormais d’obtenir de beaux ouvrages. C’est un nouveau modèle économique qui se met en place pour les éditeurs et les libraires : non seulement il n’y a plus besoin de stockage, mais les invendus ne partent plus au pilon. Les écrivains en profitent également, puisque la rupture de stock appartient au passé. Leurs livres ne seront donc jamais épuisés. Ironie du sort, cette technologie rappelle furieusement l’époque du moine qui recopiait un livre pour honorer la commande d’un client ! Je suis convaincu que dans les prochaines décennies, les progrès de l’impression 3D autoriseront une révolution encore plus merveilleuse : l’impression à la demande d’objets-livres !
EDIT : on commence à aller vers cette direction, comme le montre ce reportage
Et vous, combien d’euros êtes-vous prêts à investir dans un ebook ?
Des moines-copistes à la demande dans l’Écume des Jours