La descente aux enfers d’Arthur Fleck, un malade souffrant d’un syndrome neurologique prodromique, une pathologie rare provoquant des rires spasmodiques incontrôlables…
Que peut-on dire de plus sur le Joker ? C’est la question que je me suis posée en apprenant qu’un film allait être consacré à la nemesis de Batman. J’avoue avoir frémi lorsque le réalisateur, Todd Phillips, a annoncé (à tort) ne pas s’être inspiré des comics… jusqu’au moment où le long-métrage a été récompensé à la Mostra de Venise, festival réputé pour son exigence. Passé le choc de la découverte (il m’a fallu plusieurs jours pour me remettre de la projection et écrire cet article), force est de constater que le Lion d’or décerné est totalement mérité tant le film est digne du Nouvel Hollywood de la fin des années 70 (Un après-midi de chien, Serpico…), et s’inscrit dans un cinéma sans concessions extrêmement politisé. Joker n’est pas du tout un blockbuster de super-héros.
Le prix récolté à Venise n’a pas empêché un scandale aux États-Unis, ce qui est souvent le cas avec les longs métrages intelligents tels que Orange Mécanique ou Fight Club. À l’image de ces œuvres marquantes, cette histoire de clown triste au destin tragique n’est absolument pas un film qui légitime les incels comme j’ai pu le lire, mais une réflexion nuancée permettant de comprendre les racines de la violence : qu’elle soit familiale, urbaine, ou terroriste, elle est symptomatique d’une société agonisante qui échoue à protéger les plus faibles, comme le montre la scène de l’assistante sociale : alors qu’Arthur Fleck est plus désemparé que jamais, elle lui annonce que c’est leur dernière entrevue, les politiques ayant taillé dans le budget des services sociaux :
– ils n’ont rien à foutre des gens comme vous… et ils n’ont rien à foutre des gens comme moi, avoue-t-elle, impuissante.
Le génie du réalisateur est d’avoir su (un peu) se détacher des comics originaux pour livrer sa vision du Joker, mais une version crédible, pour ne pas dire complémentaire de celle du Dark Knight : si on y réfléchit bien, dans le film de Christopher Nolan le clown ne cesse de mentir sur son passé en racontant des histoires à chaque fois différentes ! Le Joker de Todd Philipps est lui aussi un subtile patchwork basé sur de nombreuses sources d’inspiration.
En lisant le cultissime comics The Killing Joke (« Souriez ») d’Alan Moore (Watchmen, From Hell), on découvre un comique raté reconverti dans le crime, qui a perdu sa femme enceinte de six mois, à cause d’un stupide accident domestique.
Dans le magnifique Arkham Asylum, l’un des plus beaux (et dérangeants) comics qu’il m’ait été donné de lire, bien que les origines du Joker restent mystérieuses, David McKean fait ressentir la démence des personnages avec un mélange de peintures, de photos et de collages anxiogène au possible… Lorsqu’on le feuillette, le livre est organique, presque menaçant ! Une véritable plongée dans la folie.
Ce point de vue très immersif est largement adopté dans l’œuvre de Todd Philipps, avec d’autres idées-clefs. Ainsi, dans The Dark Knight Returns, on retrouve la fameuse scène de l’émission télévisée recyclée dans le film.
Une séquence également influencée par la Valse des Pantins de Martin Scorsese.
Le réalisateur s’inspire de tous ces éléments subversifs pour donner à son intrigue une atmosphère encore plus réaliste que celle du long-métrage de Nolan ! Il faut en effet saluer l’audace avec laquelle le réalisateur nous amène à porter un regard peu flatteur sur le père de Bruce Wayne, un riche industriel qui vit dans sa tour d’ivoire. On est saisi par l’ironie dramatique qui se dégage de cette tragédie, surtout quand on connaît la haine de Batman envers le Joker suite à l’assassinat de ses parents dans des circonstances assez troubles… Quand s’achève la vengeance et quand commence la folie ? C’est la question qui hante le spectateur à mesure qu’Arthur Fleck est confronté à l’injustice. Peut-on parler de démence quand une société aussi schizophrénique que dysfonctionnelle nous pousse à la méchanceté ? Dispose-t-on d’un réel libre arbitre lorsqu’on n’a jamais connu la stabilité ? Autant d’interrogations qui amènent un éclairage tragique sur ce comique désespéré qui passe son temps à collectionner dans son carnet les meilleures blagues, sans véritablement les comprendre, parce que sa vie elle-même n’est qu’une cruelle plaisanterie. On ne peut qu’éprouver de la compassion pour cette victime, qui va inexorablement se transformer en bourreau dans un Gotham City déliquescent, magnifié par la musique de Hildur Guðnadóttir, la violoncelliste islandaise qui a composé la bande-originale de la série Chernobyl.
Fable incendiaire sur la faillite morale de nos sociétés modernes qui n’est pas sans rappeler le Taxi Driver de Martin Scorsese et le V pour Vendetta d’Alan Moore, conte crépusculaire anarchisant porté par un Joachin Phœnix habité par son rôle, Joker est la preuve que les films DC Comics ne sont jamais aussi bons que lorsqu’ils se distinguent du cinéma Marvel. Du scénario plus que des effets spéciaux, une réflexion plus que de l’action, est-ce le début d’une nouvelle ère pour DC ? Je l’espère de tout cœur, tant il s’agit pour moi du film de l’année, et même le chef d’œuvre iconique de cette fin de décennie. Smile !
Les super-héros existent, et l’envers du décor est loin d’être reluisant. Liés contractuellement à Vought International, une multinationale qui exploitent leurs images, les « supers » sont obligés de communiquer sur les réseaux sociaux afin de vendre un maximum de produits dérivés, et peuvent être licenciés s’ils perdent de leur popularité ou commettent des crimes… Mais existe-t-il encore une justice quand de riches stars immatures dotées de super-pouvoirs disposent d’une telle influence sur le monde ?
Nous sommes en train de vivre un nouvel âge d’or, celui des séries ! Alors que je viens à peine de terminer l’incroyable saison 2 de Mindhunter, réalisée par David Fincher en personne, voici que je découvre* avec stupéfaction The Boys, un monument de subversion drôle et angoissant, à faire passer Watchmen pour un inoffensif divertissement familial !
Inspiré d’un comics écrit par l’auteur de Preacher, Garth Ennis, The Boys n’est rien de moins qu’une attaque frontale de la machine Disney, avec cette idée absolument géniale : quel serait le business généré autour de vrais super-héros ? Loin de nous dépeindre une société plus sûre, les scénaristes nous propulsent dans une dystopie avec des divas plus préoccupées par leurs images médiatiques que par la lutte contre les injustices : la moindre déclaration, bagarre ou photo balancée sur Twitter est analysée par les conseillers en communication de Vought International, la multinationale qui gère les carrières de ces vedettes. En échange de contrats de plusieurs centaines de millions de dollars, les super-héros sont obligés de participer à des galas de charité, faire de la pub télévisée pour leurs produits dérivés, animer des émissions de télé-réalité ou porter des costumes sexy, enfin, surtout les femmes… Dans un système aussi pervers où les sondages décident de tout, pas étonnant que ces célébrités se comportent au mieux comme des enfants gâtées, au pire comme de violents criminels irresponsables au-dessus des lois !
Aux antipodes de l’univers Marvel, The Boys est une satire au vitriol d’une industrie hollywoodienne obsédée par son image, mais également une réflexion sur le populisme qui touche de plein fouet les Etats-Unis et le reste du monde. Le Protecteur, synthèse effrayante de Super-Man, Captain America et Donald Trump, est l’incarnation de cette dérive médiatique inquiétante, un homme aussi populaire que psychopathe qui ne cesse de répéter à ses admirateurs « c’est vous qu’on devrait applaudir », mais qui n’en pense pas un traître mot…
Quand on ne sait plus faire la différence entre politique, divertissement et démagogie, le totalitarisme n’est jamais très loin. Le star system n’est-il pas l’ultime déclinaison d’une propagande de plus en plus sophistiquée qui dépasse les frontières ? Un jour, un spécialiste de la manipulation des masses a écrit : « je suis convaincu que dans cinquante ans, les gens ne penseront plus en terme de pays ». Il s’agissait de Joseph Goebels…
Depuis la rentrée, j’ai la chance de vivre une belle aventure humaine puisque la ville de Hettange-Grande m’a confié trois ateliers d’écriture, avec une vingtaine d’auteurs, et autant d’univers différents à explorer !
Durant ces sessions, l’un des outils que nous utilisons est la fameuse bêta-lecture, une technique que j’ai découverte sur le forum d’écriture Cocyclics, et qui m’a aidé à être publié. La bêta-lecture consiste à donner avec bienveillance un ressenti argumenté sur le texte d’un autre auteur, mais aussi à recevoir un regard critique sur ses propres écrits. Au début de chaque atelier, j’insiste sur cette notion de « bienveillance », car le but n’est pas de se lancer dans une compétition ou de mettre une note à un texte, mais de s’entraider. Dans le même ordre d’idée, il n’est pas question de reformuler des phrases à la place de l’auteur, car cela n’aurait aucun intérêt. Chaque écrivain est maître de son texte. Avec ses mots, il doit apprendre à vaincre tout seul les obstacles qui se présentent à lui, la bêta-lecture étant un outil et non une béquille. Offrir à un auteur qu’on ne connait pas une bêta-lecture peut sembler a priori bizarre : pourquoi travailler sur le récit d’un inconnu alors qu’on attend surtout un retour sur ses écrits ? En fait, lorsqu’on bêta-lit d’autres personnes, on progresse de façon inconsciente. Je peux me montrer sévère sur une lacune… jusqu’au moment où je réalise que mon propre texte est encore pire ! C’est normal, nous avons tous tendance à voir la paille dans l’oeil de l’ami auteur, et non la poutre dans le sien. Même lorsqu’on est « publié », l’art d’écrire reste difficile, nous sommes tous d’éternels étudiants, nous n’avons pas assez d’une vie pour apprendre.
Vous remarquerez que j’ai intitulé cet article Bêta-lecture et ego… Soumettre pour la première fois son bébé de papier à des bêta-lecteurs n’est jamais simple. Après avoir terminé un premier jet, puis découvert qu’il est capable de passer énormément de temps à corriger son texte, l’auteur doit franchir un troisième palier : affronter les premiers retours de bêta-lecteurs. Autrement dit, une épreuve du feu, un parachutage en territoire hostile.
Si certaines personnes encaissent les critiques sans hausser un sourcil, d’autres peuvent arrêter d’écrire pour toujours suite à une remarque a priori anodine ! C’est pour cette raison qu’en matière de bêta-lecture, la bienveillance est fondamentale. Bien sûr, on peut choisir d’écrire pour soi sans croiser la route de monstrueux bêta-lecteurs assoiffés d’encre. Mais si vous destinez votre texte à des maisons d’édition, savoir gérer des commentaires est essentiel, car tôt ou tard votre texte sera lu par des booktubeurs autrement moins indulgents que des bêta-lecteurs… sans parler des éditeurs qui passent leurs journées à lire des manuscrits problématiques.
Les premiers retours autres que ceux de sa famille ou de ses amis constituent un moment éprouvant, et c’est tout à fait normal : l’auteur se confronte enfin à la réalité. S’il y a toujours une possibilité infime pour que vous soyez un génie incompris en avance sur son temps, il est beaucoup plus probable que votre texte ne soit tout simplement pas assez abouti. Ce qui ne veut pas dire « nul », soit dit en passant, on ne le répétera jamais assez aux jeunes auteurs. Même sous le feu des critiques, il faut conserver une certaine mesure, et bien comprendre que les remarques visent un texte, et non sa propre personnalité. Loin d’être un défi effrayant, la bêta-lecture est une opportunité de progresser rapidement : quand quatre personnes qui ne se connaissent pas ont le même ressenti sur un héros qu’ils trouvent antipathique, c’est qu’une vérité se dégage du récit. La bonne nouvelle, c’est qu’on peut proposer à ces mêmes personnes une deuxième ou troisième version, et ainsi se réjouir des progrès effectués. Quel plaisir d’observer son texte se bonifier au fil des semaines !
Généralement, les bêta-lectures se passent bien, mais sur des forums, j’ai parfois vu des auteurs très gentils se braquer de manière spectaculaire au moment de recevoir leurs premiers retours, non pas par orgueil, mais parce qu’ils vivaient les douloureuses étapes d’un deuil, celui du texte idéalisé. Pour ces personnes, passé le choc initial vient le déni (« moi je l’aime bien mon histoire »), qui peut être de la mauvaise foi («ah non, là je ne suis pas du tout d’accord, je trouve que le passage où Gore le Barbare tranche la tête de la petite fille est une séquence attendrissante »).
Puis vient la colère (« vous m’avez lu trop vite !« ), suivi du marchandage (« si vous trouvez mon roman confus, c’est parce que vous ne l’avez pas compris, je vais vous expliquer de nouveau l’intrigue, vous allez forcément l’apprécier ») et la déprime sur fond de chantage affectif (« visiblement personne n’aime mon livre, je me demande si je ne devrais pas arrêter d’écrire et brûler tous mes textes »). Fort heureusement, si ces auteurs en souffrance arrivent à prendre du recul, ils découvrent enfin le temps de l’acceptation (« c’est vrai qu’en y réfléchissant, mon intrigue ne fonctionne pas si bien que ça ») et de la reconstruction (« j’ai trouvé plusieurs solutions pour améliorer mon roman, j’ai hâte de vous faire lire la nouvelle version ! »).
Apprivoiser l’ego est fondamental, ne serait-ce que parce que tout au long de sa carrière un auteur doit conserver le plaisir d’écrire. Dans le dojo de l’écriture, j’expliquais que ce métier requiert un savoir-faire, mais aussi un savoir-être. Mes amis qui ont réussi à être publiés ont tous en commun d’avoir fait preuve de patience et de ténacité, en plus d’avoir eu une bonne étoile, la fameuse « chance » : une publication est toujours l’histoire d’une rencontre, le coup de foudre qu’éprouve un éditeur en découvrant un texte. Il faut également de l’intelligence affective, une maturité qui n’est pas facile à acquérir. L’ancien susceptible que je suis est bien placé pour en parler… La première fois que ma femme a lu la version préliminaire des pirates de l’Escroc-Griffe et m’a fait ses retours, j’étais affreusement vexé, nous nous sommes même disputés (je sais, c’est pathétique). Quand j’ai découvert par la suite Cocyclics, mon forum d’écriture, être plus souple est devenu pour moi une nécessité absolue. Mon tout premier maître de taï chi m’a un jour expliqué qu’en Occident on considère que la force physique dépend de la musculation, alors qu’en Orient on pense que la force vient au contraire de la souplesse.
C’est le même constat pour la bêta-lecture. Ce qui est surprenant, c’est qu’un bon auteur ne fait pas forcément un bon bêta lecteur, et que l’inverse est tout aussi vrai. Il est rare d’exceller dans les deux domaines en même temps. Pour toutes ces raisons, la bêta-lecture est un art délicat qui demande (presque) des compétences de correcteur et de psychologue, puisque l’auteur souhaite un avis argumenté sur son bébé de papier. Inutile de dire que les pièges sont nombreux. Voici des profils d’auteur à problèmes, avec des solutions pour mieux communiquer avec eux… en admettant que le bêta-lecteur soit expérimenté !
Le pilote automatique
Profil assez rare. Cet auteur est d’accord avec toutes les remarques de ses bêta-lecteurs. Il n’en remet en cause aucune… jusqu’au jour où il ne reconnait plus son roman. En fait, à force d’avoir suivi à la lettre les retours de ses bêta-lecteurs, et d’être conciliant, il a le sentiment d’avoir dénaturé son bouquin. Le meilleur moyen d’éviter cette impasse, c’est de conseiller à l’auteur de prendre le temps de digérer les remarques avant de se lancer tête baissée dans les corrections, il est préférable qu’il attende que ses bêta-lecteurs aient lu la totalité de son livre avant d’attaquer les gros travaux. Le fait qu’un roman subisse de profonds remaniements tant sur la forme que le fond n’est pas si grave du moment que l’auteur dispose d’une idée directrice, ainsi que de certitudes : on ne peut pas contenter tous ses bêta-lecteurs (et de toute manière ce n’est pas souhaitable), il faut parfois procéder à des choix d’auteur.
L’autodestructeur
A priori fragile (« grâce à vos retours, j’ai compris que mon roman est pourri, j’arrête d’écrire et je pars élever des chèvres dans le Larzac »), l’autodestructeur est un orgueilleux qui s’ignore, car au final c’est son ego qui parle. Il a un grand besoin d’être rassuré. Il est souvent victime du tristement célèbre complexe de l’imposteur, qui l’empêche de se considérer comme un véritable écrivain, ce qui est une erreur tragique. Pour moi, un auteur est quelqu’un qui essaie d’écrire tous les jours, peu importe qu’il soit publié. Le syndrome de l’imposteur est tellement courant qu’on le retrouve même chez des écrivains connus ! L’auteur qui se dénigre peut estimer que sa maison d’édition est tellement petite qu’il n’est pas encore un « vrai » écrivain, ignorant qu’en réalité il a réussi un véritable exploit : pour son premier roman, un inconnu a une chance sur 6000 de trouver une maison d’édition. Je compare souvent un auteur publié à un footballeur : même si vous commencez votre carrière à Nîmes, plus petit budget de la ligue 1, vous faites désormais partie des chanceux, des « professionnels »… alors autant ne pas bouder son plaisir !
Le résistant
C’est le cas le plus fréquent. Au mieux le résistant sera d’accord sur les coquilles signalées et autres broutilles, mais viscéralement opposé aux critiques de fond, non sans un certain esprit de contradiction. On reconnait le résistant au fait qu’il réponde systématiquement point par point à CHAQUE commentaire formulé par le bêta-lecteur. Exemples : – Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi, je trouve la scène du camp de concentration très drôle, d’ailleurs l’une de mes tantes a adoré. – Je ne pense pas que ce personnage soit secondaire, moi je l’aime bien, en plus son nom est un clin d’œil à une private joke de ma cousine. – Je comprends ce que tu dis à propos de ce chapitre que tu estimes trop long, mais je suis attaché à ce passage. En fait, ce chapitre est l’un des premiers textes que j’ai écrit au lycée et pour moi il serait impensable de le retirer du roman. Et puis je ne le trouve pas si long que ça, dedans j’explique pourquoi le royaume a été victime il y a mille ans d’une crise financière, le lecteur a forcément besoin de cette information. – Là encore, je ne suis pas en train de critiquer ton retour, mais…
Si les échanges entre l’auteur et son bêta-lecteur se transforment en un rapport de force stérile, cela peut se révéler destructeur pour les deux parties.
Le bêta-lecteur doit essayer le plus rapidement possible de désamorcer ces tensions, se montrer rassurant sur le fait qu’il n’est pas là pour imposer son point de vue, mais juste aider l’auteur, celui-ci restant maître de son texte. Le bêta-lecteur peut également suggérer qu’il n’y a pas de « fumée sans feu ». Si plusieurs bêta-lecteurs qui ne se connaissent pas « décrochent » au bout d’un certain nombre de pages, l’auteur sera bien obligé de reconnaître que son texte est problématique. Si l’auteur reste campé sur ses positions, mieux vaut écourter cette collaboration pour éviter qu’elle ne devienne un calvaire… et que tout le monde perde son temps.
Parfois, l’auteur résistant peut se métamorphoser et devenir…
L’incompris
C’est le profil le plus problématique, car l’incompris est d’abord… un résistant (cf. profil précédent) qui a sombré dans l’amertume au lieu de prendre les problèmes à bras le corps. Son cas est beaucoup plus grave que celui de l’autodestructeur, car il préfèrera mourir plutôt que d’admettre que son texte présente des faiblesses. C’est l’artiste incompris, la faute à ses bêta-lecteurs/éditeurs/lecteurs/proches/journalistes (rayez la mention inutile), un cas insoluble, car cet autoapitoiement traduit un gros manque de confiance en soi, ou à l’inverse un ego surdimensionné… ce qui revient exactement au même. Inutile de dire que l’incompris sera ingérable pour n’importe quel éditeur*. Tant qu’il ne se remet pas en question, on ne peut malheureusement pas aider cet auteur.
On en vient à une question essentielle : pourquoi écrivez-vous ? Si c’est pour régler des comptes avec vos parents/vous venger d’un(e) ex/vendre des millions de livres/prouver à votre ancien patron/professeur de français que vous avez « réussi », il y a de fortes chances pour que vous ayez plus besoin d’une thérapie que d’un éditeur, je le dis d’ailleurs sans mépris ni condescendance : on écrit mieux lorsqu’on a vaincu ses démons, j’en sais quelque chose. Cela ne signifie pas qu’on doit être aussi équilibré qu’un astronaute, mais un minimum de sérénité est appréciable, ne serait-ce que parce que l’écrivain est une créature mal aimée de notre société. En France, on considère qu’écrire n’est pas un métier et il est de bon ton de glorifier les poètes maudits, les âmes torturées telles que Bukowski, comme si avoir connu des malheurs ou être mal dans ses pompes était la voie royale pour devenir écrivain.
En réalité, beaucoup de grands auteurs, même chez les plus déjantés, ont à un moment donné mis leur ego de côté et choisi de régler leurs problèmes personnels. C’est le cas de Stephen King, qui a reconnu que, suite à son addiction à la cocaïne, son écriture avait baissé en qualité, notamment sur les Tommyknockers, « an awful book ». Il faut une certaine humilité pour pouvoir se remettre ainsi en question. De nombreux écrivains n’ont pas hésité à écrire plus d’une dizaine de versions d’un même roman, comme Ronald Dhal avec Charlie et la chocolaterie. Si, en tant qu’auteur, vous n’êtes pas capable de lire un retour sans avoir envie de dissoudre dans l’acide votre bêta-lecteur, ou de vous immoler par le feu, l’écriture n’est peut-être pas une activité pour vous. Écrire un premier jet n’est pas le plus compliqué, ce sont surtout les corrections qui vont vous prendre des semaines, des mois, souvent des années de travail… Écrire peut vite devenir une souffrance lorsqu’on ignore la présence de cet ego qui nous pousse vers des comportements irrationnels, un ego fondamentalement illusoire : non, une mauvaise critique ne peut pas vous tuer ! Ce ne sont que des mots, rien de plus. À l’inverse, ce n’est pas parce que vous serez publié que tous vos problèmes disparaitront. Vous quitterez une insatisfaction (« je rêve d’être publié ») pour une autre (« je rêve d’avoir un peu de succès, comme certains auteurs »), puis encore une autre (« je rêve d’obtenir moi aussi un prix à un festival littéraire »), sans parler du fantasme du best-seller, aussi probable que celui de gagner le gros lot au Loto… Ces insatisfactions sans fin n’existent que dans votre esprit, elles sont aussi illusoires que votre ego, et pour cause : si vous n’arrivez pas à être heureux en ce moment même, comment voulez-vous que ce soit le cas dans un futur hypothétique ?
C’est cet ego qui nourrit la peur d’être un imposteur, la colère face aux critiques, ainsi que l’attachement excessif vis-à-vis de ses propres écrits, trois poisons étroitement liés. Avoir confiance dans des bêta-lecteurs bienveillants peut aider à vaincre ces obstacles. Le processus peut être long, il peut même durer toute une vie, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Faire preuve de davantage de souplesse et d’ouverture d’esprit permet de toucher plus de lecteurs, mais aussi de grandir en tant qu’être humain. Il n’y a pas que dans les romans d’apprentissage qu’on trouve de beaux récits initiatiques…
* C’est d’ailleurs la grande peur des éditeurs, tomber sur un auteur ingérable…
Tempus fugit : à ma grande surprise, WordPress m’a rappelé que le 13 août 2009, je créais ce site. Mon premier roman était alors en cours d’écriture. Je rêvais d’une édition chez Bragelonne, qui venait de publier le Nom du vent. Mon site n’hébergeait qu’une carte rudimentaire des Mers Turquoise, mais on trouvait déjà certains appendices liés à mon univers imaginaire. Quelques années plus tard, http://www.escroc-griffe.com devenait ce blog.
En 2009, Internet était radicalement différent : Facebook n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui, je préférais d’ailleurs Twitter, que je consultais tous les matins sur mon iPhone 3GS. Lire des ebooks était pénible : l’iPad n’était qu’une rumeur, et le Kindle ne se vendait qu’aux Etats-Unis.
En 2009, j’avais un Nabaztag, Barack Obama était président et le monde pleurait la mort de Michael Jackson. Netflix n’existait pas, les séries se trouvaient facilement sur Megaupload.
On regardait Lost, Dexter, Misfits, 24 heures chrono, Community, tandis que Battlestar Galactica s’achevait en fanfare. Je me passais la bande-annonce d‘Avatar entre deux parties de Fuel sur Playstation 3. Le Marvel Cinematic Universe n’était qu’un rêve, et The Dark Knight plus populaire qu’Iron Man.
Internet et le monde ont totalement changé, mais je trouve rassurant que les blogs demeurent des espaces de discussion et de réflexion privilégiés, avec une temporalité plus lente que sur les réseaux sociaux. Pour moi, la blogosphère est un peu la mémoire du Web, car un article est bien plus facile à retrouver qu’un statut Facebook ou un tweet.
Je profite de cet anniversaire pour vous remercier de votre fidélité au fil des ans. Et vous annoncer que les interminables corrections du tome 1 de ma nouvelle trilogie vont bientôt prendre fin : mon manuscrit sera (enfin) prêt d’ici décembre, avant d’être soumis à mon éditeur. J’ai hâte de vous en dire plus…
Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans dans un village suédois isolé…
Je dois l’avouer, je ne suis pas très film d’horreur : je trouve que la réalité est déjà assez cruelle sans qu’on soit obligé d’assister à des scènes éprouvantes… Mais parfois, il y a des longs-métrages qui forcent le respect et transcendent le genre : Alien, Psychose, Shining, The Thing, Misery, le Dracula de Coppola… autant de films qu’il faut impérativement avoir vu. Je crois qu’on peut désormais ajouter à cette liste Midsommar, un chef d’oeuvre difficile à résumer. Avant toute chose, je tiens à signaler que ce film est seulement interdit au moins de douze ans, ce qui me parait un peu léger. Non pas qu’il s’agisse d’un torture porn façon Saw ou Hostel, loin de là car, encore une fois, je n’aime pas la violence gratuite. Midsommar est moins un film dérangeant qu’une œuvre atypique donnant l’impression d’avoir été scénarisée par un ethnologue, en l’occurence le jeune réalisateur Ari Aster, qui avait déjà sévi sur Hérédité. Avec un soin méticuleux, Aster a imaginé une communauté « païenne » perpétuant d’ancestrales traditions suédoises, il a même été jusqu’à créer un alphabet runique imaginaire, des fresques ainsi qu’une langue, l’affekt !
Là où Aster touche au génie, c’est qu’il utilise pour son thriller une photographie… blanche, dans un magnifique cadre bucolique qui n’a, a priori rien, d’horrifique. Une idée formidable, en phase avec l’intrigue puisque dans certaines régions de Scandinavie, l’été le soleil ne se couche pas… ce qui va, bien sûr, contribuer à désorienter les personnages. Que cache ce paisible festival ? C’est la question que l’on se pose lorsque l’intrigue démarre, alors qu’on tombe sous le charme de cette communauté et de ce cadre idyllique. Au début de ce voyage initiatique, on a presque envie d’être avec les protagonistes, de participer à ces inoffensifs rites folkloriques qui célèbrent la Nature dans ce qu’elle a de plus sacrée.
Là encore, il s’agit d’un procédé absolument génial : alors que dans la plupart des films d’horreur, il y a clairement une frontière morale entre les personnages principaux et les monstres, ici les barrières sont de plus en plus poreuses à mesure que nous nous retrouvons, comme les héros, piégés, car confrontés à nos propres contradictions. Qu’est-ce qui différencie la civilisation de la barbarie ? Qu’est-ce qui définit une famille ? Possédons-nous la légitimité nécessaire pour juger certaines sociétés traditionnelles, alors que nous abandonnons nos anciens dans des maisons de retraite ? Lors de rites complexes, les membres de cette communauté tribale se livrent à un impressionnant mimétisme émotionnel en reproduisant les cris de joie ou de peine. N’est-ce pas la preuve que, dans ce type d’organisation il règne une plus grande empathie que dans nos sociétés dites « modernes », sociétés dans lesquelles il est délicat de parler ouvertement de mort et de deuil sans provoquer un malaise ?
À plusieurs reprises, le spectateur est, à l’image des protagonistes, un papillon attiré par l’étrange poésie qui se dégage de cette communauté qui interpelle notre morale judéo-chrétienne. Film d’horreur lyrique amoral, mais certainement pas immoral, jamais Midsommar ne tombe dans le manichéisme. À chacun de se faire son idée sur cette fin qui ne laissera personne indifférent…
Bien que cette œuvre soit très clivante (les spectateurs adorent ou détestent), on ne peut que se réjouir de l’arrivée d’un nouveau cinéma, le thriller horrifique indépendant. Après les expérimentaux Get Out, Us et Hérédité, l’horreur lorgne de plus en plus vers le cinéma d’auteur, non sans un certain brio. À tout juste trente-trois ans, et avec seulement deux réalisations à son actif, Ari Aster entre dans le cercle très fermé des jeunes réalisateurs surdoués à surveiller de près.
Jack Malik est un auteur-compositeur qui peine à percer dans le monde de la musique. Tout bascule le jour où il est renversé par un bus. À son réveil, il découvre qu’il vit dans un univers où les Beatles n’ont jamais existé. Et s’il en profitait pour lancer sa carrière ?
« Il y a des films qui ont le don de reposer sur une idée géniale », c’est la pensée que je me suis faite en regardant la bande-annonce du dernier long-métrage de Danny Boyle (Transpotting, la Plage, 28 jours plus tard, Sunshine, Slumdog Millionnaire, 127 heures…), une œuvre plus complexe que ne le laisse présager le trailer. Drôle et touchant, Yesterday est une délicieuse métaphore du syndrome de l’imposteur que rencontrent tôt ou tard les auteurs. Un artiste doit-il être légitime ? Où commence le plagiat, et où s’arrête l’inspiration ? Ces questions vont obséder le personnage tragi-comique interprété avec brio par Himesh Patel. Le film fonctionne à merveille, en grande partie grâce à cette ironie dramatique sublime : qui n’a jamais rêvé d’être génialement inspiré ? Les scènes sont plus hilarantes les unes que les autres, mention spéciale aux parents de Jack Malik, pas très mélomanes…
Et pourtant Yesterday n’est pas qu’une comédie romantique fantastique, mais aussi une uchronie à l’étrange nostalgie, qui suscite le désir de vivre ce que les jeunes des années 60 ont connu : l’espoir d’un monde meilleur, un réenchantement, une communion qui dépasse les frontières, mais aussi une certaine insouciance…
Je ne vais pas en dire plus car la meilleure séquence, très émouvante, n’est heureusement pas dans la bande-annonce, mais si vous avez un film à voir durant le mois de juillet, c’est bien celui-ci !
Littérature, cinéma, série télévisée… Jamais les conteurs n’ont disposé d’autant de médias pour susciter de l’émotion. C’est le cas de certains jeux vidéos qui laissent une trace indélébile, plus mémorables que certains films, et pour cause : dans une salle de cinéma on ne peut pas influer sur une histoire. C’est le constat que j’ai eu ce lundi en terminant (pour la seconde fois !) un chef d’œuvre, le premier volet de la trilogie Mass Effect. Dans cet épisode on incarne le commandant John Shepard (ou son homologue féminin). En 2183, l’Humanité est désormais capable de se déplacer à travers l’univers grâce à l’effet cosmodésique, connu des autres espèces sous le nom de « Mass Effect », suite à la découvertes de technologies extra-terrestres sur Mars.
Dans ce space opera grandiose, Shepard devra effectuer des choix cornéliens qui auront des répercussions immenses, pour la galaxie… ainsi que ses proches. C’est d’autant plus impressionnant que le jeu vidéo dispose d’un énorme avantage immersif comparé à un long-métrage : on peut facilement passer une centaine d’heures avec des personnages à explorer des planètes… Shepard peut même vivre des histoires d’amour !* Ce qui rend certaines décisions d’autant plus cruelles…. Vers la fin du premier Mass Effect, il faut résoudre un dilemme : lors d’une bataille désespérée, deux membres de l’équipe, situés à deux lieux différents, se retrouvent en danger, or le vaisseau spatial ne peut se déplacer qu’à un endroit à la fois… Après de longues hésitations, lorsque j’ai finalement annoncé par radio à l’officier Kaidan Alenko que je ne pourrais pas le rejoindre, celui-ci m’a répondu qu’à ma place il aurait agi de la même façon.
Kaidan Alenko
Bien sûr, il a fallu consoler le soldat survivant que j’ai choisi de sauver et qui était bouleversé, lui dire que c’était ma décision et non la sienne… Plus tard, en passant devant les casiers de mes personnages (afin d’organiser leur équipement), je n’ai pu m’empêcher de culpabiliser en voyant celui de Kaidan, fermé pour toujours. Je me suis demandé si mon avatar n’aurait pas dû mourir à sa place ! Kaidan m’accompagnait depuis le début, il m’avait même sauvé la vie lors d’une mission délicate, sans parler du fait qu’on avait eu l’occasion de discuter longuement de son passé (Kaidan m’avait un jour confié qu’il souffrait de migraines à cause d’implants cybernétiques de seconde génération, gosse il avait en effet servi de cobaye contre son gré dans un laboratoire peu scrupuleux…). Faire naitre dans le cœur du joueur la culpabilité du survivant est une prouesse incroyable de la part des scénaristes ! Un autre moment fort de mon expérience sur Mass Effect : une mission prise d’otages qui consistait à perdre le moins de civils possible. Bien qu’il s’agissait d’une intrigue secondaire, j’ai passé au moins une heure à faire en sorte qu’il n’y ait aucune victime innocente. Après l’heureux dénouement, j’ai été contacté par l’amiral en personne, qui m’a avoué « être impressionné ». J’avais plusieurs réponses possibles à formuler et j’ai choisi « je n’ai fait que mon travail ». Il se trouve que le jeu a pris en compte non seulement cette réplique, mais aussi le résultat de la prise d’otage, avec cette réaction de l’amiral sur un ton admiratif :
Dans mon armée, j’aimerais avoir plus de soldats qui ne font « que leur travail », Shepard, vraiment. Cinquième flotte, terminée.
Chair de poule assurée !
Les créateurs de jeux vidéos ne sont plus seulement des conteurs, mais également des psychologues archi-talentueux, comme le prouve The Last of Us, dont l’intrigue démarre le jour d’une apocalypse zombie. On incarne Joel, un père de famille qui tente de sauver sa fille, Sarah, lors de l’introduction. Hélas, Joel échouera lors d’une séquence tragique absolument poignante. Lorsque le jeu reprend après une ellipse de vingt ans, Joel a désormais la cinquantaine fatiguée. Il est devenu un survivant qui a appris à se battre dans un monde post-apocalyptique où règne la loi du plus fort. Sa routine est chamboulée le jour où on lui confie Ellie, une ado qui a grandi dans un bunker et qu’il doit escorter dans le cadre d’une mission ultra-secrète déterminante pour l’avenir de l’Humanité. Le problème, c’est qu’en tant que joueur, vous avez déjà été traumatisé par le décès de la fille de Joël, et vous n’avez aucune envie de vous attacher à nouveau à une gamine qui peut mourir à chaque instant ! Mais il se trouve qu’Ellie est une adolescente adorable qui n’a jamais connu le monde extérieur, encore moins celui d’avant l’apocalypse. Une ado qui ressemble à la fille de Joel si celle-ci vivait encore… Peu à peu, vos défenses émotionnelles tombent une par une, notamment quand Ellie découvre avec émerveillement des girafes au milieu des ruines de Pittsburgh…
Les scénaristes arrivent à vous manipuler à un degré rarement atteint dans un jeu, en vous faisant vivre la dernière étape d’un deuil virtuel ! Avec un tel enjeu, impossible de lâcher la manette car on veut bien évidemment connaitre la fin de l’histoire et savoir si Joel et Ellie vont survivre.
Dans Horizon Zero Dawn, c’est un peu la situation inverse : alors que l’Humanité est revenue à l’âge de pierre depuis que les machines dominent la planète, vous incarnez Aloy, une orpheline ostracisée qui vit en marge d’une société tribale, et qui ne peut compter que sur elle-même. Un beau jour, Aloy découvre un artefact technologique qui permet de pirater les robots, et qui lui donne accès à des informations concernant le monde d’il y a mille ans. Aloy part alors à la recherche de ses origines… Odyssée émouvante, récit initiatique épique servi par une musique mélancolique, Horizon Zero Dawn est le seul jeu dont la fin m’a fait pleurer.
En tant qu’auteur de romans, je ne peux qu’être admiratif devant le travail accompli par ces artistes. Ces trois œuvres sont moins des jeux que des histoires qui changent le regard qu’on porte sur le monde. À la manière d’un grand film, il y a un avant et un après Mass Effect, The Last of Us et Horizon Zero Dawn, parce qu’il s’agit avant tout de récits universels qui posent des questions philosophiques sur ce qui nous définit en tant qu’être humain, que ce soit la justice, le droit à la différence ou l’altruisme… Des questions aussi vieilles que l’Humanité, et malheureusement toujours d’actualité.
Cet article est dédié à la mémoire de l’officier Kaidan Alenko.
* Mass Effect est même l’un des premiers jeux vidéos à avoir permis au joueur de choisir une romance homosexuelle.
Il y a des films qui sont de véritables cris d’amour, des oeuvres qui vous donnent l’impression d’être dans l’esprit d’un artiste. Après Dans l’ombre de Mary(la genèse de Mary Poppins) et Neverland (l’histoire de l’auteur de Peter Pan), il faut désormais compter sur ce poignant Tolkien, biopic qui retrace la jeunesse d’un poète hors du commun passionné par les langues et les arbres. Un écrivain à la lente maturation, dont les premières années n’ont été qu’une succession de deuils : le départ de l’idyllique campagne de Sarehole, et surtout la perte d’une mère aimante à l’imagination débordante. Il y a une mélancolie tangible dans la vie de Tolkien, un désir de rêver à tout prix, malgré la fumée des usines, les horreurs de la guerre et une société édouardienne qui étouffe ses poètes. Dans un univers si matérialiste, écrire devient un acte de résistance, une forme de courage qui n’a de sens qu’au sein d’une communauté fraternelle de jeunes artistes qui rêvent ardemment de changer le monde.
Quand on a lu le Seigneur des Anneaux, on ne peut qu’être ému par les subtiles références aux sources d’inspiration de Tolkien : son bougonnant mentor, spécialiste des langues anciennes nordiques, qui n’est pas sans rappeler Gandalf lorsqu’il marmonne des mots incompréhensibles, l’héroïque Sam qui va accompagner Tolkien dans les tranchées du « Mordor » et, bien sûr, Edith, sa muse elfique, sa Lúthien.
Seul petit regret : l’absence de C.S. Lewis, l’auteur du Monde de Narnia, qui fut un ami proche de Tolkien, mais qu’il ne rencontrera qu’en 1926, ce qui explique sa disparition dans le biopic.
Tout comme Frodon, Tolkien reviendra de la guerre, mais il existe des blessures invisibles dont on ne guérit jamais. Histoire d’amitié bouleversante, mais aussi magnifique romance à la résonance actuelle, Tolkien est un film définitivement lyrique, l’hommage d’une époque révolue, quand les derniers chevaliers, sabre au poing, furent terrassés par les impitoyables mitrailleuses du monde moderne.
Je le reconnais volontiers, Game of thrones est une série qui n’est pas parfaite. Les deux dernières saisons ont été trop rapides, ce qui a causé quelques invraisemblances, comme la survie improbable de Jamie Lannister en armure, sous l’eau… ainsi que des ellipses. Les armées se téléportent d’un point à un autre, alors que le lent déplacement des troupes et la météo jouaient un grand rôle dans la construction des campagnes militaires durant les précédentes saisons. Il y a une raison à cela : les scénaristes David Benioff et D.B. Weiss ne pouvaient rivaliser en imagination avec George R.R. Martin, passé maître dans l’art des sous-intrigues. Non pas à cause d’un manque de talent des deux showrunners, mais parce qu’ils ne disposaient pas assez de matière première pour s’inspirer, les deux derniers romans du Tolkien américain n’étant pas encore publiés. Dans ces conditions, difficile de fournir du contenu pertinent sans pouvoir piocher des idées dans des bouquins qui dépassent le millier de pages… surtout quand on sait que George R.R. Martin lui-même rencontre des difficultés ! On n’est même plus sûrs qu’il terminera un jour sa saga…
Comme si cela ne suffisait pas, les créateurs de la série la plus chère de l’Histoire ont été confrontés à un choix cornélien : conserver des saisons de dix épisodes, extrêmement coûteux* et sacrifier, faute de moyens, des scènes spectaculaire (c’est d’ailleurs un problème récurrent avec les loups géants, si difficiles à concevoir en numérique) ou bien raccourcir ces saisons afin de reconstituer des batailles dantesques, mais au risque de s’écarter un peu plus des livres. Il n’y avait pas de solution idéale, et pourtant il a fallu faire un choix douloureux, fermer tous les arcs narratifs, ce qui relevait du miracle avec tant de personnages. Alors certes, les esprits chagrins diront que nous avons perdu en subtilité, mais quelle fin flamboyante, dans tous les sens du terme ! Jamais on avait vu un tel lyrisme sur le petit écran, j’ai même regretté que l’ultime saison ne soit pas diffusée dans les salles obscures…
Il faut d’emblée rendre hommage au fabuleux travail effectué par Miguel Sapochnik : réalisateur depuis la saison cinq des quatre plus belles batailles de la série, les épisodes intitulés « Durlieu », « la Bataille des Bâtards », « la Longue Nuit » et « les Cloches » sont de véritables leçons de cinéma. Durant cette dernière saison, Sapochnik a livré des séquences épiques sublimées par la musique de Ramin Djawadi, des épisodes qui n’ont, osons le dire, pas d’équivalent sur le grand écran. Jamais on avait vu de blessures aussi réalistes que celles figurant dans la bataille de Port Réal. Il y a une volonté de montrer sans complaisance la cruauté des combats du Moyen-Âge, à des années-lumières du spectacle familial qu’est le Seigneur des Anneaux (que j’adore, soit dit en passant). À l’image de ce que fit Sam Peckinpah pour la Horde Sauvage, le spectateur-voyeur est pris à son propre jeu, écoeuré par cette violence supposée « glorieuse ». On se retrouve plongés dans un cauchemar sans concession à l’écho douloureusement universel, notamment lorsque les civils sont brûlés par les flammes du dragon. Un drame cataclysmique qui rappelle aussi bien la tragédie des bombardements des guerres modernes que l’incendie de Rome perpétré sous Néron, ou l’éruption du Vésuve à Pompéi.
Sur les réseaux sociaux, une armée d’internautes experts en stratégie ont longuement évoqué de supposées erreurs décelées lors de l’épisode « la Longue Nuit« , ce qui n’a pas manqué de me faire sourire : l’Histoire nous enseigne que les plus grands des généraux ont déjà commis des bourdes monumentales, il n’y a qu’à étudier les nombreuses boucheries inutiles du conflit 14-18… Les spécialistes en zombies qui ont critiqué la mémorable bataille contre le roi de la nuit (comme si les morts-vivants existaient pour de bon !) ont tendance à oublier qu’il y a parfois un gouffre entre les tactiques idéales décrites dans les manuels militaires, et la réalité du champ de bataille, surtout avec des cavaliers dothraki déchaînés qui ressemblent furieusement aux hordes mongoles ! La campagne de Russie de Napoléon qui anéantit la quasi-totalité de l’armée impériale, l’ordre d’Hitler de ralentir avant Dunkerque, les légions romaines de Varus qui traversent la forêt de Teutoburg sans être en formation de combat… les grossières erreurs de stratégie sont vieilles comme le monde, pour ne pas dire banales. Lors de ce fameux troisième épisode, il s’agit moins de maladresses que de choix artistiques aussi sublimes que terrifiants : montrer les innombrables lumières de la cavalerie s’éteindre en quelques instants relève d’une mise en scène crépusculaire, qui donne à l’obscurité le rôle principal.
On peut voir le verre à moitié vide, et s’attarder sur les scories, mais il est surprenant que les nombreux fans en colère n’aient pas été si attentifs que cela aux arcs narratifs. Le rôle d’Arya dans la mort du seigneur de la nuit a été décrié, pourtant cela fait huit saisons que la fille de Ned Stark s’entraîne avec des guerriers redoutables, depuis sa plus tendre enfance… pas étonnant qu’elle soit devenue l’un des assassins les plus craints de Westeros, capable d’infiltrer de stupides morts-vivants. Cela aurait été, pour le coup, une terrible facilité scénaristique que de traiter la bataille contre les zombis lors du dernier épisode, telle la conclusion d’une classique saga de fantasy. Depuis le début, le leitmotiv de la série est « les monstres ne sont pas ceux que l’on croit ». Cette huitième saison n’est rien de moins que l’aboutissement d’un drame shakespearien sur l’éternelle thématique « l’Homme est un loup pour l’Homme », qui n’est pas sans rappeler Machiavel et la Renaissance. L’épisode cinq est symptomatique de cette philosophie : alors que pendant huit ans, les fans attendaient avec impatience le triomphe de Daenerys, Internet est entré en ébullition lorsque le personnage joué par Emilia Clarck a réduit Port Réal en cendres. Beaucoup de spectateurs se sont insurgés devant tant de cruauté, certains ont même dénoncé un changement trop radical dans la psychologie de Daenerys… c’est oublier qu’elle était, dès la saison une, atteinte de folie ! Un personnage instable, fragile et impulsif, qui a grandi au sein d’une famille réputée pour sa démence et ses tares génétiques, les Targaryen. Leur devise est « Fire and Blood », devise que Daenerys finira par s’approprier.
Son père, le « Roi fou » (ça ne s’invente pas) est un despote incendiaire capable de faire brûler n’importe qui. Viserys, le frère de Daenerys, non content de la frapper régulièrement, lui avoue qu’il accepterait qu’elle subisse un viol collectif perpétré par l’armée dothraki si cela lui permettait de conquérir le trône de fer. Ambiance… Plus tard, Viserys sera victime du supplice de l’or en fusion, sans même que Daenerys n’intervienne pour le sauver. Vous me trouvez sévère avec la reine des dragons ? C’est que vous avez la mémoire courte : au fil des saisons, elle fait brûler vif des êtres humains, pille la ville de Qarth, crucifie les nobles de Mereen… alors que des conseillers sont là pour modérer ses ardeurs ! Pire, dans l’épisode 10 de la saison 2 elle a une vision de la salle du trône de fer détruite et recouverte d’un manteau de cendres, une hallucination inquiétante qui ressemble fort à une prophétie autoréalisatrice…
Dans l’épisode 4 de la saison 2, nous ne sommes même plus dans la suggestion, elle annonce clairement la couleur !
« When my dragons are grown, we will take back what was stolen from me and destroy those who have wronged to me. We will lay waste to armies and burn cities to the ground. »
(Quand mes dragons auront grandi, nous reprendrons ce qui m’a été volé et anéantirons tous ceux qui m’ont fait du tort. Nous détruirons les armées et réduirons les cités en cendres)
J’attire votre attention sur le fait qu’elle parle bien de cités au pluriel…
Ironie du sort, une partie des Bisounours fans de GOT n’ont tout simplement pas voulu prendre en compte ces funestes avertissements et ont cru le storytelling que la mère des dragons s’est elle-même racontée, celui d’une libératrice d’esclaves, une « briseuse de chaînes ».
Elle a essayé de s’en persuader mais, à mesure que ses proches sont morts ou l’ont trahie, et qu’elle s’est retrouvée face à elle-même, la réalité du pouvoir l’a rattrapée, au point de la rendre paranoïaque (autant dire qu’elle n’avait pas besoin de ça). Chacun sait qu’à Westeros, il est bien plus facile de conquérir le trône de fer que de régner. Arrivée sur un nouveau continent, le moins que l’on puisse dire, c’est que Daenerys n’a pas réussi à inspirer de la dévotion, ou même de la confiance, au peuple. Pour sa décharge, elle ne s’attendait pas à un accueil aussi froid… alors qu’elle a sacrifié la moitié de son armée, un dragon, et perdu l’indéfectible Jorah Mormont pour sauver le Nord ! On serait amers pour moins que ça. Si on ajoute la désillusion sentimentale qu’elle vit aux côtés de Jon Snow, il n’est pas compliqué de comprendre son état d’esprit lorsque les citoyens de la ville de Port Réal, hélas pris en otage, « refusent » de se rebeller contre Cersei. La violente réaction de la Khaleesi est tout sauf une surprise : sous l’Antiquité, une armée épargnait une cité assiégée uniquement si cette dernière rendait les armes avant la bataille. Non seulement Cersei a décidé de résister, mais en plus elle est responsable de la mort d’un dragon que Daenerys considérait comme son propre enfant, sans parler de la décapitation de Missandei, la dernière véritable amie de la Khaleesi. Autrefois, quand une ville choisissait de lutter et échouait à repousser l’ennemi, il ne servait à rien de demander grâce, le sac devenait inéluctable. Malheur au vaincu. C’est ce qui s’est passé avec Rome et Carthage, et c’est ce qui est arrivé fort logiquement à Port Réal. Comme elle l’a annoncé à Jon, Daenerys régnera désormais par la peur.
On peut enfoncer le clou en soulignant qu’il n’y a nul besoin d’être fou pour accomplir un acte aussi barbare. L’un des plus grands stratèges de l’Histoire, Alexandre le Grand, était également l’un des hommes les plus cultivés de son temps, puisqu’il fut éduqué par le philosophe Aristote en personne, un modèle de sagesse qui fut lui-même l’élève de Platon, disciple de Socrate. Cela n’a pas empêché Alexandre de réduire la population de Gaza en esclavage. Suite au siège de Tyr, on estime qu’entre 6000 et 8000 défenseurs furent tués. 2000 jeunes hommes furent crucifiés immédiatement après la prise de la ville, le reste des habitants furent réduits, comme ceux de Gaza, en esclavage. Persépolis, l’une des plus belles cités de l’Antiquité, sera elle aussi pillée et brûlée… Alexandre a même tué de sa main son ami d’enfance Cleithos (qui lui avait pourtant sauvé la vie lors de la bataille du Granique !), tout ça à cause d’une vulgaire dispute d’ivrognes lors d’un banquet un peu trop arrosé. Cela n’a pas empêché Alexandre de pleurer sa mort… N’en déplaise aux fans insatisfaits, l’Histoire nous montre que les « grands » de ce monde ne le sont que parce que les peuples sont à genoux, et surtout que tout est une question de point de vue. Napoléon a été longtemps célébré dans nos manuels scolaires, alors qu’il est perçu comme un tyran chez nos voisins européens. C’est pour cette raison qu’en écrivant le sombre destin de Daenerys, un destin anti-manichéen, les scénaristes ont fait preuve d’un courage inouï. En défendant l’idée qu’une femme puisse avoir autant de zones ombres qu’un homme, David Benioff et D.B. Weiss ont assumé jusqu’au bout une position résolument moderne : un personnage féminin n’a pas besoin d’être « fort » pour exister, il doit juste, comme n’importe quel personnage, être bien construit.
C’est pour cela que même Cersei réussit à m’émouvoir, parce que dans ses derniers instants elle n’est plus qu’une mère qui a peur de mourir. Elle est aussi humaine que n’importe qui.
Loin d’être incompréhensible, l’incendie de Port Réal n’est rien d’autre qu’un gigantesque bras d’honneur au manichéisme hollywoodien qui gangrène parfois le cinéma. Les fans souhaitaient qu’à la fin les « gentils » gagnent la bataille et triomphent du mal en tuant les « méchants » ? Eh bien à Port Réal la guerre est montrée sous son vrai jour : une horreur sans nom. Lorsque des civils se font massacrer, il n’y a ni vainqueurs, ni vaincus, seulement des victimes qui tentent de survivre, peu importe qui remporte ce foutu trône.
Ce constat vaut pour les « héros », eux aussi sont les victimes tragiques d’un destin ironique. La seule fois où le cynique Varys prend une décision courageuse, il le paye de sa vie. Le Limier périt dans les flammes qu’il redoutait tant, Jorah Mormont meurt pour défendre une femme qui ne lui a jamais rendu son amour, le régicide est tué à cause… d’une reine, tandis que Theon Greyjoy se sacrifie pour sauver Winterfel et les Stark qu’il a ardemment combattus par le passé. Jon Snow est un guerrier exceptionnel revenu d’entre les morts, mais il se retrouve complètement impuissant, à subir les événements.
Quand à Cersei, le donjon rouge, lieu où elle se sentait si protégée, deviendra son tombeau. Certains fans voulaient qu’elle souffre davantage, comme si une mort douloureuse rétablissait une certaine justice, mais perdre son dernier enfant, n’est-ce pas la pire punition qui soit pour une mère ? A fortiori quand il s’agit d’une souveraine toute puissante.
Seule Arya semble maîtresse de son destin, parce qu’à l’instar d’un samouraï, la mort est devenue pour elle une amie familière. C’est parce qu’elle n’a strictement rien à perdre qu’elle peut jouer les anges exterminateurs. Et pourtant, dans une scène poignante, en disant adieu au Limier, son père spirituel, elle comprend enfin que sa quête vengeresse est terminée, alors qu’elle n’est qu’à quelques pas de Cersei. N’est-ce pas la plus belle de toutes ces ironies ?
Pour toutes ces raisons, Game of thrones rentre désormais dans le cercle très fermé des œuvres mythiques telles que le Seigneur des Anneaux, trilogie dont GOT est l’exact opposé. Deux visions de la Fantasy radicalement différentes, mais une même fin, douce amer, dont en parlera encore dans cent ans. Privé des deux derniers romans de George R.R. Martin, l’ultime saison de Game of thrones ne pouvait être parfaite, mais elle est la meilleure possible au regard du travail incroyable qui a été réalisé à tous les niveaux. La conclusion de l’histoire ne sera pas l’happy end attendu par certains fans, et c’est tant mieux. Valar Morghulis.
EDIT : mention du compositeur Ramin Djawadi, que j’avais oublié, honte sur moi
* Il faut savoir que ces dernières années, l’essentiel du budget d’HBO passe dans la production de Game of thrones…
Le week-end dernier, j’ai eu la chance d’être invité à la première édition du festival fantasy de Vallauris, et pour un coup d’essai, il faut bien reconnaître que c’était un coup de maître ! La décoration steampunk était sublime, et le public au rendez-vous.
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J’ai eu le privilège de rencontrer des auteurs que j’apprécie, et la joie de retrouver Carina Rozenfeld, la bienveillance incarnée, ainsi que Lionel Davoust, qui m’a initié à la synthwave (Lionel, je t’adore !).
J’ai également fait la connaissance d’Ange, alias Anne Guéro qui a co-écrit le mythique Ayesha, l’un des meilleurs romans jamais publiés chez Bragelonne. Coïncidence incroyable, Anne a dirigé un temps Casus Belli, un magazine de jeu de rôle que je dévorais, mais aussi des scénarios pour In nomine satanis magna veritas et Bloodlust, des jeux auxquels je jouais ! On a beaucoup discuté d’éthique et de spiritualité, c’était très enrichissant.
Avec Pierre Bordage, nous avons parlé d’Eden Log, de notre passion commune pour l’Inde et les philosophies orientales, largement présentes dans les Guerriers du Silence. J’ai été captivé par ses récits de voyage. Lors d’un repas, je n’ai pu m’empêcher de lui avouer qu’il avait été un véritable « porte-bonheur » six ans auparavant : alors que je n’étais pas publié, j’ai déjeuné avec lui (et Victor Fleury, qui n’avait pas encore écrit l’Empire Électrique pour Bragelonne !) aux Imaginales 2013, à Epinal. Le soir même, je devais rencontrer pour la première fois mon futur éditeur, Stéphane Marsan, lors du speed dating littéraire… Ce jour là, Pierre me dit qu’il va croiser les doigts. Et voilà que je me retrouve de nouveau à table avec lui… cette fois en qualité d’auteur invité ! Si, lors de mes études en fac d’histoire à la fin des années 90, à l’époque où je lisais dans ma chambre étudiante niçoise les guerriers du silence, une voyante m’avait prophétisé un tel futur, je pense que je lui aurai ri au nez…
Tournoi Soulcalibur VI
Les thèmes des tables rondes étaient intéressants, j’ai particulièrement aimé « Fantasy et mythes », un sujet qui me passionne, brillamment modéré par Stéphane Manfrédo. J’ai eu le plaisir d’échanger avec Pierre, Lionel et l’enthousiaste Sylvie Miller. Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons été bavards ! La vidéo HD est disponible ici
Grâce à cette intervention, j’ai fait la connaissance de jeunes auteurs en devenir, passionnants et passionnés, qui se sont laissés tentés par ma trilogie, ainsi que d’autres lecteurs tout aussi attachants, sans parler des amis de longue date que j’ai retrouvés. Un moment très sympathique que je ne suis pas prêt d’oublier.
Le samedi soir, j’ai profité de mon retour dans la région pour revoir des amis d’enfance avec qui nous avons fait une partie de jeu de rôle sadique, « l’Appel de Cthulhu« , le scénario était concocté par mes soins, gnac gnac… Ambiance Stranger Things, 25 ans après…
Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce festival, j’espère qu’il réussira à s’implanter durablement dans les années à venir, il le mérite vraiment ! Bonus : quelques photos d’Antibes et de Nice, regardez le nom du voilier…
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Un immense merci à Carole Cerrito, Jeanne Cagnon-Tripodi, Stéphane Manfrédo, et Damien Gaudin, ainsi qu’à toute l’équipe de l’organisation. Longue vie au festival !