« D’où tirez-vous votre inspiration ? »

 

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Comme bien des auteurs, il ne se passe pas un salon sans qu’on me pose cette question qui m’a longtemps fait sourire. Il y a quelques années, j’ai écrit sur ce blog que l’inspiration n’était qu’un mythe, qu’elle s’entretenait à mesure qu’on restait plusieurs heures par jour à écrire derrière l’écran de son ordinateur.

En réalité, je pense désormais que c’est, disons, plus compliqué. Bien sûr, les réflexions qui vont suivre ne sont que des théories de ma part ! Mais il est bon de partir d’un cadre théorique pour, par la suite, parler de techniques artisanales efficaces. Oui, j’ose aborder un grand tabou de la littérature : pour moi, l’inspiration n’est qu’un outil comme un autre, qu’il est possible d’aiguiser, comme n’importe quel outil… mais qu’est-ce qu’on entend par « inspiration » ?

Dans notre société matérialiste, il est difficile de s’imaginer que jusqu’au XIXe siècle, les gens avaient une conception in spiritum de l’inspiration, avec des idées qui tombaient (au sens propre) du ciel, les artistes jouant le rôle de prophètes incompris en lien avec le divin.

Cette conception très ancienne a volé en éclats avec la naissance de l’art moderne, tant en littérature qu’en peinture, sculpture… Aujourd’hui il n’est plus question de sacraliser quoi que ce soit, l’art devenant « banal », et non issu d’une inspiration divine, pour le meilleur et pour le pire. Pablo Picasso n’a-t-il pas dit  » les bons artistes copient, les grands artistes volent » ?

Mais alors d’où vient l’inspiration ? Tout au long de ma vie, j’ai évolué en ce qui concerne cette question. Bien sûr, l’auteur est conditionné par ses lectures. À force de lire des livres il recycle, au moins inconsciemment, des idées… mais pour moi l’inspiration est bien plus subtile que cela. Quand j’étudiais l’Histoire à l’université, pendant un temps j’ai cru à la vision romantique de Platon, à un monde des Idées, invisible. J’imaginais une noosphère qui entourait la Terre, et le fait que les artistes dits « géniaux » étaient seulement des artistes un peu plus « connectés » que d’autres à ces idées qui flottaient dans l’atmosphère.

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Ce qui me confortait dans cette vision, c’est qu’une part non négligeable d’idées me viennent de rêves. C’est le cas d’un arc narratif d’un de mes romans, les Corsaires de l’Écosphère. Quasiment toute l’intrigue autour des loups de Leucédoine est issue d’un songe. Cela n’a rien d’exceptionnel, n’importe quel écrivain peut procéder ainsi, et certains scientifiques célèbres ont même fait des découvertes grâce à cet état de conscience modifié que tout le monde connait, mais qui est sous-exploité.

Il y a une technique pour se rappeler de ses rêves : dès le réveil, il suffit de les noter sur un carnet (pour ma part j’utilise mon smartphone). Au bout d’une semaine, le cerveau s’habitue à cette gymnastique et les songes deviennent de plus en plus clairs. À force de pratique régulière, il arrive qu’on se souvienne de plusieurs rêves effectués durant une même nuit. Il faut juste veiller à maintenir cette activité toute l’année. Une prise de notes irrégulière rend plus difficile ce phénomène de mémorisation, mais même après une coupure d’un mois, il suffit de quelques jours pour remettre son cerveau en condition.

Aujourd’hui, je ne crois plus à un monde des idées ou à une noosphère, car les rêves ne constituent pas ma seule source d’inspiration. En 2014 j’ai découvert la méditation, qui m’a apporté énormément de bienfaits dans mon quotidien, je l’avais d’ailleurs raconté dans mon article Hygiène de l’écrivain. Je médite tous les jours chez moi, mais également dans le temple bouddhiste que je fréquente une fois par semaine. À un moment donné, je me suis posé la question de savoir si la méditation ne constituait pas un frein à l’écriture : si le but ultime de la méditation est d’être heureux, en harmonie avec les autres, de se libérer des désirs, frustrations et autres souffrances, le risque n’est-il pas de ne plus avoir envie d’écrire ?

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En réalité, en ce qui me concerne, c’est exactement le contraire qui s’est produit, non sans une certaine ironie. En 2016, j’ai passé six mois de ma vie à écrire le synopsis très détaillé d’un roman historique fantastique… jusqu’au jour où je suis allé, comme tous les lundi soir, à mon temple tibétain. J’étais particulièrement serein lorsque soudain, en pleine méditation, des idées me sont venues. Là encore, cela n’a rien de surprenant. Grâce à la méditation, l’esprit est plus disposé à se reconnecter avec cette formidable source de créativité qu’est l’inspiration. De la même façon que vous supprimez des programmes inutiles qui tournent en tâche de fond sur votre ordinateur sans votre accord, des programmes qui consomment énormément de ressources, la méditation permet de se détacher des angoisses, colères et frustrations, et de prendre conscience du mal qu’elles nous font.

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Libéré de ces poids, votre esprit est bien plus à l’aise pour aller pêcher des idées… même si cela peut avoir de drôles de conséquences. Ce soir là, mes nouvelles idées n’avaient absolument rien à voir avec le synopsis sur lequel j’avais travaillé pendant six mois ! Mais j’étais tellement enthousiaste que dans le train retour, je n’ai pas eu d’autre choix que de les noter, et de passer une nuit blanche à écrire avant de partir sur un nouveau projet, j’en avais d’ailleurs parlé ici. Le phénomène s’est reproduit ultérieurement lors d’une méditation. Cette fois-ci, je n’ai pas lâché mon travail en cours, mais suite à cette session j’ai encore passé une nuit blanche, « contraint » de penser à de futurs projets de romans, ce qui fut aussi excitant qu’éreintant. Fort heureusement, par la suite je n’ai pas connu d’autres nuits blanches, mais il m’arrive de temps en temps « d’obtenir » pendant une méditation, des idées ou même des solutions à certains problèmes scénaristiques.

Ces expériences intimes m’ont laissé un temps songeur : est-ce que je n’étais pas en train de dévoyer ma pratique de la méditation pour en faire une activité futile, un tantinet égoïste ? En réalité c’était, là encore, une inquiétude sans fondement : la méditation permet de mieux se connaître. Grâce à elle, je renoue avec l’inspiration car à ce moment précis, je fais tout simplement la paix avec moi-même.

Si vous êtes en mal d’inspiration, procrastinateur, ou terrorisé par le syndrome de la page blanche, la méditation peut constituer un excellent outil, que vous soyez athée, agnostique ou croyant importe peu. De plus, il n’y a pas besoin de connaître la position du lotus ou de souffrir le martyr ! Il suffit de prendre dix minutes dans une journée. Des méditations de vingt ou trente minutes sont possibles, mais si on manque de temps il vaut mieux effectuer dix minutes tous les jours que de pratiquer occasionnellement. Il faut s’asseoir confortablement sur un coussin, les jambes croisées en tailleur, mais une chaise fera aussi bien l’affaire, le plus important étant de demeurer le dos droit, à l’aise, les yeux mi-clos. Les mains peuvent être unies comme sur la photo, ou bien posées sur les genoux. Il existe toutes sortes de position, le but étant de se concentrer sur un support. Ça peut être le mur en face de vous, ou bien votre propre respiration.

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Contrairement aux idées reçues, le but n’est pas de se retrouver dans un état second ou de supprimer les pensées (c’est impossible), mais de les observer, sans jugement. Que ces pensées et émotions soient angoissantes ou réjouissantes est secondaire, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise méditation, l’essentiel étant de rester en retrait et de constater que notre esprit est perpétuellement assailli par un bruit de fond. « Il faut que je termine mon travail/J’ai faim/Untel m’agace/Est-ce que j’ai bien fermé la portière de la voiture ? ». Toutes ces pensées et émotions ne sont que des perturbations sans substance, des sortes d’hallucinations qui nous empêchent d’être dans le moment présent, car nous n’avons même pas conscience que nous obéissons en permanence à ces pulsions. Or, comme je l’avais évoqué dans cet article, écrire est un non-agir. Le fait de méditer quotidiennement vous permet de vous détacher peu à peu de ce bruit de fond, d’y accorder moins d’importance. Pour les personnes extrêmement occupées, il existe même une application gratuite très populaire sur smartphone, Petit Bambou, qui permet d’effectuer des méditations guidées de seulement dix minutes par jour, juste avec des écouteurs.

Après plusieurs années de pratique, on réalise doucement que dans l’absolu, il n’y a pas de différence entre la méditation et la non-méditation, et que chaque événement, même le plus douloureux, est potentiellement un enseignement. La plupart de nos souffrances viennent du fait que notre cerveau invente régulièrement des prophéties auto-réalisatrices (« je suis sûr que je vais encore passer une journée pourrie au boulot/vivement  les vacances à la mer, je vais bien m’amuser ») qui conditionnent notre perception de la réalité, en bien ou en mal. Entretenir une vision duale de la vie en voulant faire constamment, et à tout prix, deux activités en même temps est source de tensions… et ne sert qu’à provoquer des migraines ! C’est le fait d’être en paix à chaque instant de son existence qui nourrit l’inspiration, être vraiment dans l’instant présent, que ce soit en prenant le métro, ou même en lavant la vaisselle. Récemment, une amie universitaire m’a parlé d’une étude menée par des chercheurs japonais sur les balades en forêt, souvent sources d’inspiration pour les écrivains. Il semblerait que des hormones entrent directement en jeu dans le mécanisme de l’inspiration ! Une promenade contemplative aurait donc des effets comparables à la méditation, ce qui n’est pas vraiment une surprise. À l’époque de la Grèce antique, Aristote enseignait déjà à ses élèves la philosophie en marchant, ce qui explique pourquoi ces philosophes s’appelaient les péripatéticiens, ceux qui aiment marcher.

En vous parlant d’hormones, j’ai peut-être l’air de dresser un tableau idyllique digne d’un Bisounours…

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… mais même le stress, bien canalisé, peut être une source d’inspiration. Il m’est en effet arrivé plusieurs fois de me retrouver au pied du mur à cause d’une contrainte éditoriale, je devais écrire ou réécrire des passages de mon roman dans un laps de temps serré. La peur s’est transformée en excitation à mesure que j’allais au plus simple. Alors que j’avais été bloqué dans mon écriture, et que j’avais du mal à avancer, cette épreuve me permettait d’adopter une démarche zen en m’immergeant totalement dans le récit, comme si ma vie en dépendait. Au moment où j’écrivais, plus rien d’autre n’existait. « Cela fait trois semaines que ce chapitre compliqué te pose des problèmes ? Supprime-le et avance coûte que coûte » me suis-je dit à un moment donné, pensant à la fameuse maxime « derrière chaque crise une opportunité ». Aujourd’hui, alors que j’écris un premier jet, j’ai peu de contraintes éditoriales, mais ces expériences me servent encore lorsque je me retrouve de nouveau confronté à un problème que je juge a priori délicat. Je n’hésite plus à trancher au sabre un passage de mon texte, même si j’y suis attaché.

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Je n’entretiens plus de vision duale dans mon écriture  : les problèmes ne le sont que dans mon esprit. Si c’est confus pour moi, ça le sera aussi pour mon lecteur. Le tumulte sans fin du quotidien parasite notre créativité, quand nous ne nous sommes pas déchirés entre les contraintes professionnelles et nos responsabilités familiales, ou toutes sortes de dualités. Ce sont les tensions que nous créons qui provoquent le syndrome de la page blanche, et rien d’autre.

J’ai un jour eu une discussion à ce propos avec mon éditeur, Stéphane Marsan. Au cours d’un diner, il m’expliquait qu’entre vingt et trente ans, les auteurs ont tendance à moins écrire : ils sont absorbés par leurs études, vivent des expériences, puis finissent par trouver du travail, rencontrer quelqu’un et éventuellement fonder une famille. Vers trente – trente-cinq ans, les écrivains se stabilisent, reprennent le chemin de l’inspiration et de l’écriture.  Bien sûr, chaque cas est différent, mais je me reconnais énormément dans ce portrait, et je pense que certains amis s’y retrouveront aussi. Il y a deux grandes leçons à en tirer.

La première, c’est que l’inspiration vient en partie des expériences que nous vivons, bonnes ou mauvaises. L’imaginaire d’un auteur se réalise aussi sans écrire, car il a besoin de réel, de voyager, de vivre des moments heureux, des deuils… toutes ces expériences rendront ses romans meilleurs. A vingt-deux ans, je voulais écrire l’histoire d’un homme défiguré qui était amoureux. Ce personnage possédait une grande expérience de la vie, mais arrivé au tiers du roman, j’étais dans l’incapacité d’aller plus loin, car ce protagoniste principal était bien plus mature que moi.

La seconde leçon, c’est bien entendu le fait que pour être inspiré, un auteur a besoin d’un minimum de stabilité, tant matériel qu’émotionnelle. Besoin d’être heureux. Tous ces auteurs maudits morts dans la misère au XIXe siècle ne doivent pas occulter une réalité éloignée des clichés : un auteur bien dans sa peau est un meilleur écrivain. Ce n’est pas un Bisounours qui le dit, mais le maître de l’horreur lui-même. Dans Écriture, Mémoires d’un métier, Stephen King explique que

Écrire n’a rien à voir avec gagner de l’argent, devenir célèbre, draguer les filles ou se faire des amis. En fin de compte, écrire revient à enrichir la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie. C’est se tenir debout, aller mieux, surmonter les difficultés. Et faire en sorte qu’on soit heureux, d’accord ? Oui, faire qu’on soit heureux. Une partie de ce livre, trop longue peut-être, décrit comment j’ai appris cela. Une autre, plus importante, s’efforce d’expliquer comment on peut mieux le faire. Le reste, et peut-être la meilleure partie, est une autorisation en bonne et due forme : vous le pouvez, vous le devez et, si vous êtes assez courageux pour vous lancer, vous y arriverez. Écrire est magique, écrire est l’eau de la vie au même titre que n’importe quel art. L’eau est gratuite. Alors buvez. Buvez, buvez à satiété.

Chaque seconde d’existence est potentiellement source d’inspiration, à condition de savoir écouter les histoires qui sommeillent en nous.

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Published in: on septembre 22, 2017 at 9:34  Comments (7)  

Pourquoi un roman est-il passionnant ?

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Après « comment être publié ? », je pense que c’est la question qui obsède une majorité d’auteurs. Quelle est la recette miracle pour rendre un roman passionnant ? Répondre serait très prétentieux, car il faudrait déjà avoir écrit le roman « idéal »… or ce roman parfait n’existe pas. Des amis férus de SFFF* m’ont avoué détester le Seigneur des AnneauxDune ou Lestat le vampiredes classiques. Ne faudrait-il pas plutôt se demander pourquoi une histoire est ennuyeuse ? La réponse parait déjà plus simple, car il est facile de comparer un bouquin pénible avec un livre « prenant ». On a tous en tête le souvenir d’un page turner, un ouvrage impossible à lâcher qu’on a fini en deux jours. C’est ce qui m’est arrivé ces dernières années avec SiloSeul sur Marsla Voie de la colère ou Le septième Guerrier-Mage. Bien qu’il n’y ait pas de recette miracle (sinon je serais en train de taper cet article depuis une somptueuse villa avec piscine bâtie sur une île déserte grecque, en toute simplicité), je reste persuadé qu’il existe des principes. L’homme qui m’a convaincu est Yves Lavandier.

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Ancien élève du réalisateur Milos «Amadeus» Forman, Yves Lavandier est non seulement un scénariste/script doctor/réalisateur de talent, mais aussi l’auteur d’un ouvrage de génie, La Dramaturgie, vendu à 30.000 exemplaires et traduit en plusieurs langues. La raison du succès de ce traité pourtant très spécialisé réside dans le fait qu’il analyse avec pertinence certains mécanismes universels propres au récit, que ce soit au cinéma ou dans la littérature. J’ai eu la chance de rencontrer Yves Lavandier à l’occasion d’une conférence-débat, c’était d’autant plus intéressant que j’avais déjà dévoré tous ses livres. L’un des thèmes abordés était le conflit. Pour ceux qui n’ont pas lu la Dramaturgie, le conflit c’est « toute circonstance difficile de la vie qui engendre nécessairement frustration et, souvent, de l’anxiété ». Pour Yves Lavandier, c’est une notion fondamentale : écrire une bonne histoire nécessite de la tension.

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Il définit deux types de conflit. Le premier, c’est le conflit dit « externe ». C’est le modèle le plus basique, qu’on retrouve dans bon nombre de livres ou de films : le personnage a un antagoniste clairement défini, par exemple un policier qui le traque. Dans ma trilogie, mes héros sont des hors-la-loi. L’antagoniste qui tente de les capturer est un amiral mort-vivant victime d’une malédiction, il ne trouvera le repos éternel que lorsqu’il aura pendu le dernier des pirates. Selon Yves Lavandier, quand votre histoire commence avec des fugitifs inconnus du lecteur/spectateur, peu importe qu’ils soient innocents ou coupables, bons ou mauvais, on a tendance à automatiquement s’identifier à eux grâce au mécanisme du conflit. Dans mon premier bouquin, j’avoue ne pas avoir lésiné sur le conflit externe, car ce tome 1 était un hommage aux romans de cape et d’épée, mais aussi aux jeux de rôle de type Donjons et Dragons des années 80 et même aux jeux vidéos old school façon Final Fantasy VII. D’ailleurs, lors des corrections éditoriales je me suis battu pour garder ce clin d’œil :

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Le conflit interne est plus intéressant. Dans le célèbre roman Fight Club de Chuck Palahniuk, le héros se bat pour ne pas devenir fou. Ici son antagoniste est… lui-même. Au début de mon tome 1, le jeune héros a le vertige, ce qui est problématique pour un marin qui doit grimper dans les voiles d’un navire ! Tôt ou tard, il devra affronter sa peur. Il lutte également contre un sentiment de vengeance qui le dévore, sa mère ayant été assassinée. De manière générale, la vengeance est une excellente source de conflit. Qui n’a jamais voulu se venger au moins une fois dans sa vie ? C’est un sentiment tellement universel que le lecteur s’identifie facilement au protagoniste principal, il souhaite qu’il parvienne à se faire justice, comme dans le chef d’oeuvre Sleepers, inspiré d’une histoire vraie. On ne compte plus les romans qui ont utilisé ce moteur : le comte de Monte-CristoCarrie, Moby Dick… Le théâtre n’est pas en reste avec l’incontournable Hamlet, sans parler du cinéma : Old Boy, Unglorious Basterds, Django Unchained

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Pour Yves Lavandier, l’ennui ressenti par le lecteur vient principalement d’un manque de conflit dans le texte, par exemple une histoire d’amour heureuse dans laquelle il ne se passe rien. Or la vie elle-même est une éternelle source de conflit ! On le constate très bien dans le Kundun de Martin Scorsese, un film qui raconte l’histoire du dalaï-lama. Comment répondre à la violence quand toute votre philosophie repose sur… la non-violence ? Kundun n’est pas du tout une œuvre d’action ou un thriller, et pourtant ce long-métrage contemplatif est passionnant, riche en conflit.

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Même si en tant qu’auteur, on peut éprouver le désir d’écrire une histoire idyllique dans laquelle tout est rose, le lecteur s’identifie plus volontiers à un personnage qui traverse des épreuves, et c’est normal.

Voilà pourquoi des forum d’écriture tels que Cocyclics sont précieux. Si vous soumettez un extrait de votre texte à plusieurs inconnus qui ne se connaissent pas, et que ces lecteurs « décrochent » de votre histoire au bout de X pages, c’est qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Bien sûr, en tant qu’auteur, au début il est très dur d’encaisser des remarques, on peut même être dans le déni. C’est ce que j’appelle la résistance, et cela fera d’ailleurs l’objet d’un futur article. Si cela peut vous consoler, dans nos textes, il y a eu, il y a et il y aura forcément des passages ennuyeux à retravailler. Au lieu de se braquer, il faut à mon sens prendre ces obstacles comme des défis, se demander comment on va pouvoir davantage intéresser le lecteur. Quand je travaillais sur mon premier roman, comme bon nombre de jeunes auteurs j’avais la hantise que mon lecteur décroche. C’est pour cette raison que mon tome 1 est extrêmement orienté « aventure », avec beaucoup de conflit externe… et probablement trop de péripéties. Au fil des romans, j’ai de plus en plus privilégié le conflit interne et c’est, je pense, ce qui explique pourquoi le tome 2 de ma trilogie est souvent le volet préféré de mes lecteurs. D’une certaine manière, les Feux de mortifice est moins une aventure épique que l’histoire d’un deuil.

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En dehors du manque de conflit, l’autre source d’ennui, c’est généralement la passivité du héros. Un protagoniste principal digne de ce nom doit avoir la volonté d’agir sur l’intrigue, sinon le lecteur risque de se heurter à un mur. Un peu comme dans la vie, quand votre frère qui habite en Nouvelle-Zélande vous téléphone tous les jours  : à chaque fois que vous l’avez au bout du fil, il se plaint de résider dans un quartier bruyant car le tapage nocturne l’empêche de dormir. Si vous êtes un minimum bienveillant, vous compatirez… mais au bout de la énième plainte, vous lui conseillerez d’en parler avec ses voisins, d’appeler la police, d’ajouter du double vitrage ou même carrément de déménager. Si votre frère n’écoute jamais le moindre conseil et continue à se lamenter quotidiennement au téléphone, même avec la meilleure volonté du monde, vous aurez du mal à ne pas ressentir de la lassitude devant tant de passivité. Jusqu’au jour où, de mauvaise humeur, vous éclaterez : « au lieu de te plaindre agis, bordel ! »

Cette explosion de colère provient d’une grande frustration. C’est exactement ce qui se passe quand on regarde un film d’horreur médiocre, lorsqu’un personnage prend la mauvaise décision et se précipite vers une mort certaine.

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Pour un lecteur, c’est encore plus pénible, surtout quand son roman fait mille pages… Il a besoin de s’identifier au héros, ce qui implique que le protagoniste principal doit avoir un minimum d’impact sur l’histoire. Si toutes ses actions ne servent à rien, le lecteur se demandera pourquoi l’auteur se focalise sur ce point de vue, au lieu d’un autre. Pour vérifier si votre texte n’est pas victime de ce syndrome, il suffit de se poser une question simple : « à quoi sert mon héros ? » Si la réponse est « à rien », vous avez un problème, car cela signifie que votre intrigue aurait très bien pu se dérouler sans lui.

Puisqu’on parle de protagoniste passif, on arrive à un aspect important d’une histoire : l’enjeu. Quel est le but de votre personnage ? Au début de mon tome 1, mon orphelin en cavale recherche son père, mais l’enjeu peut être plus basique, et se résumer à « survivre »… Il peut également être subtil comme par exemple «retrouver sa dignité». Dans le magnifique premier volet de Rocky, le personnage principal est un jeune boxeur au cœur tendre un peu looser, un inconnu qui se prépare à livrer le combat de sa vie contre une superstar du ring qui a besoin de se relancer grâce un match facile. Personne n’envisage une seule seconde que Rocky puisse gagner un affrontement si inégal, ce qui amène énormément de tension et d’émotion. Rapidement, on comprend que l’enjeu du film dépasse largement une simple victoire sportive, jusqu’à la séquence finale qui a bouleversé une génération de cinéphiles.

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Pour connaître l’enjeu de votre propre histoire, il suffit de se demander : « qu’est-ce que mon protagoniste a à gagner ou à perdre ? » Il faut d’ailleurs se poser la même question pour un personnage au moins aussi important que votre héros : son antagoniste. On a coutume de dire « il n’y a pas de bonne histoire sans bon méchant« , et là encore tout ce qu’on a dit précédemment s’applique naturellement à votre bad guy. Le lecteur peut s’ennuyer à cause d’un méchant ridicule/stupide/sans envergure. Malheureusement, dans certains récits ces défauts se cumulent… ce qui signifie que l’intrigue n’a aucun enjeu : on sait pertinemment que le héros va s’en sortir tant l’ennemi n’est pas à la hauteur, on aurait presque envie que l’antagoniste gagne, comme le pauvre coyote du cartoon Looney Tunes.

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Les scénaristes de la saga Alien vs Predator ont été confrontés au problème inverse. Sur le papier, faire rencontrer deux monstres sacrés de la Science-Fiction des années 80 était une idée alléchante, mais pourtant les scénaristes n’ont jamais réussi à trouver le bon équilibre. D’une part, les antagonistes sont beaucoup trop puissants pour que des êtres humains puissent espérer s’en sortir vivants ! D’autre part, on regarde surtout ces films pour retrouver des extra-terrestres qu’on adore, l’enjeu en lui-même n’existe pas puisque les personnages humains sont voués à se faire massacrer, il n’y a pas d’identification possible… Moralité : un antagoniste trop efficace devient vite ennuyeux !

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Or ce ne devrait jamais être le cas. L’acteur Christopher Lee pensait que Dracula, le comte Dooku ou Saroumane étaient des « héros maléfiques« , avec leurs propres faiblesses. Comme un héros, un antagoniste peut être charismatique, fascinant, attachant… ce qui le rendra d’autant plus passionnant, y compris au moment de commettre de « mauvaises actions »… qui ne sont peut-être pas si mauvaises que ça de son point de vue. Dans ma trilogie, mon amiral pend des pirates pour de bonnes raisons. Ce n’est pas un être qui fait le mal pour le mal, il est persuadé que sa cause est juste. Pour moi un méchant réussi, c’est un personnage qu’on adore détester. Point important, l’antagoniste peut aussi être plus abstrait, comme par exemple la nature dans le film Everest, avec des alpinistes luttant pour survivre dans un milieu hostile. Dans la magnifique nouvelle de Stephen King, The Shawshank Redemption, qui a inspiré l’une des plus belles réussites de l’histoire du cinéma, les Évadés, on peut considérer que l’antagoniste n’est rien d’autre que la prison, voire même la société.

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Je ne peux malheureusement pas développer davantage, car on pourrait passer une vie entière à parler de passion et d’ennui dans un roman sans en avoir fait le tour. Toutefois, si vous voulez en savoir plus sur la notion de conflit, je vous recommande chaudement la Dramaturgie d’Yves Lavandier. Attention, des petits malins s’amusent à vendre de vieilles éditions sur Amazon à des tarifs astronomiques, je vous conseille donc de passer par le site de l’auteur, « le clown et l’enfant » : c’est beaucoup moins cher, et en plus vous aurez la toute dernière édition !

* Science-Fiction Fantasy Fantastique

Published in: on avril 19, 2017 at 7:39  Comments (28)  
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Show don’t tell or should I go (2/2)

Vendredi dernier, on parlait de show don’t tell et plus précisément d’immersion. L’immersion est vitale car c’est l’une des clefs pour accrocher le lecteur. Même si c’est difficile, il faut éviter les mises à distance avec le protagoniste principal, par exemple les verbes tels que « ressentir, voir, entendre, réaliser, comprendre… ».

À mon sens, un auteur ne devrait pas écrire du tell en point de vue externe du style :

Le champ de bataille était effrayant. Gore le barbare entendait les flèches siffler autour de lui. Le guerrier s’adressa à ses compagnons et leur ordonna de fuir. 

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« Le champ de bataille était effrayant »

Dans cet exemple, on suit le destin du personnage de manière détachée : Gore entend des flèches « siffler autour de lui », mais on n’a pas l’impression d’être de son point de vue. Je pense qu’on devrait plutôt opter pour :

Les cris des mourants avaient de quoi rendre fou, sans parler de cette foutue odeur de cadavre. Gore se retourna vers ses compagnons recouverts de boue. Les flèches sifflaient de tous les côtés.
– Foutez le camp !

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« Le champ de bataille était effrayant »

Dans la seconde proposition, écrite en point de vue interne, on ne précise pas que Gore « entend », « s’adresse » ou « ordonne », les odeurs, les pensées, les émotions et les sons s’imposent d’eux-même. Son injonction (« il leur ordonna de fuir ») se transforme en une ligne de dialogue (« foutez le camp ! »). Une remarque grossière, mais crédible dans la bouche d’un barbare. Puisqu’on parle de dialogue, il faut éviter autant que faire se peut ce que j’appelle la dialoguite. Voici un exemple écrit avec les pieds :

Gore le barbare se retourna vers ses compagnons.
– Les gars, je vous résume le plan : on franchit cette porte, on trouve Flamor le dragon. Et là, on le bute.
– Flamor ? répéta le nain végétarien. Tu parles de la créature qui a brûlé en une nuit le village de Bois-Lointain à l’époque de la Seconde Guerre des Cœurs Sombres ?
– Heureusement que le mage Artefax nous a donné les épées divines tueuses de dragon, s’exclama l’elfe culturiste.
– J’espère qu’elles fonctionneront, bougonna le nain. Je n’ose imaginer ce qu’il adviendrait du royaume si nous venions à échouer…

Mon exemple écrit avec les pieds souffre de dialoguite aiguë. De manière générale, les échanges manquent de naturel. La question sur Flamor le dragon posée par le nain est aussi lourde qu’inutile : il y a de fortes chances que le lecteur se fiche éperdument et du village, et de cette guerre lointaine. Et puis ce n’est pas logique : à ce stade du récit, comment le nain peut-il ignorer que son groupe est sur le point d’affronter un dragon ? Visiblement, ils sont venus pour ça. La réflexion de l’elfe est un gros clin d’oeil appuyé au lecteur pour rappeler que les personnages sont bien équipés et éviter un deus ex machina, mais du coup c’est tout aussi lourdingue. Et bien sûr, la tirade finale du nain censée amener de la tension prépare insidieusement le lecteur à l’idée que le dragon va s’échapper et menacer tout le royaume… Je ne parle même pas des incises :

répéta le nain
s’exclama l’elfe
bougonna le nain

Il y en a trop. Si on décide d’en mettre dans un texte, il faut éviter d’en placer plus de deux d’affilée. Après deux répliques, on peut alterner avec l’état d’esprit du protagoniste principal, ou bien décrire l’environnement, afin d’éviter un symptôme caractéristique de la dialoguite : le syndrome du décor vide. Les personnages sont tellement pris dans une discussion que l’auteur oublie de décrire le contexte autour d’eux, ce qui donne à la séquence une facture pièce de théâtre qui manque cruellement de vie. Quand des individus conversent, la terre ne s’arrête pas de tourner pour autant ! Au fond, l’univers est un personnage comme un autre, on en a un bel exemple avec le magnifique film d’animation les cinq légendes.

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À un moment donné, Jack Frost, la Fée des dents, le lapin de Pâques, le père Noel et le marchand de sable discutent très sérieusement d’une stratégie pour sauver les rêves des enfants. À l’arrière plan, deux lutins susceptibles se disputent, avant de poursuivre leurs gags hors-champ, tandis que les personnages principaux continuent d’échanger des idées.

Par la suite, on ne voit plus les lutins à l’écran, mais on entend des bruits d’objet brisés à droite et à gauche de l’image, on imagine que cette dispute savoureuse prend des proportions épiques, on regrette même que l’écran ne soit pas plus grand ! C’est pour moi un moment merveilleux : arriver à faire croire au spectateur que l’univers qu’il découvre dépasse de loin ce qu’il voit. Si la magie opère au cinéma, alors que dire d’un roman SFFF* alimenté par l’imagination, l’essence même du show don’t tell ? Si un auteur n’arrive pas à entretenir l’illusion d’un univers vivant, et qu’il raconte une histoire plutôt qu’il ne la fait vivre, le contrat de confiance qu’il passe avec le lecteur est rompu.

J’ai peut-être l’air de mener un djihad contre le tell, mais malgré tous les efforts consentis, il y en aura toujours dans les livres, je pense notamment aux transitions du type « au bout d’une semaine de navigation, le voilier parvint à bon port ». Je suis d’accord sur le fait qu’on puisse insérer du tell à dose homéopathique, si besoin. Dans les pirates, je procède ainsi avec les extraits de l’Encyclopédie Royale, un livre imaginaire qu’on retrouve tout au long de la trilogie, en début de chapitre. Preuve en est avec les premières lignes de mon chapitre 7 :

Navire de ligne : les vaisseaux de la Marine royale se classent en fonction de leurs ponts et de leurs canons. Les navires de classe Squale ne comptent qu’un pont pour soixante-quatorze canons. Les classes Orca possèdent deux ponts pour quatre-vingts canons. Le Solennel, unique représentant de la classe Colossus, dispose de trois ponts de cent dix-huit canons et d’assez de puissance de feu pour envoyer par le fond n’importe quel navire.

Extrait de l’Encyclopédie Royale

Ici c’est un tell assumé (l’article encyclopédique est censé exister pour de bon), mais ce tell est court, il amène de la richesse à l’univers… et on ne le retrouve pas en plein milieu d’une bataille. Bien sûr, je suis loin d’être le seul à insérer du background au début d’un chapitre, Franck Herbert, Robin Hobb et Bernard Werber ne m’ont pas attendu pour procéder ainsi**.

En résumé, le show don’t tell est un continent si vaste qu’il faudrait plusieurs vies pour l’explorer. Pour des scènes dans lesquelles il y a de l’action, du suspens, ou de l’émotion, je pense que le tell est à proscrire, mais ce n’est que mon avis. D’autres auteurs auront une opinion différente, y compris sur Cocyclics : si vous écrivez de la SFFF*, je vous recommande d’aller faire un tour sur ce forum d’écriture qui a changé ma vie.

En guise de conclusion, puisqu’on parlait de Franck Herbert, je vous laisse avec un prologue extrêmement tell… mais que j’adore, celui du Dune de David Lynch.

 

* Science-Fiction Fantasy Fantastique

** Loin de moi l’idée de me comparer à ces illustres auteurs, hein !

Published in: on mars 10, 2017 at 10:25  Comments (21)  

Show don’t tell or should I go (1/2)

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Ces dernières semaines je me suis fait un peu plus rare sur le blog, mais c’était pour la bonne cause : j’ai avancé sur le tome 1 de ma nouvelle trilogie et dépassé le cap des 50.000 signes, ce qui correspond, en nombre de pages, à une grosse nouvelle. Cela peut paraître peu, alors qu’au début de l’année dernière je pouvais écrire 500.000 signes en quelques mois. Aujourd’hui, le processus est plus long, car je donne des biberons pense être plus exigeant sur un aspect fondamental du texte : le show don’t tell, un anglicisme qu’on pourrait traduire par « ne le dis pas, montre-le ! ».

Le show don’t tell est essentiel, il évite qu’un récit ne soit trop statique, trop « raconté » (tell). J’ai découvert cette technique en 2011 sur mon forum d’écriture, Cocyclics, et depuis ce jour béni, ce procédé m’a permis d’amener plus de vie dans mes histoires. Parfois je rêve d’emprunter une machine à remonter le temps pour dire à mon moi du passé « arrête d’écrire comme ça ! ».

Pour vous prouver les bienfaits du show don’t tell,  voici le début de mon premier roman…  dans sa version pourrie 2010, répétitions incluses. Soyez indulgents sans pitié ! Écrire, c’est aussi savoir encaisser les critiques, l’ego doit être mis de côté. Alors essayons de bêta-lire tout ça sans rigoler sommairement (soupir) :

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L’orage tropical s’en alla de Port Guilache, petite ville aux vieilles maisons en bois. La cité portuaire avait été bâtie à même la falaise. L’Homme avait dû creuser dans la roche pour élaborer un véritable labyrinthe de ruelles étroites et escarpées. Ce dédale urbain contrastait avec ses grands quais spacieux qui accueillaient de nombreux bateaux. Comme la tempête n’était plus qu’un mauvais souvenir, le gouverneur ordonna de faire coulisser la gigantesque muraille protégeant la rade. Aussitôt, une centaine d’esclaves enchaînés à une grande roue se mirent en branle sous les coups de fouet. Au bout de quelques instants, un antique mécanisme anima lentement la colossale enceinte.
Alors que les mouettes chantaient le retour du beau temps, on entendait en ville une autre musique, moins agréable. Dans l’unique maison de passe des environs, les mousquetaires du roi, ivres morts, chantaient des chansons paillardes sans que personne y trouvâ à redire.
Le roi Mange-Sang, monarque de Saviola, gouvernait d’une main de fer les Mers Turquoises comme ses ancêtres auparavant, aussi avait-on tout intérêt à ne pas contrarier ses soudards.
Hormis les soldats qui beuglaient depuis les chambres des filles de joie, la clientèle était pour le moins réduite.
Au rez-de-chaussée du bordel, vers le fond de la salle, un vieux borgne était vautré sur une table. Non loin de lui, une prostituée balayait. Derrière le comptoir, un homme chauve à la grosse bedaine astiquait le bois du bar. Une vilaine cicatrice à la gorge lui donnait un air patibulaire. À côté, deux vieillards édentés se trouvaient assis autour d’une table. Ils venaient de finir une partie de Royauté, le jeu le plus populaire de la région. À cette époque de la saison, jouer aux cartes permettait d’oublier la chaleur tropicale et l’inévitable transpiration qui collait à la peau… Au moment où le vainqueur ramassait ses gains, un mousquetaire éméché quitta l’une des chambres du premier étage. L’ivrogne descendait l’escalier tout en se grattant l’entrejambe.

—Eh bien, murmura l’un des joueurs, il y a toujours plus de soldats…
—Je ne te le fais pas dire, chuchota son compère, en s’essuyant la morve du nez. Des fois, j’me dis que j’aurais mieux fait de crever dans ma jeunesse comme un vrai pirate, plutôt que de voir les hommes du roi agir en toute impunité !
—Ça c’est bien vrai, p’t’être qu’à cause de nous il y avait plus de massacres et de batailles, mais au moins il y avait pas cette dictature et le monde était plus sauvage, affirma l’ancien en toussant. Et puis en cas de guerre on était l’ultime rempart contre l’Empire Pourpre d’Orient, même si au fond personne ne croyait qu’il existait… Le Monde change, que veux-tu…
Un courant d’air vint interrompre le vieil homme. La porte d’entrée s’était ouverte brutalement. La fumée ambiante laissait à présent deviner deux silhouettes imposantes. L’un des nouveaux venus était un grand brun aux yeux noirs portant une boucle d’oreille. La forte carrure devait avoir la cinquantaine, mais son physique massif ne pouvait dissimuler un ventre rebondi, séquelle de longues années de beuveries. Une cape jaune fixée sur ses épaules cachait si bien son bras gauche qu’on se demandait si le bougre en possédait encore un. Sur son épaule droite on remarquait une petite grenouille verte portant un collier relié à une lanière de cuir. L’homme s’efforçait de sourire, mais son visage n’exprimait qu’une sorte de rictus désespéré. Un improbable costume pourpre dépareillé fixé avec des bretelles achevait de donner au personnage un air solennel grotesque. L’autre individu était de race K’zarssse. Il s’agissait d’un homme-iguane d’environ deux mètres de haut, vêtu d’une simple ficelle qui laissait apparaître un corps verdâtre impressionnant. Ses yeux rouges, dénués d’émotions, scrutaient la salle. Les muscles saillants recouverts d’écailles arboraient de nombreuses cicatrices, ainsi que des tatouages tribaux. Un long appendice caudal, toujours en mouvement, menaçait de frapper à tout moment un éventuel adversaire. La gueule laissait apparaître des crocs longs comme des couteaux. Une crête multicolore hérissée sur le crâne s’étendait tout le long du dos, à la manière d’autres reptiles. L’homme-lézard portait une besace en cuir et ne semblait pas détenir d’armes. Ses cent vingt kilos de muscles exempts de graisse y  étaient sûrement pour quelque chose… Certains clients du bordel regardèrent ce nouveau venu avec hostilité, car comme la plupart de ces reptiles étaient réduits en esclavage, les humains éprouvaient un mélange de crainte et de haine envers ceux qui avaient eu la chance de s’affranchir… ou de fuir.

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Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?

Comment dire… Comme vous pouvez le constater, c’est mal écrit. Fort heureusement, mon éditeur n’a jamais lu ce chapitre 1 qui m’aurait grillé direct, c’est une certitude. On dit qu’il n’est jamais simple d’accrocher le lecteur dès les premières lignes, et je dois bien avouer que ce damné chapitre m’a enquiquiné pendant longtemps. Ce passage, c’est tout ce qu’il ne faut pas faire sur un bouquin. Premier problème : le point de vue omniscient. Je commence le roman en décrivant la ville, qui plus est en m’adressant aux lecteurs ! On est pas du tout du point de vue d’un personnage, c’est très détaché, on n’est pas impliqué émotionnellement… difficile de rentrer dans l’histoire. La narration est vraiment à revoir. À un moment donné je précise que :

Hormis les soldats qui beuglaient depuis les chambres des filles de joie, la clientèle était pour le moins réduite.

C’est ce que j’appelle le syndrome du démineur, le fait d’expliquer ce qui va se produire. Du coup, on gâche la surprise. De plus, au lieu de raconter qu’on entend des chansons, il vaut mieux que le lecteur découvre tout seul les paroles, c’est d’ailleurs ce qui fait tout le charme d’un livre tel que la Communauté de l’Anneau. Dans le même ordre d’idée :

les humains éprouvaient un mélange de crainte et de haine envers ceux qui avaient eu la chance de s’affranchir.

Expliquer que X « ressent de la crainte » revient à dire aux lecteurs « bon, ben là vous êtes censé avoir peur également, hein, je compte sur vous les gars ! ». Ça ne marche pas, et pour cause : au mieux on est désolé qu’il existe dans cet univers des tensions raciales, mais l’empathie s’arrête là. C’est normal, si l’auteur affirme qu’un individu éprouve une émotion aussi forte que la haine, je lui réponds systématiquement « c’est toi qui le dis, prouve-le ! ». Je ne le crois pas sur parole, j’ai besoin de sentir la peur émaner d’un personnage poursuivi par une créature, de me retrouver à sa place, au point d’avoir la trouille de tourner la page.

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Le second problème avec ce vieil extrait pourri des pirates, c’est la description affreusement statique des personnages, ce que j’appelle le syndrome du comptable.

Il s’agissait d’un homme-iguane d’environ deux mètres de haut.

Et pourquoi pas deux mètres dix ? Deux mètres cinquante ? Ou un mètre quatre-vingt-dix-neuf, tiens ? À ce stade du récit, le lecteur n’en a rien à secouer ! Il veut juste ressentir la tension de la scène. Le noyer sous des informations inutiles, c’est le meilleur moyen de le faire décrocher.

Ma version 2015 est différente. Non seulement l’histoire commence avec un nouveau chapitre un, mais en plus j’utilise le point de vue interne de mon héros, Caboche, qu’on découvre lors d’une scène dramatique.

 — Caboche ! Tu ne pourras pas te cacher longtemps, sale petit voleur !
Recroquevillé dans sa cape noire, l’adolescent observait deux hommes de la milice urbaine patrouiller dans la rue boueuse. Une pluie de pollens blanchâtres s’abattait sur ses longs cheveux blonds, mais il demeurait immobile, accroupi derrière la roue d’un chariot.
— Caboche ! Si tu ne veux pas crever comme ta traînée de mère, tu as intérêt à revenir à l’orphelinat, crois-moi !
Les yeux embués par des larmes de rage, le fugitif serra très fort la garde de sa pistorapière. Il sortit avec lenteur la lame de sa cape, enclencha le chien, avant de pointer l’arme vers le milicien cagoulé. Il revoyait sa mère étendue sur le sol, morte pour un crime qu’elle n’avait pas commis. Son doigt tremblait sur la détente. Il suffisait d’exercer une simple pression et son honneur serait lavé.
— Aucune trace de lui, grommela un milicien. Allons-nous-en.
Lorsque le dernier homme disparut de sa vue, l’orphelin dissimula sous sa cape l’arme qu’il avait volée. Les jambes flageolantes, il se redressa pour s’appuyer sur le mur d’une vieille bâtisse et respira à nouveau. Le monde tournait autour de lui. Il ferma un instant les yeux, pris de nausées. Son cœur martelait sa poitrine. Alors que ses poursuivants s’éloignaient dans la rue crasseuse de Port Guilache, Caboche se demandait pourquoi il n’avait pas tiré. Avait-il agi par ruse, ou bien par lâcheté ? Cela ne servait à rien de se torturer de la sorte. Il n’avait qu’une balle, et même s’il avait réussi à tuer cette ordure, il aurait fini pendu au bout d’une corde.
D’un revers de la main, il essuya ses larmes. Il repensa aux ultimes paroles de sa mère, quatre mots qui l’avaient fait tenir durant toutes ces années d’orphelinat militaire, jusqu’à son évasion la semaine précédente.
« Ton père est vivant. »
(…)

Comme vous pouvez le constater, il n’est plus question de décrire la ville de façon omnisciente genre :

Alors que les mouettes chantaient le retour du beau temps, on entendait en ville une autre musique, moins agréable. 

L’univers reste pourtant extrêmement important, mais c’est désormais un personnage discret, placé en toile de fond, qu’on va découvrir progressivement. L’accent est mis sur le héros et l’émotion grâce au point de vue interne. Dans une histoire, le lecteur doit, bien sûr, s’identifier avec le protagoniste principal , mais aussi comprendre le plus rapidement possible quel est l’enjeu. Ici, on sait dès les premières lignes que mon orphelin en cavale doit retrouver la trace de son père, ce qui génère de la tension. Du coup,  j’ai été contraint de recycler la scène pourrie du bar et la décaler dans le chapitre 2. Dans ce dernier petit extrait, Caboche discute avec un vieil aveugle appelé Mauvaise Pioche.

(…)
— Caboche ! appela Mauvaise Pioche. Dis-moi ce qui se passe ?
L’orphelin balaya de la main un nuage de fumée. Il fronça les sourcils. Ces gens bizarres… il les connaissait.
— Je ne sais pas d’où ils viennent, mais ils ne sont sûrement pas d’ici. Il y a un gros brun barbu, dans les cinquante ans, avec un costume bleu marine de capitaine. Il cache si bien son bras gauche dans sa cape noire que c’est à se demander s’il en possède encore un. Il y a une… une… une petite grenouille verte perchée sur son épaule ! Elle a même un collier relié à une lanière en cuir.
— Et l’autre ?
— C’est un Kazarsse, chuchota l’adolescent tandis que les deux individus approchaient du bar.
— Quoi ? Un homme-iguane ? Qu’est-ce que tu racontes, les bars sont interdits aux esclaves.
— Il n’a pas de chaînes aux pieds, il est libre.
— Impossible !
Alors que Mauvaise Pioche poussait un juron, Caboche n’arrivait pas à détacher son regard du reptile. Il n’avait jamais vu un colosse pareil. La créature, qui n’avait pas une once de graisse, arborait une quantité impressionnante de cicatrices et de tatouages sur ses écailles. Comment avait-il pu échapper à l’esclavage ? Le Kazarsse portait en bandoulière sur son épaule une besace recouverte de poils. L’espace d’un instant, il réajusta la poche en cuir qui se balançait contre sa hanche. Caboche réalisa que la poche en question était en réalité un instrument de musique à clavier surmonté d’une bulle de verre remplie d’eau. Les yeux de l’adolescent s’illuminèrent. Un hydrodéon ! C’était la première fois qu’il en voyait un. Comment un gitan des mers pouvait-il jouer d’un tel instrument ? Et à qui l’avait-il volé ? Les marins d’une table voisine éclatèrent de rire, et l’un d’entre eux, un bagarreur édenté du nom de Relatif, prit la parole :
— Hé le musicien ! Avec mes amis on se demandait si tu savais danser la gigue ! Allez, danse pour nous !
L’homme s’apprêtait à se lever de son siège lorsque la queue du reptile claqua dans les airs tel un fouet. Le Kazarsse bardé de muscles regardait fixement le marin. Sa crête menaçante, hérissée sur son crâne, était de toutes les couleurs et s’étendait le long du dos.
— Un mâle adulte, murmura Caboche.
Relatif retourna s’asseoir, tout penaud. Ses compagnons se concentraient désormais sur leur partie de Royauté, comme si l’avenir du royaume en dépendait.
— C’est un esclave en fuite ? s’inquiéta Mauvaise Pioche.
— Je ne crois pas.
— Avec tes foutues réponses me voilà bien avancé ! (…)

Même si cette version 2015 est loin d’être parfaite, les descriptions sont moins statiques car elles viennent à la fois d’un dialogue, et du point de vue de l’orphelin.

Bien sûr, si je réécrivais toute cette séquence aujourd’hui, elle serait probablement meilleure, un texte est toujours perfectible. Un roman est comparable à un sondage politique, il n’est qu’une photographie de votre façon d’écrire à un instant T, rien de plus. Tant qu’il n’est pas publié, on peut toujours aller plus loin dans l’immersion, c’est même un impératif absolu si l’on veut accrocher le lecteur et, à plus forte raison, l’éditeur. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe plein de techniques simples pour corriger le tir. Je reviendrai là-dessus la semaine prochaine.

Published in: on mars 3, 2017 at 10:05  Comments (35)  

Mono no aware

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Ken Liu

 

Suivant le conseil avisé d’un ami, j’ai lu il y a peu Mono no aware, une nouvelle poignante du célèbre auteur de Science-Fiction Ken Liu. Elle figure dans le recueil la ménagerie de papier et je vous la recommande chaudement.

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Mono no aware fait référence à un concept japonais difficilement traduisible. Je ne suis pas linguiste, mais pour ma part je vous propose « ah, que tout est éphémère ! ».

Dans la nouvelle de Ken Liu, le père du héros, un scientifique humaniste, tente de l’expliquer à son fils.

Rien ne dit
Dans le chant de la cigale
Qu’elle est près de sa fin
(…)
J’ai acquiescé. L’image semblait fugitive et permanente, comme mon ressenti du temps quand j’étais tout petit. Elle me rendait triste et heureux à la fois.
« Tout passe, Hiroto. Tu éprouves au fond de ton cœur ce qu’on appelle mono no aware, la sensibilité de l’éphémère. Le soleil, le pissenlit, la cigale, le Marteau, nous tous, sujets aux équations de James Clerk Maxwell, sommes des motifs transitoires destinés à disparaître, dans une seconde ou dans une éternité.  »


Je nourris souvent cette réflexion quand je relis avec un mélange de honte, d’hilarité et de tendresse certains vieux écrits de jeunesse, que je pensais à l’époque être publiables. Des textes condamnés à végéter dans les méandres de mon disque dur.

Lorsqu’on regarde de vieilles photos de proches disparus, le constat est, bien sûr, infiniment plus douloureux… du moins, pour nos esprits occidentaux matérialistes. Au Japon, l’expression mono no aware ne possède pas la force dramatique de notre antique formule latine memento mori (« souviens-toi que tu vas mourir »). Mono no aware est associée à une douce tristesse, « douce » parce que la paix vient avec l’acceptation de l’éphémère, au sens où l’impermanence du monde renvoie à la vacuité de nos propres existences, au lâcher-prise. Naturellement, cela s’applique aussi à l’écriture.

Quoi qu’on en dise, je pense qu’au fond de lui chaque auteur rêve d’écrire le roman parfait, sans parler de cette aspiration à l’immortalité. Le concept de mono no aware met à mal ce fantasme d’absolu, puisqu’il remet en question l’idée même de chef d’oeuvre et de perfection, la faute à un ennemi implacable : le temps. Le constat est sévère, mais J.R.R. Tolkien aurait aujourd’hui toutes les peines du monde à faire publier la Communauté de l’Anneau, dont l’intrigue met un temps fou à démarrer. Comme le dit si bien Tyler Durden dans Fight Club, « même la Joconde subit les outrages du temps ».

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Il est vrai que certains textes traversent les millénaires, mais honnêtement ils sont souvent davantage appréciés pour leur valeur historique ou religieuse, que littéraire. Ils ont été écrits pour un lectorat donné, dans un contexte bien particulier. J’aurais beau consacrer ma vie à l’étude de l’Épopée de Gilgamesh en VO, c’est-à-dire dans sa version akkadienne du XVIIIe siècle avant J.-C., je n’arriverai jamais à comprendre certaines subtilités propres à une culture antique disparue depuis longtemps. Il est même probable que je passe à côté de jeux de mots.

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L’Épopée de Gilgamesh, « le Déluge », en VO. Le plan galère.

Sans aller si loin, c’est un peu le même constat avec nombre de romans étrangers traduits en français.

L’écriture est un art, mais un art périssable car on écrit d’abord pour ses contemporains, dans un milieu donné, voué à changer. Ce qui signifie que pour l’auteur, le temps est l’alpha et l’oméga de l’écriture, celui qui donne et celui qui prend.

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Saturne dévorant l’un de ses enfants, Goya

Ce temps nous façonne, ne serait-ce que lorsqu’on écrit durant une ère troublée. Les auteurs et leurs livres ne sont que les reflets d’une époque, preuve en est avec les best-sellers descendus en flammes par la critique. Devant les chiffres de ventes faramineux de Marc Lévy, certains amis écrivains m’ont confié leur envie de se se passer la corde au cou. Ce n’est pas mon cas car je respecte Marc Lévy, sincèrement. Je n’ai pourtant jamais lu un seul de ses livres, et je ne l’ai même jamais rencontré, mais j’imagine qu’il possède au moins un mérite, celui d’avoir trouvé une recette propre à notre époque, bien qu’un jour ou l’autre elle sera passée de mode. C’est loin d’être improbable : certains écrivains populaires des siècles précédents ont sombré dans l’oubli, tandis que des poètes maudits morts dans la misère sont parvenus à la reconnaissance, ce qui ne manque pas de relativiser les succès et des uns, et des autres.

Loin d’être décourageant, ce constat est très utile pour qui veut dédramatiser l’acte d’écrire. Je ne sais pas vous, mais on a tous en tête un romancier qui nous inspire un profond respect. À mes yeux c’est Jean-Philippe Jaworski, pour moi la plus belle plume de la fantasy francophone, qui a connu un grand succès avec des livres vendus à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Un exemple qui aurait fait rêver bien des auteurs classiques de la littérature blanche du XIXe siècle !

Ainsi pour ses premiers pas dans le monde de l’édition, le jeune Victor Hugo commence à travailler avec un petit éditeur, Persan, chez qui il publie Odes et Han d’Islande… non sans rencontrer des difficultés. Le futur auteur des Misérables souhaite faire une seconde édition de son roman mais Persan proteste publiquement dans un article de presse (!), affirmant qu’il reste encore 500 exemplaires invendus du premier tirage et qu’il n’a vendu que 200 exemplaires des Odes… au beau milieu d’une faillite. La classe !

L’exemple le plus émouvant est probablement celui de John Kennedy Toole. Persuadé de n’avoir aucun talent, l’auteur américain se suicide, laissant derrière lui un livre non publié, la Conjuration des imbéciles. Sa mère remuera ciel et terre pour lui trouver un éditeur, avec succès. Le roman sera un best-seller et John Kennedy Toole recevra à titre posthume le prix Pulitzer…

Dans l’absolu, quelle différence entre un l’un des auteurs de la Bible, mort depuis longtemps dans l’anonymat, et Christine Boutin, dont le livre a été vendu à 38 exemplaires sur cinq ans ? À l’échelle de l’Histoire, aucune.

Au final, le temps investi et le temps subi conditionnent l’écriture, et c’est pour cette raison qu’à mon sens il faut écrire  dans l’instant présent, sereinement, prendre du plaisir et faire de son mieux, à l’image de l’émouvant astronaute de la nouvelle de Ken Liu. Le temps est, avec le chat bien sûr, un dieu que l’écrivain doit apprendre à vénérer et respecter.

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Heidi, ma correctrice impitoyable

Le crépuscule contient une infinie beauté
Malgré sa proximité avec la fin du jour.

Ken Liu, Mono no aware

Published in: on février 17, 2017 at 10:40  Comments (7)  
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La routine de l’écriture

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Le fantasme ultime : le retourneur de temps

Je me permets d’évoquer un sujet sensible pour bon nombre d’auteurs. Je pense que si on devait procéder à un sondage, la plupart des écrivains pointeraient en première position ce problème récurent. « Je manque de temps »… Combien de fois ai-je entendu cette phrase, quand je ne l’ai pas moi-même prononcée !

L’année dernière, j’ai été confronté à cet obstacle, à cause d’grâce à un heureux événement : la naissance de mon fils. Suite à ce chamboulement, j’ai effectué une pause de plusieurs mois pour profiter pleinement du bonheur de sa venue. Quand je me suis enfin remis à écrire un synopsis, j’ai rencontré une difficulté de taille : je n’arrivais pas à me concentrer sur mon traitement de texte en sachant que j’allais être immanquablement interrompu. Pire : l’après-midi, alors que mon bébé était chez sa grand-mère, j’étais tellement pressé d’avancer sur une myriade de tâches importantes que je me retrouvais paralysé, avec l’impression que la journée filait à toute vitesse et que je ne savais pas par quoi commencer. Au lieu de mettre à profit ces quelques heures de calme, je procrastinais.

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Fort heureusement, il existe une solution : la routine. Un beau jour, j’ai tout simplement décidé que j’écrirai quotidiennement pendant la sieste matinale de mon fils, peu importe la durée (après le biberon matinal, il dort un bon moment).  Je me suis dit à ce moment là « même si c’est juste pour dix minutes, l’essentiel c’est que tu progresses tous les jours. Arrête de t’imposer des plannings que tu ne tiendras pas, va à ton rythme. »

Avoir accompli ce lâcher-prise m’a enlevé beaucoup de pression, au point que j’arrive même à écrire… matin et après-midi (non, je ne suis pas compliqué). Ce qui est paradoxal, c’est que je suis plus productif que durant ma période de procrastination, alors que je n’ai pas gagné de temps supplémentaire ! À croire que plus je suis lent, plus je suis efficace… En fait, c’est juste mon cerveau qui est reprogrammé correctement. Du coup, je travaille à nouveau plusieurs heures par jour sur ma trilogie. Enfant oblige, je ne retrouverais jamais mon rythme de guerre, mais j’ai appris à l’accepter avec sérénité.

Et vous, frères et soeurs de plume, avez-vous vous une routine ou des techniques particulières pour dégager du temps d’écriture ?

Published in: on janvier 30, 2017 at 11:28  Comments (30)  

De l’art d’être kintsugi

J’ai appris qu’il existe un art japonais appelé kintsugi, qui consiste à réparer les poteries cassées avec de l’or.

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Comme tous les dao, c’est un art riche de sens. Au lieu d’essayer de cacher les cicatrices de l’objet, on les met en avant, pour montrer que non seulement elles font partie de son histoire, mais qu’en plus elles peuvent le rendre encore plus résistant et plus beau. Cette philosophie est au cœur de la culture populaire nippone, ne serait-ce qu’avec le personnage d’Auron dans le jeu vidéo Final Fantasy X. Auron est handicapé, il a été grièvement blessé par le passé  et pourtant, malgré son bras en écharpe, c’est un redoutable (et charismatique) guerrier.

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Le kintsugi est un non-attachement, un renoncement, l’acceptation du changement et du destin. Les vicissitudes du temps dont nous sommes les victimes ne peuvent pas être mieux représentées par les fêlures et les bosses d’une céramique. Cette empathie envers les choses est appelée mono no aware, une sensibilité pour l’éphémère. La conscience de l’impermanence.

Je pense qu’on devrait éprouver la même empathie pour son premier roman, appelé à vieillir avec le temps, et même à se briser comme une fragile céramique sous le regard critique de son auteur ! À mesure qu’on  évolue dans son écriture, il est parfois pénible de relire ses premiers écrits. Je me souviens d’une nuit blanche passée sur le Bon À Tirer de mon tome 1. Vérifier le BAT est toujours un moment stressant car c’est la dernière occasion de corriger son texte avant l’impression, dans un délais de temps assez réduit. J’avais bossé tellement de mois sur les corrections éditoriales que je ne pouvais plus voir mon bouquin en peinture. Pour être franc, cette nuit-là je me rappelle m’être dit à 5h00 du matin « ce livre est nul, personne ne l’aimera »… Pendant longtemps, j’ai eu du mal à ouvrir ce tome 1, de peur de trouver une coquille. Désormais, je porte un regard attendri sur les Terres Interdites. Ce regard bienveillant n’est pas lié à une majorité de bonnes critiques, j’ai conscience que ce premier ouvrage présente réellement des défauts de jeunesse. Mais je crois également qu’il possède une certaine fraicheur que je ne retrouverai jamais plus. Par la suite, j’ai beaucoup progressé sur les Feux de mortifice et les corsaires de l’Écosphère. Mes tomes 2 et 3, plus aboutis, sont de meilleurs romans, mais mon tome 1 reste complètement kintsugi.

C’est pour cette raison qu’un auteur non publié doit être conscient qu’un livre n’est jamais achevé, même quand un éditeur a un coup de cœur pour le texte d’un inconnu. Avec lui, on travaille du mieux possible sur les corrections éditoriales, mais au final il y a toujours une deadline qui nous oblige à nous arrêter. Ce n’est pas propre au monde de l’édition : pour la post-production des effets spéciaux d’un long-métrage, les artistes numériques œuvrent jusqu’au dernier jour, même constat pour le montage. Certains cinéastes ont coutume de dire « les films ne sortent pas, ils s’échappent ».

Cette vérité peut sembler bassement commerciale, mais c’est la logique éditoriale qui impose le lâcher-prise, et heureusement ! Sans cette contrainte, je serais encore en train d’écrire ma trilogie… Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il faut envoyer un premier jet aux éditeurs, mais après plusieurs années de travail de correction sur un texte il faut savoir s’en détacher, se confronter à la réalité et aller de l’avant. Un premier roman est presque toujours une céramique imparfaite, morcelée, mais l’or qui va permettre de le mettre en valeur, c’est tout simplement l’enthousiasme des lecteurs.

N’ayons pas peur d’être kintsugi !

Published in: on janvier 27, 2017 at 10:39  Comments (15)  
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Pfff, par quoi commencer ? (soupir)

Hum.

Bon. Vous vous souvenez de cet article dans lequel j’expliquais que j’avais passé six mois à bosser sur le synopsis d’un quatrième roman historico-fantastique ? Ceux qui me connaissent le savent, j’ai répété  à maintes reprises que JAMAIS je ne me relancerai dans une trilogie. Trop de souffrance, trop de pression, et surtout trop d’années passées à corriger 1200 pages… Un vrai calvaire.

Il y a une semaine, j’étais tranquillement assis dans le train lorsque soudain je fus frappé par la foudre. Comment avais-je pu passer à côté de CETTE IDÉE ?

Arrivé à la maison, j’écrivais frénétiquement jusqu’au milieu de la nuit les… trois synopsis de ce qui ressemblait fort à… à… hum, disons une… trilogie (on ne ricane pas).

Un spin-off qui se déroule dans (l’immense) univers des pirates de L’Escroc-Griffe, à une autre époque et sur un monde inédit. Une trilogie indépendante de la première série, avec des protagonistes différents.

À mesure que je prenais plaisir à martyriser mon clavier, je ne pouvais m’empêcher de me sentir coupable vis-à-vis de mon projet de livre historico-fantastique. Je me retrouvais dans la peau du quadragénaire-marié-deux enfants qui tombe amoureux d’une petite jeune, bouleversé par des émotions qu’il pensait ne plus jamais ressentir. Une excitation qui m’a donné l’impression de rajeunir de dix ans.

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Au réveil, j’avais le sourire, mais aussi peur des réactions de mes proches. N’était-ce pas un fantasme d’auteur sans lendemain ? Pourtant, mes sentiments étaient toujours là. J’étais amoureux de cette nouvelle trilogie et plus que tout, j’avais envie de repartir explorer cet univers que je connaissais si bien, comme lorsque j’avais la vingtaine. J’éprouvais un tel soulagement que je mettais mon projet historico-fantastique en stand-by.

Depuis, je n’ai pas arrêté d’écrire… et même de beaucoup écrire.

Ce qui est complètement fou, c’est que j’ai créé trois synopsis sommaires en une nuit, alors qu’il m’a fallu six mois pour accoucher péniblement du plan du roman historique fantastique que je préparais. J’espère ne pas avoir perdu toute crédibilité à vos yeux.

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Ma muse fait parfois n’importe quoi

La grande leçon à tirer de cette crise de la quarantaine qui approche mon revirement, c’est qu’il faut écouter son instinct, son cœur, voire ses tripes. Même si je ne renie pas mon autre projet (je vous assure que l’idée est vraiment originale, du moins à mes yeux), je pense que j’ai lancé ce chantier pour de mauvaises raisons. Bêtement, je voulais prouver à mes lecteurs que j’étais capable d’imaginer autre chose que de la fantasy, que je savais inventer des histoires adultes plus sombres. Il y a quelques semaines, j’ai même écrit en cachette une nouvelle de SF orientée hard science. Il faut que j’arrête de me mentir, et assumer ma vraie nature.

Je suis un écrivain de Fantasy young adult dans l’âme et j’adore ça !

Je crois aussi que sans m’en rendre compte, les paroles de Stéphane m’ont rassuré et apaisé, comme si des digues logées dans mon inconscient avaient sauté.

Cela ne veut pas dire que je n’écrirai pas un jour ce roman historique qui me tient à cœur, mais pour l’instant je m’amuse comme un petit fou. Une trilogie, il n’y a que ça de vrai…

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… Même si une trilogie prend pas mal de place dans une vie d’auteur

Voilà, vous pouvez me balancer œufs et tomates.

Bonus : mon article écrit il y a un an, intitulé Pourquoi il ne faut jamais écrire de trilogie (tiens, il y avait également Gandalf dedans).

Published in: on janvier 16, 2017 at 9:58  Comments (30)  

Stéphane Marsan parle des Pirates

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Cela faisait longtemps que j’avais envie de vous parler de Dream On, un excellent podcast de Mister D consacré aux coulisses de l’édition. Dans cette émission unique en son genre mon éditeur, Stéphane Marsan, évoque sans langue de bois son métier, les rapports entre maisons, auteurs, libraires et agents, le tout avec des anecdotes croustillantes. Il raconte également le travail éditorial, mais aussi les salons littéraires, l’histoire de Bragelonne   ainsi que le numérique. Autant dire que ce podcast est une mine d’or pour les écrivains, publiés ou pas, ainsi que pour les passionnés de SFFF* en général. Tous les numéros sont disponibles sur le site officiel, ainsi que sur iTunes. Pour ceux que ça intéresse, je vous conseille de les écouter dans l’ordre.

Dans l’épisode 11, il était (entre autre) question des intégrales Bragelonne de ce Noël, ainsi  que de ma trilogie, à partir de la huitième minute ici :

J’ai été très touché par les mots de mon éditeur. Merci Stéphane !

*Science-Fiction, Fantasy, Fantastique

Published in: on janvier 11, 2017 at 12:12  Comments (9)  

Apologie du synopsis

Ca y est, je suis sur le point de terminer le synopsis de travail de mon prochain roman ! J’ai commencé à l’écrire… cet été. Oui, vous avez bien lu : j’ai consacré près de six mois de ma vie à un synopsis de travail de 60.000 signes*, insipide à lire… comme tous les synopsis d’ailleurs. Est-ce du masochisme ? Dans cet article, je parlais de la différence entre les structurants et les scripturants. Tous les auteurs le savent, le monde se divise en deux catégories : les architectes et les jardiniers. Quand on commence à écrire, la question qui revient immanquablement sur la table est : comment mon cerveau fonctionne ?

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Pour ma part, je suis architecte : avant d’écrire mon roman, j’établis un plan (le fameux syno) avec un début, un milieu et une fin. Je sais déjà quel climax (la « séquence forte ») est susceptible de toucher le lecteur. D’autres écrivains préfèrent travailler différemment, et ne supportent pas de connaître le dénouement. Ils progressent au fil de leur inspiration, coupant les branches qui dépassent : on dit d’eux qu’ils jardinent. Bien sûr, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise méthode et, de la même façon, on est jamais complètement l’un ou l’autre de ces archétypes.

Toujours est-il que j’ai constaté que le synopsis de travail est souvent mal aimé. J’ai même des amis écrivains qui le haïssent, parce que le synopsis est capable de vous bouffer le cerveau.

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Un spécimen intéressant de synopsis gigantis, communément appelé synopsis, occupé à chasser une proie. Sa victime, une auteure, n’a malheureusement aucune chance d’échapper à son piège mortel.

J’aimerais pourtant prendre sa défense. Je sais que ça peut étonner, je vous vois déjà venir :  » pourquoi ce type passe six mois sur un synopsis, alors qu’il aurait pu, dans le même laps de temps, écrire le premier jet de son bouquin ? »

C’est vrai, j’aurais largement pu fournir une première version en moins d’un an. Mais une des leçons que j’ai retenues avec ma trilogie, c’est de ne pas se lancer les yeux fermés dans un projet complexe… au risque d’y consacrer douze ans.

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Autant dire une éternité

Certes, ce délais extrêmement long s’explique en partie parce qu’il ne faut jamais commencer par une trilogie, mais honnêtement, si j’avais, au tout début, travaillé sur trois synopsis minutieusement détaillés, cette série aurait été moins difficile à écrire. Pour ce qui est de mon quatrième bouquin, un roman historique fantastique, j’ai complètement changé mon fusil d’épaule. Vu que je devais effectuer des recherches colossales (grosso modo : connaître dans les moindres détails l’Empire romain au IVe siècle après J.-C., la mentalité de ses habitants, mais aussi la vie quotidienne à cette époque, de la cuisine à la mode vestimentaire), j’ai lu quantité de livres sur l’Antiquité tardive avec l’angoisse de me dire que ça allait être plus compliqué et restrictif que de créer un univers imaginaire. Je ne pouvais pas plus me tromper ! Non seulement c’est tout aussi enthousiasmant, mais en plus l’Histoire, la vraie, m’a apporté quantité d’éléments pertinents et originaux que je n’aurais jamais osé imaginer, et qui sont pourtant véridiques. J’aborde ici un point fondamental : c’est parce que j’ai choisi de travailler sur un synopsis que mon intrigue a pris une épaisseur qu’elle n’avait pas à la base. Si j’avais commencé par un premier jet sans trop me prendre la tête, je  me serais retrouvé à coup sûr coincé au milieu de mon intrigue, ne serait-ce qu’à cause des recherches. Au mieux elles m’auraient coupé net dans mon élan, au pire elles m’auraient démontré que mon scénario ne collait pas avec l’Histoire (ce que je voulais éviter à tout prix). Une grosse incohérence ou un problème de structure peut provoquer la réécriture  complète d’un bouquin…

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Un autre point tout aussi essentiel : un synopsis amène du liant à l’histoire. Pendant des mois j’ai travaillé sur l’idée-force de mon intrigue, sa colonne vertébrale, et la tentation était grande de recourir à un maximum d’événements, de personnages, mais aussi de lieux… Le risque, c’est d’aboutir à une histoire brouillonne qui part dans tous les sens. Pour obtenir ce liant, il a fallu se recentrer sur une question essentielle, à savoir : que cherche mon personnage ? En décidant de ne traiter que quelques thèmes, on arrive rapidement à savoir ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Un peu comme lorsqu’un réalisateur veut consacrer un film à la Seconde Guerre mondiale : impossible d’avoir une approche globale, car il y a des dizaines de millions de protagonistes éparpillés aux quatre coins du monde ! Ce qui compte ce sont les personnages et l’histoire qu’ils vont vivre. Il faut donc adopter une échelle plus restreinte. Spielberg a consacré un film aux hommes qui ont participé au Débarquement de Normandie en 1944 (Il faut sauver le soldat Ryan), mais par la suite, en qualité de producteur, il a privilégié un autre point de vue sur l’événement : dans l’émouvante série Band of brothers, on suit le destin incroyable mais véridique des membres de la Easy Company, parachutés pendant ce même Débarquement derrière les lignes ennemies. Les deux visions sont complémentaires car les thématiques sont différentes : alors que Ryan renvoie à un dilemme moral (sacrifier plusieurs vies pour en sauver une), Band of brothers a une approche plus documentaliste en essayant de nous faire comprendre comment une profonde camaraderie a permis à des hommes ordinaires de survivre à des événements extraordinaires.

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Band of Brothers, l’une des plus belles séries HBO qu’il m’ait été donné de découvrir, à voir une fois dans sa vie. En plus vous n’avez pas d’excuses, il n’y a qu’une seule saison de 10 épisodes !

Mon synopsis m’a une nouvelle fois rappelé, si je l’avais oublié, combien il est important de savoir changer de point de vue pour rester au niveau de ses personnages, que l’intrigue se déroule au milieu d’une bataille spatiale gigantesque ou dans une cave exiguë. Peu importe la taille du synopsis de travail et sa complexité, on devrait toujours pouvoir le résumer en une phrase, le fameux pitch (mais ceci est une autre histoire). Cela ne veut pas dire que les architectes ont raison et les jardinier tort ! Comme je le disais au début de l’article, on est jamais complètement l’un ou l’autre, et je connais des jardiniers qui travaillent avec des plans relativement détaillés.

Tout ça pour dire que je ne regrette absolument pas d’avoir consacré six mois de ma vie à mon synopsis, car en réalité je me suis épargné plusieurs années de calvaire, et surtout de longues périodes de stagnation. C’est ce qui m’est arrivé à plusieurs reprises sur le tome 2 des Pirates : il n’y a rien de pire que de ne pas savoir comment certains événements capitaux doivent s’enchaîner  entre le début et la fin du bouquin ! Bien sûr, je ne suis pas à l’abri de mauvaises surprises sur mon prochain roman, mais quoi qu’il arrive, l’écriture du premier jet sera moins long, c’est une certitude.

*Pour ceux qui l’ignorent, les auteurs n’évaluent jamais la taille d’un manuscrit en nombre de pages, mais en signes « espaces comprises ». Cet usage tient au fait que le nombre de pages varie en fonction des traitements de texte, de la police choisie, de la mise en page… bref, de la typographie. Vous trouverez le nombre de signes de votre manuscrit dans votre traitement de texte favori.

Published in: on janvier 6, 2017 at 10:49  Comments (38)