
Dix ans après le premier contact avec des extra-terrestres, l’Humanité a capitulé. Les gouvernements ont donné le pouvoir à des créatures venues exploiter les ressources de la Terre, « les Législateurs », et collaborent activement à un programme politique appelé l’Unité. Officiellement, le chomage, la pauvreté et la violence ont été éradiqués tandis qu’une puce organique est implantée dans chaque être humain afin de les surveiller. Mais au sein de la population des anonymes tentent de résister…
Quelle belle surprise que ce Captive State ! Filmé dans un registre réaliste qui n’est pas sans rappeler le très politique District 9 et la série V, ce long-métrage nous dépeint un futur oppressant dans lequel les envahisseurs aliens contrôlent le moindre échange d’informations numériques.
Pour communiquer en toute sécurité, les résistants n’ont pas d’autre choix que de revenir à des solutions low-tech, comme les pigeons voyageurs ! Une technologie archaïque qui contraste avec celle des Légisateurs : les rebelles piratent des dispositifs organiques pour les détourner, faisant de ce film une véritable oeuvre bio-tech… Après trente ans de cyberpunk au cinéma (Blade Runner, Akira, Ghost in the shell, Matrix), il s’agissait d’un pari risqué, mais le réalisateur s’en sort admirablement bien, avec des créatures au style très original. L’intrigue elle-même bénéficie d’un traitement particulier avec un rythme lent, et de nombreux personnages. On a parfois l’impression d’être dans un recueil de nouvelles se situant dans le même univers, tandis qu’on suit le parcours de ces héros de l’ombre, prêts à donner leur vie pour une cause qui les dépasse. Dans cette société paranoïaque, le simple fait de parler à sa famille ou ses amis peut coûter cher, comme sous les pires régimes dictatoriaux… à moins que ce futur fictif ne soit le nôtre ? À travers une séquence surréaliste, celle où les spectateurs du stade de foot de Chicago se réunissent pour acclamer les Législateurs, le réalisateur se livre à une critique féroce du populisme qui menace la planète. Lorsqu’une démocratie fait des compromis avec ses principes, la dictature n’est plus très loin, et ce film résonne cruellement avec la répression policière qui touche actuellement des pays comme la France. La SF n’est jamais aussi pertinente que lorsqu’elle traite des problèmes actuels telle que la propagande : avec une subtile ironie dramatique, un message télévisé rappelle plusieurs fois « la chance » qu’ont certains citoyens de rencontrer les Législateurs. Un ersatz de démocratie qui utilise les éléments de langage omniprésents dans la communication des hommes politiques… et relayés avec complaisance dans certains journaux.
Le régime de Captive State est une dictature qui ne dit pas son nom, un régime dans lequel les collabos sont au service de mystérieux aliens qui amènent sur Terre une architecture fascinante et envahissante, difficilement compréhensible pour un esprit humain, et donc une source d’angoisse constante.


Ces étranges constructions géothermiques évoquent celle des termites qui exploitent au maximum leur environnement. Un design audacieux, qui marque une rupture avec ce que propose habituellement le cinéma. Dans le même ordre d’idée, la texture rocheuse des vaisseaux rappelle Oumuamua, le curieux astéroïde qui a traversé notre système solaire.

Avec une audace folle, le réalisateur réussit à donner au spectateur le sentiment que ces extra-terrestres n’ont rien à voir avec ceux qu’on imaginait, ce qui n’amène que plus de réalisme. Comme dans Alien, les silhouettes des créatures sont suggérées, elles ne sont jamais montrées totalement. Un procédé efficace qui stimule grandement l’imagination.
Ma seule réserve vient de la caractérisation de ces envahisseurs : on oscille entre des créatures un peu « sauvages » et des entités plus avancées que nous, est-ce le signe qu’il est très difficile de comprendre les motivations d’une civilisation exotique ? On peut se demander si ces aliens sont réellement hostiles. Peut-être emportent-ils des ressources minérales et des êtres humains sur un autre monde afin de préserver ce qui peut encore l’être avant que nous nous auto-détruisions ? Jamais nous n’aurons la réponse à cette troublante question.
Véritable (c’est le cas de le dire) OVNI cinématographique, Captive State fait partie de ces films indépendants exigeants, pas consensuels pour un sou, qui divise. Un long-métrage radical, mais qui amène une formidable bouffée de fraîcheur à la SF, avec un John Goodman qui décroche au passage l’un de ses meilleurs rôles au cinéma. Chapeau bas…
À voir… Parce que cette dernière décennie (et même peut-être un peu plus), le cinéma, pour n’évoquer que lui, est d’une pauvreté confondante. Aussi, ton article me rempli-t-il de joie, à l’idée de me « faire » un bon film de SF !
La bande-annonce est bien, très bien même. Collabos d’un côté, résistants de l’autre, envahisseurs au-dessus, loi à deux vitesses… Peu ou prou, on dirait notre France en ce merveilleux début de 21e siècle.
Oui, la dimension politique m’a beaucoup parlé. Après, le film ne fait pas l’unanimité, mais j’aime ce format petit budget qui permet plus de liberté que les blockbusters de l’été.
Merci pour ton bon conseil, Amiral ! Je suis allée à la dernière séance de ce film près de chez moi et je ne l’ai pas regretté. J’ai trouvé le rythme très adapté à cette histoire de résistants, et la fin est absolument géniale. Et en effet, Goodman est excellent.
Je t’en prie, merci pour ton commentaire ! Je suis heureux que cet article ait contribué à te faire passer un bon moment ❤ Je n'ai pas trop compris pourquoi ce film a rencontré si peu de succès (pour tout te dire, lorsque les lumières de la salle se sont rallumés, AL est restée de marbre ^^). Peut-être est-il trop sombre… Je le trouve sacrément original en tout cas, je suis sûr qu'il aura une belle carrière en DVD 🙂
[…] alien qui adoptent le point de vue de personnages banals. Que ce soit dans la Guerre des mondes, Captive State, Monsters, The Mist, Signes ou Premier Contact, on ne sait pas grand-chose sur les créatures qui […]